Rapport annuel de la présidence 1888-1889

Edouard SARASIN, président
30 octobre 1889

Mesdames et Messieurs,

Appelés par l’Assemblée générale de fondation du 10 mai 1888 à l’honneur de diriger notre Société pendant la première année de son existence, nous venons aujourd’hui vous rendre compte de la manière dont nous nous sommes acquittés du mandat que vous nous aviez confié et vous exposer la marche de la Société académique pendant ce premier exercice. En effet, quoiqu’il se soit écoulé une période de près de dix-huit mois depuis le jour où notre association a pris naissance, nous entrons seulement maintenant dans notre second exercice, en vertu de l’art. 8 de nos statuts, qui fait commencer et finir notre année administrative le 1er octobre, pour la faire coïncider à peu près avec l’année universitaire.

Ce n’est pas sans une certaine émotion et sans un sentiment d’humilité que nous venons à vous aujourd’hui. La dernière fois que nous étions réunis, c’était en effet à notre séance solennelle d’installation. Nous étions alors tout entiers à la poésie des grandes espérances, à l’enthousiasme que nous inspirait la pensée de ce que serait notre Société, dans un avenir peut être pas trop éloigné, à la noble ambition de servir puissamment la cause de l’enseignement supérieur chez nous, de travailler à la prospérité intellectuelle de notre chère Genève. D’un seul bond, notre imagination à tous, celle surtout des jeunes gens à qui appartenait l’initiative de notre création, surexcite par le rapport si éloquent de notre président fondateur, avait alors franchi l’avenir et entrevu clairement, comme s’ils s’étaient réalisés déjà, les importants résultats que poursuit notre Société et la grande tâche qu’elle s’est donnée. Dans ces jours d’enthousiasme, et il en faut, on se prend à oublier que Rome ne se peut construire en un jour, il y a plus, elle vous apparait en imagination comme déjà entièrement bâtie d’un seul coup. Il semble qu’on aura plus qu’à moissonner ce qu’on a si abondamment semé. Malheureusement, après Ia poésie, la prose veut bien vite reprendre son empire et c’est ce qui nous est arrivé à nous, ouvriers très modestes, choisis par vous pour mettre à exécution de si vastes et si brillants projets, quand nous nous sommes trouvés à l’œuvre avec notre inexpérience comme guide et nos ressources financières forcément encore limitées comme moyen.

Aussi devez-vous vous armer d’indulgence en ce jour où vous venez pour contrôler nos actes, et faut-il pour nous juger sainement que vous descendiez un instant des hautes sphères où vous avaient entrainés le premier jour la beauté de l’idéal à poursuivre et la grandeur du but final à atteindre. De cette façon seulement vous pourrez n’être pas déçus en contemplant les premiers et très modestes fruits que nous avons pu cueillir jusqu’ici sur l’arbre que nous avions planté ensemble l’an dernier.

Pendant que nous en sommes au souvenir de cette assemblée de fondation, permettez-moi de regretter avec vous que celui qui la présidait, celui qui a plus que tout autre contribué à la fondation de notre Société, M. Borgeaud, pour ne pas le nommer, n’occupe pas le fauteuil à ma place. Nous aurions voulu le conserver à la tête de notre Comité, comme il avait été à la tête du Comité d’initiative, mais il a dû être presque constamment absent du pays depuis lors et a été à peu près complètement empêché d’assister à nos séances. Nous avons perdu aussi, à notre grand regret, pour un motif analogue, et cela alors d’une manière définitive, deux de nos collègues du Comité, les deux représentants des étudiants dans notre sein, MM. Chantre et Monnier, qui ont dû aussi quitter le pays pour leurs études. Nous les avons remplacés par MM. C. Seitz et L. Naville que vous aviez nommés membres suppléants.

Pour terminer ce qui a trait au personnel de la Société, nous nous réjouirons avec vous de ce que l’appel lancé par votre Comité tout de suite après votre installation nous ait amené encore un assez grand nombre d’adhésion. Le rapport du Comité d’initiative commençait en disant : « La Société académique de Genève se fonde avec trois cents membres, un fonds capital versé de dix mille francs environ et un revenu annuel de plus de mille francs formé de cotisations assurées. » le nombre de nos membres est maintenant de quatre cents, le fonds capital versé de plus de 17,000 francs et notre revenu annuel de plus dc 2,500 francs. Vous voyez que le mouvement en faveur de notre Société s’est continué et accentué depuis sa fondation et nous espérons bien, nous comptons même fermement qu’il s’accentuera encore d’avantage. Pour cela, la plus efficace de toutes les propagandes est celle que chacun de ses membres peut faire autour de lui, dans son entourage immédiat, parmi ses parents et ses amis, nous vous recommandons à tous de la pratiquer largement. C’est le meilleur service ue vous puissiez rendre à notre jeune Société, encore peu connue et appréciée.

Si le nombre de nos membres s’est notablement accru depuis nore dernière assemblée. D’autre part nous avons fait par la mort plusieurs pertes sensibles. Nous nous bornerons à mentionner ici celle de M. Charles Le Fort qui s’était vivement intéressé à la création de la Société académique et l’avait appuyée de sa haute autorité. Vous l’aviez nommé en reconnaissance de cela président honoraire.

L’inscription au registre du Commerce, votée à l’assemblée de fondation, a été effectuée immédiatement après. Nous avons demandé en outre au Conseil d’Etat que notre Société fût exemptée des droits de mutation. Ce Corps a bien voulu accueillir favorablement cette demande et nous a promis de soumettre une disposition dans ce sens au Grand Conseil.

Votre Comité a tenu ses séances régulièrement à peu près chaque mois. Il désirait pouvoir élire à domicile pour cela dans les bâtiments universitaires. Le Département de l’Instruction publique a très aimablement accédé au vœu que nous lui avons adressé à cet effet, et le bureau de l’Université a mis à notre disposition la salle de la bibliothèque de théologie. Nous les en remercions très vivement ainsi que M. le bibliothécaire, qui s’est prêté avec la plus parfaite bonne grâce à cet envahissement périodique de son territoire.

Nous remercions en même temps le Département de l’Instruction publique du local qu’il veut bien nous prêter pour les séances générales et dont nous usons aujourd’hui.

Votre Comité s’est partagé en trois commissions, celle des finances, celle des lettres et celle des sciences, ces deux dernières plus spécialement chargées d’étudier en détail, le cas échéant, les propositions ou les vœux se rapportant à l’une ou à l’autre des deux grandes branches entre lesquelles se partagent les études universitaires.

Le soin de notre caisse a été confié à M. Barthélemy Bouvier, et la maison de banque Darier et Cie, dont il est un des chefs, a bien voulu nous ouvrir un compte en y joignant toutes les facilités possibles et toutes sortes de services accessoires que ces Messieurs nous rendent avec la plus parfaite libéralité. Ils ont toute notre reconnaissance.

Telles sont les mesures, en quelque sorte d’ordre intérieur, que nous avons prises pendant ce premier exercice. Nous allons vous rendre compte maintenant de l’emploi que nous avons fait des ressources de la Société et ce que nous avons accompli pour la réalisation de la tâche qu’elle s’est assignée: « contribuer de tout son pouvoir au progrès du haut enseignement dans tous les domaines et particulièrement au développement de l’Université. »

Pour cela nous ne pouvions disposer encore, c’est forcé puisque nous ne faisons que débuter dans la vie, que de ressources relativement restreintes. Cependant outre les contributions de nos membres à l’année et à vie et les dons qu’ils nous ont faits, que vous trouverez relatés dans la liste que nous avons fait imprimer pour vous être distribuée, nous avons reçu de précieuses marques d’intérêt de la part des sociétés d’étudiants d’abord, qui, non contentes de s’inscrire pour une contribution annuelle, ont poussé le dévouement, nous parlons ici des Sociétés de Zofingue et de Belles-Lettres, jusqu’à donner en notre faveur une soirée littéraire et musicale pour laquelle elles ont combiné leurs deux répertoires et qui a rapporté une somme assez ronde. Nous sommes tout particulièrement heureux de voir ces liens d’amitié s’établir entre le corps des étudiants et notre Société, nous désirons les voir se resserrer de plus en plus. Nous aurons plus d’une fois à recourir au dévouement de notre jeunesse universitaire et nous sommes convaincus d’avance qu’elle ne nous marchandera jamais son concours empressé.

Un autre précieux témoignage d’intérêt nous est venu de la Société auxiliaire des sciences et des arts, cette sœur ainée de la nôtre, qui sur un champ plus étendu poursuit une tâche analogue à celle que nous nous sommes donnée nous mêmes.

Par un don très considérable, fait en vue d’un emploi immédiat et destiné à la première œuvre importante que nous pourrions réaliser, la Société auxiliaire a plus que doublé les ressources du budget de notre premier exercice. Ce riche présent nous est un gage que nos deux sociétés, qui nous le répétons tendent à un but analogue, marcheront toujours la main dans la main et que leur union sera féconde pour le développement de la haute culture scientifique, littéraire et artistique dans notre petite patrie.

Nous avons pensé entrer dans vos vies en décidant que les dons sans destination spéciale et les contributions à vie devaient être exclusivement employés à former un capital inaliénable dont les intérêts, joints aux contributions annuelles, constitueraient la somme disponible chaque année. Nous espérons que vous l’entendez bien ainsi.

Pour l’emploi de cette somme disponible, nous avons reçu et étudié un assez grand nombre de propositions et pas mal de demandes. Nous allons vous exposer les règles que nous avons cru devoir nous fixer ici, et si vous les approuvez elles pourront former de plus en plus notre droit coutumier.

II nous a semblé d’abord que nous ne devions pas disséminer les allocations, déjà par elles-mêmes assez réduites, dont nous pouvions disposer et qu’il était de notre devoir de résister au désir, à certains égards naturel et légitime, de faire beaucoup d’heureux avec une somme totale relativement faible. Il est vrai que nous aurions pu de la sorte boucher beaucoup de petits trous, contribuer à un grand nombre de choses différentes, mais aucune de celles-ci n’aurait marqué, aucune d’elles n’aurait laissé des traces durables. Notre Société a mieux à faire qu’à distribuer ses fonds en menue monnaie, que de solder par de petits subsides des dépenses décidées en dehors d’elle et d’apporter son modeste écot à des œuvres sans grande importance assurées d’arriver à leur réalisation tout aussi bien sans son intervention.

Elle doit savoir prendre une initiative plus hardie et provoquer des créations vraiment utiles qui ne se seraient pas faites sans elle, qui soient si possible son œuvre exclusive et restent comme un monument de son activité.

En outre et dans un tout autre ordre de considérations, elle doit éviter soigneusement sous prétexte de venir en aide à l’Université c’est-à-dire à l’Etat, qui s’impose pour elle de très lourds sacrifices, de faire des innovations qui seraient utiles peut-être, mais qui se traduiraient dans la suite par une augmentation de dépense pour le budget de l’Etat. Il ne faut pas qu’il puisse accuser notre Société de faire des dons sans penser aux conséquences ultérieures qui peuvent en résulter pour les finances de l’Etat et qui aboutiraient en définitive à aggraver les charges des contribuables.

Ce sont là quelques-uns des principes essentiels qui ont guidé nos résolutions, nous pensons qu’ils auront votre approbation. Du reste nous serons heureux d’entendre toutes vos observations et toutes vos critiques sur l’emploi que nous avons fait des ressources que vous nous aviez confiées. Il importe qu’après cette première d’expérience, l’Assemblée générale fasse connaître très exactement sa manière de voir à cet égard et indique très clairement à ses mandataires la voie qu’elle entend leur voir suivre.

La première création un peu importante que nous ayons entreprise en faveur de notre Université nous a paru remplir à peu près toutes les conditions que nous venons d’énumérer. Nous voulons Parler de l’aménagement d’une nouvelle salle de travail à notre Ecole de chimie. Grâce à la réputation du professeur de chimie générale de notre Université et à la haute valeur de son enseignement , l’école qu’il dirige jouit à l’étranger d’une faveur méritée, et le nombre des demandes de place dans les laboratoires d’études est toujours considérable. En face de ces demandes les locaux n’ont pas tardé à se trouver trop petits et l’étaient encore en dernier lieu, malgré des aménagements successifs qui ont amené un meilleur emploi de la place disponible dans le beau bâtiment qui abrite cette école. Aussi le professeur devait-il encore refuser des places et par conséquent l’accès de notre Université à des élèves qui ne demandaient qu’à y venir et à grossir le nombre des étudiants de la Faculté des sciences. Mais si la place manquait aux travailleurs, d’autre part, les collections de produits chimiques, qui n’en jouissaient guère, étaient somptueusement logées dans une grande salle située à l’extrémité orientale du premier étage du bâtiment, munie de quatre grandes fenêtres dont deux même étaient condamnées par les vitrines de la collection. C’était un beau et vaste local, un jour superbe, à peu près perdus ou du moins ne rendant absolument pas les services qu’ils étaient susceptibles de procurer. L’idée était déjà venue à plusieurs reprises aux personnes que cela intéresse, d’affecter cette salle presque inutile à la destination qui aurait dû lui être donnée dès le début pour profiter de tous ses avantages et d’y installer les vrais hôtes de notre école de chimie, les élèves, en y créant autant de places nouvelles qu’il serait possible. Dès qu’il en a eu connaissance, votre Comité s’est emparé de cette idée et il lui a paru qu’il y avait là une initiative utile à prendre. Après l’avoir étudiée, il s’est confirmé dans son impression première et il s’est convaincu qu’il y avait là un des meilleurs moyens de doter l’Université de ressources nouvelles et de lui assurer du même coup une augmentation du nombre de ses étudiants. Cette entreprise, qui eut été au dessus de nos seules ressources nous était d’ailleurs rendue possible par le beau don de la Société auxiliaire.

Il fut donc décidé que l’offre serait faite par notre Société au Conseil d’Etat d’un don de 4,500 francs en vue de la conversion de cette salle de collection en salle de travail, offre qui fut acceptée par le Corps suivant arrêté du 19 mars dernier. Les détails d’aménagement, d’après le projet de M. le professeur Graebe de M. l’architecte Ribi, approuvé par le Département de l’instruction publique, ont été soumis au délégué de votre Comité, qui en a suivi l’exécution avec un très grand intérêt. Cette installation maintenant terminée à parfaitement réussi. Elle procure 8 places nouvelles de travail dans les conditions les plus avantageuses de jour et d’espace, et avec tous les accessoires les mieux entendus et les plus commodes, tels que hottes ou chapelles, soit armoires vitrées avec cheminées d’appel pour les vapeurs délétères, tables de combustion, lavabos, etc. Il y a plus, une vaste baie a été ouverte entre cette salle et l’ancienne grande salle de travail et celle-ci, dont le jour était défectueux et insuffisant, y a gagné un supplément d’éclairage qui lui est infiniment avantageux. M. le professeur a le projet d’installer dans cette salle modèle les élèves les plus avancés, ceux qui se livrent plus particulièrement à des travaux originaux. Le résultat immédiat de cette création sera donc une augmentation de 8 élèves pour notre école de chimie et, nous l’espérons, par la qualité de ces élèves mêmes, un accroissement de la production scientifique de Genève.

Il y a là, vous le penserez comme nous, une œuvre réellement utile due à l’initiative de notre Société et dans laquelle celle-ci a eu sa part, bien nettement limitée. La somme que nous avons affectée à cette destination représente en effet, à peu près exactement les frais de l’installation de cette salle elle-même, qui est donc notre œuvre exclusive. Il y a eu, il est vrai, des frais accessoires que ce travail de transformation devait nécessairement entraîner : l’acquisition de petit mobilier et d’ustensiles pour cette salle, et surtout le transfert des collections dans d’autres locaux plus modestes, mais suffisants pour eux (ils l’ont été dans les salles basses et en mansardes où était anciennement le Bureau officiel d’analyse maintenant annexé au Bureau de la salubrité publique). Nous nous étions assurés à l’avance que ces dépenses accessoires pourraient être, grâce à l’autorisation du Sénat académique, prélevées sur le fonds Tingry. Ainsi ces améliorations, et c’est là une des raisons qui nous ont encouragés à adopter cette solution, ont été faites sans prélèvement sur le budget de l’Etat. Elles n’en exigeront pas davantage dans l’avenir, la création de cette nouvelle salle ne devant pas entraîner de frais supplémentaires pour le personnel de l’école ou autres.

C’est ce qui nous faisait dire tout à l’heure que cette première entreprise de notre Société rentrait bien dans le cadre que nous nous étions tracé, et nous espérons que vous l’approuverez aussi comme telle.

Si ça été là l’œuvre essentielle de notre premier exercice et le premier emploi important de nos Fonds, ça n’a pas été absolument le seul fruit de notre activité pendant cette année.

Le premier sujet dont nous nous soyons occupés a été de faire de la propagande en faveur de notre Université. Après avoir examiné la question sous ses différentes faces, nous avons décidé de répandre les programmes de l’Université directement parmi ceux-là même qui ont le plus d’intérêt à les connaître et qui peuvent être tentés d’en profiter, les étudiants eux-mêmes, plutôt que d’avoir recours aux annonces toujours très chères dans les journaux, qui vont se perdre pour la plupart dans un public indifférent. En suite d’un accord avec le Département de l’Instruction publique, qui nous a remis 6,000 exemplaires de ce programme, nous avons pu expédier ceux-ci par paquets de 6 à 8 accompagnés d’une lettre-circulaire en allemand aux 600 sociétés d’étudiants allemandes et autrichiennes indiquées dans I’Universitäts Calender.

Messieurs les étudiants nous ont prêté leur concours pour cette grosse expédition, nous les en remercions ici. En ou re nous avons fait un envoi de ces programmes en Italie par l’entremise de notre ancien collègue, M. Monnier, qui était allé s’y établir, et nous en avons envoyé aussi une centaine en Bulgarie au Ministère de l’Instruction publique, à l’Institut pédagogique et à 7 gymnases. Cette propagande a été complétée par l’encartage de ces programmes dans deux journaux allemands et leur insertion dans le Literarisches Centralblatt de Leipzig.

L’avenir pourra seul nous démontrer si ces mesures auront contribué à rendre la fréquentation de notre Université plus grande par la jeunesse studieuse de ces divers pays.

Enfin nous avons fait un don de livres d’une certaine importance à la Faculté de théologie en reconnaissance de l’hospitalité qu’elle nous accorde dans sa salle de bibliothèque, très déshéritée comme ressources financières.

Mais parmi les choses que nous avons faites, j’allais oublier la dernière en date, celle précisément qui nous intéresse le plus en ce moment, je veux parler de l’organisation d’une conférence de M. Edouard Naville comme complément à notre Assemblée Générale.

Ce sera en effet, pensons-nous, pour le public de notre ville une bonne fortune d’entendre ici le savant égyptologue genevois ; d’autant plus que c’est la première fois qu’il professe dans nos bâtiments académiques. Et puisque c’est nous qui l’avons introduit dans l’enceinte de notre Université, permettez-nous, d’exprimer le désir qu’il s’y montre souvent à l’avenir, qu’il y vienne prendre la place qui lui est naturellement dévolue, qu’il mette plus souvent ses concitoyens au bénéfice de sa science, et, nous allons plus loin, les vœux ne coûtent rien, que son nom figure un jour sur nos programmes universitaires. La nouvelle Université de Fribourg vient de charger un jeune orientaliste d’un cours important ; resterons-nous en arrière ? La réserve souvent exagérée est un des côtés du caractère genevois, il se retrouve même chez les esprits supérieurs. Ne mettons pas la lumière sous le boisseau, mais en utilisant toute celle que nous possédons en grande abondance à Genève, donnons à notre Université son vrai cachet, son vrai caractère national et tout l’éclat dont elle est susceptible.

Votre Comité s’est occupé encore d’un grand nombre de sujets dont il serait superflu de vous entretenir ici, parce qu’ils n’ont pas abouti encore à des résolutions définitives. Maintenant que nous avons terminé l’exposé de notre activité pendant ce premier exercice, vous voyez que nous n’avions pas tort de faire appel à votre indulgence au début de ce rapport. Nous espérons que vous nous l’accorderez d’autant plus volontiers, que vous vous serez persuadés que nous pouvions difficilement faire plus avec les ressources dont nous disposions et en considérant qu’il restera cependant de nos premiers efforts une création durable et vraiment utile pour notre Université. Mais si la modestie est de rigueur quand on parle d’un enfant à peine sorti de son berceau, il est un autre sentiment bien plus puissant encore qu’excite la vue d’une existence à ses débuts, c’est celui des glandes espérance, des nobles ambitions. C’est à celui-là que nous voulons faire appel en terminant.

Si nous n’avons pas fait plus jusqu’ici, c’est que les ressources nous ont manqué pour cela, à vous de nous les procurer par vos propres dons et par l’active propagande que chacun des membres de notre Société va faire autour de lui, nous y comptons fermement.

Qu’à la suite de cette assemblée notre second exercice débute par un accroissement considérable du nombre de nos membres. Déjà depuis la clôture de nos comptes nous avons reçu quatre nouvelles adhésions de membres à vie, trois membres ordinaires et aujourd’hui même un legs de 200 francs de M. le Dr Stroehlin.

C’est le premier qui nous arrive ; aussi le recevons-nous avec une joie et une reconnaissance toute particulière. Nous les voudrions nombreux, n’était qu’un legs est le dernier adieu d’un ami qui n’est plus. Nous ne pouvons oublier cependant qu’ils ont été pour une part importante, Ia plus importante même, dans la formation de la fortune considérable que possède aujourd’hui notre sœur ainée la Société académique de Bâle.

Mais non ! nous préférons encore compter sur les vivants. C’est pourquoi nous faisons distribuer dans cette salle la liste de nos membres. A côté de tous les roms qui s’y trouvent vous évoquerez tous ceux bien plus nombreux encore qui n’y sont pas et vous ferez le nécessaire, chacun dans sa sphère, pour combler ces lacunes. Nous adressons un appel tout particulier aux dames, que nous avons pour la première fois l’honneur de voir au milieu de nous. Une cause à laquelle les dames s’intéressent est une cause gagnée, leur présence ici nous est donc un gage du succès et nous souhaitons que leur exemple soit suivi par beaucoup.

Nous faisons distribuer aussi dans cette salle des listes d’adhésion, puissent-elles nous revenir revêtues de nombreuses signatures.

L’œuvre de la Société académique doit être l’œuvre de tous, car tous chez nous s’intéressent aux études supérieures, tous veulent voir grand le renom de Genève, tous voudront contribuer, chacun dans sa sphère, chacun avec ses moyens, à maintenir à notre chère Genève le rang élevé qu’elle a toujours occupé dans le domaine de la haute culture intellectuelle. C’est là le but supérieur auquel tend la Société académique et elle l’atteindra, nous en sommes certains, grâce au concours éclairé et unanime de notre population.

L’ancienne Académie est une des institutions qui ont le plus contribué dans le passé à donner à Genève sa physionomie bien à elle et à assurer son indépendance politique comme son indépendance de caractère. Il doit en être de même de notre jeune Université dans l’avenir. À nous tous ses enfants de travailler sans relâche, pour assurer ces avantages à notre Patrie bien aimée.