Rapport annuel de la présidence 1916-1917

Dr Henri AUDEOUD, président
3 novembre 1917

 

 Mesdames et Messieurs,

Malgré la continuation de Ia guerre terrible qui oppresse nos cœurs et nos esprits, la vie intellectuelle doit conserver ses droits, plus particulièrement dans notre pays qui, malgré les difficultés qu’il traverse, reste privilégié à tant d’égards.

Notre Université accueillait, il y a quelques jours, dans une séance émouvante, une nombreuse catégorie d’étudiants français et belges internés, qui profitent de leur séjour forcé au milieu de nous pour suivre les cours de notre école supérieure.

C’est vous dire que l’Université, comme une ruche bourdonnante, fait preuve d’une activité incessante, toujours productrice de travail et de vie.

Le devoir de notre Société est donc, dans ces temps troublés comme auparavant, de la soutenir et de l’aider de toutes ses forces à compléter et à parfaire son enseignement et cela d’autant plus que l’Etat a maintenant moins de ressources à lui fournir.

Votre comité y a travaillé de son mieux et vient vous rendre compte du mandat que vous lui avez confié.

Le nombre de nos sociétaires a augmenté d’une manière réjouissante, montrant le grand intérêt qu’on porte à Genève à notre vieille école scientifique : nous avons reçu 55 nouvelles adhésions, dont 5 membres à vie, ce qui porte le total de nos sociétaires à 646.

Nous avons eu le chagrin de perdre 6 des nôtres : Mesdames Théodore de Saussure et Pâris-Freundler ; MM. Edouard Sarasin, Auguste Barde, Alexandre Decrue et J.-J. Gardiol.

Nous tenons à rappeler ici tout ce qu’â été pour la Société Académique le savant que fut M. Edouard Sarasin. II s’intéressa à notre Association dès son début, sentant bien de quelle valeur elle serait pour les hautes études à Genève. Patriote éclairé et généreux, il en fut le premier président en 1888 et revêtit de nouveau cette charge en 1902. Pendant 19 ans il siégea au comité et ne lui ménagea ni son temps ni sa peine en l’aidant de ses dons réitérés. Sa mémoire restera dans le cœur de tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre. Sa famille nous a remis, en souvenir de lui, une somme de 1000 francs ; qu’elle reçoive encore ici l’expression de toute notre reconnaissance.

Madame Théodore de Saussure qui portait un vif intérêt à toutes les institutions genevoises et à la Société Académique en particulier, nous a fait aussi un beau legs de 1000 francs.
Nous avons encore reçu les dons suivants : de la Société de Belles-Lettres, 50 Fr. ; de M. Guillaume Favre, 100 Fr. pour le fonds du Livre de l’Université et 100 francs pour le fonds de la Bibliothèque publique.

Nous avons eu le regret de devoir enregistrer la démission de deux de nos collègues du Comité qui, malgré nos instances, ont cru devoir maintenir leur décision : M. Barthélemy Bouvier est aussi un de nos membres à vie et fondateur ; il fait partie depuis 29 ans du comité qui l’a élu 3 fois à la présidence. Qu’il nous permette de lui dire tout le regret que nous cause son départ. M. Frédéric Reverdin n’a pu rester que peu de temps avec nous ; qu’il nous laisse cependant lui dire notre reconnaissance.
Pour occuper ces deux places vacantes, le Comité vous propose de nommer aujourd’hui : MM. Albert Richard, avocat et William Rappard, professeur à la Faculté des sciences économiques et sociales.

Nous vous disions en 1916 qu’il avait été décidé d’allouer chaque année une bourse de 800 francs, à un étudiant confédéré déjà avancé dans sa scolarité, et qui pourrait ainsi venir à Genève compléter ou terminer ses études, en apprenant à mieux connaître notre cité.

M. Adolphe Wegmann, candidat en sciences économiques et sociales à l’Université de Zurich, en a bénéficié en 1916-1917. Il nous a adressé à son départ un intéressant rapport sur son activité. Il a suivi des cours et des conférences dans les facultés de droit, des sciences économiques et sociales et des lettres. Grâce à la complaisance de quelques-uns de nos membres, il a pu prendre contact avec la vie genevoise au point de vue intellectuel, artistique et même politique. Il a appris aussi à connaître notre canton. Il se déclare extrêmement satisfait de son séjour à Genève, tant en ce qui concerne ses études pour le français et les sciences que pour les connaissances générales acquises dans notre ville. En nous témoignant sa vive reconnaissance, il se met à notre disposition à Zurich pour y rendre divers services à des étudiants genevois. Notre but semble donc atteint dans ce cas et nous espérons que des liens nouveaux toujours plus nombreux se créeront ainsi peu à peu entre Genève et nos confédérés.

Nous avons pu, pour l’année 1917-1918, offrir cette bourse à un étudiant tessinois, M. Dante Ronchetti, qui nous a été chaudement recommandé de plusieurs côtés. Il vient de terminer ses études à Bellinzone où il a pris sa licence et il désire vivement continuer son travail à Genève à Ia faculté des sciences économiques et sociales. Eu égard à sa situation, le comité a porté son subside à 1000 francs, Nous lui souhaitons la bienvenue au milieu de nous.

Le perfectionnement dans le français est le principal but des cours de vacances organisés par le Séminaire de français moderne ; ils ont réuni jusqu’à présent un grand nombre de participants. Ils n’ont pu avoir lieu en 1917, mais tout fait espérer qu’ils seront repris en 1918 et l’allocation accordée au Séminaire l’année dernière sera utilement employée à cet usage.

L’Institut de Zoologie de la Faculté des Sciences, dirigé avec tant de zèle par M. le professeur Yung, a continué à utiliser le bateau l’Edouard Claparède pour ses différents travaux concernant l’étude de la faune lacustre. Après six ans de navigation, notre bateau avait un urgent besoin d’être tiré à sec pour être remis en bon état. La Compagnie générale de navigation, à laquelle nous adressons nos remerciements, a mis ses chantiers à notre disposition, ce qui a beaucoup facilité la chose. En outre, certaines améliorations s’imposaient : changement du treuil à l’arrière, pour permettre d’employer de plus larges filets pour l’exploration des fonds inférieurs à 80 mètres ; adaptation du moteur à la grande drague pour les recherches dans les grands fonds de 300 mètres. En effet, il faut remonter à la surface, dans ce dernier cas, deux à trois quintaux de boue, ce qui nécessitait le concours de deux hommes travaillant une heure et demie. Avec le moteur, c’est une forte économie de temps et de peine. Il fallait encore une nouvelle bâche pour préserver le bateau des intempéries. Nous avons trouvé ces diverses améliorations fort nécessaires et voté pour les réaliser une subvention de 1000 francs.
Votre président a participé par un beau dimanche de cet été à une pêche-dragage dans le petit lac et a pu se convaincre des services réels rendus par le bateau ainsi transformé.
En 9 mois, il a effectué 28 sorties; plusieurs savants suisses et étrangers se sont associés à ses travaux ; 34 étudiants ont été initiés aux méthodes de pêche.

Malheureusement, les restrictions apportées à la circulation des bateaux à moteur et la rareté actuelle de la benzine rendent très difficile, sinon impossible, la continuation des travaux de zoologie lacustre ; aussi venons-nous de faire une démarche auprès des autorités fédérales pour faire classer l’Edouard Claparède parmi les instruments de travail et lui assurer une circulation suffisante.

Ajoutons que nous sommes entrés en possession il y a quelques mois des 10.000 francs légués par Madame Gillet au fonds Edouard Claparède, ce qui en augmentera les revenus et permettra des recherches scientifiques plus étendues.

Si vous me permettez de vous transporter des profondeurs du lac au milieu des Alpes du Valais, nous nous arrêterons au jardin alpin de Bourg-St-Pierre La Linnæa. Ses 1600 plantes continuent à prospérer et sont fort appréciées de l’Institut botanique de la Faculté des Sciences et de son distingué directeur, M. le professeur Chodat. Il y recueille chaque été avec ses élèves de riches moissons de renseignements de toutes espèces.

Dans l’intéressant et long rapport qu’il vient de nous présenter sur l’activité de La Linnæa pendant l’été, 1917, il mentionne de nombreuses recherches de toutes espèces et une dizaine d’importants travaux du directeur et de sept autres botanistes. Quand les circonstances actuelles auront changé, ce jardin alpin pourra devenir un centre d’études attirant des chercheurs de tous pays.

Une excursion faite au mois de juillet dans la vallée de Saas a permis de recueillir et d’envoyer à La Linnæa une soixantaine de plantes rares indigènes fort utiles à conseryer.

Grâce à un échange avec le jardin de Floraire, à Genève, deux cents espèces de Gentianes, Saxifrages, Primevères, Campanules, etc., qui avaient disparu des cultures de notre jardin alpin, ont pu y compléter nos collections. Le fils du jardinier chargé de l’entretien de La Linnæa est venu pendant 3 mois à Châtelaine chez le meilleur spécialiste que nous ayons et s’est initié à tous les détails de la culture des plantes alpines, ce qui nous sera précieux pour l’avenir.

Le Département fédéral de l’intérieur nous montre tout l’intérêt qu’il témoigne à cet établissement par une allocation annuelle de 5oo francs. Nous avons donné de notre côté un subside de 300 francs pour son entretien et versé 1000 francs au fonds spécial de « La Linnæa ». Notre désir est que les revenus de ce fonds arrivent à être suffisants pour faire face aux dépenses ordinaires. Comme cela n’est point encore le cas, nous faisons un appel chaleureux aux éminents botanistes genevois, membres ou non de la Société Académique pour qu’ils viennent à notre aide.

Nous ne quittons pas la Faculté des Sciences en parlant de la chaire d’anthropologie générale à laquelle la nomination de M. le professeur Pittard était impatiemment attendue. Malheureusement, vu sans doute la difficulté du temps présent, cette chaire n’avait pas de crédit pour le matériel d’enseignement. Nous avons été heureux de soutenir le professeur et de l’aider à acquérir toute une série d’objets qui ont été exposés lors des journées universitaires encore présentes à notre souvenir. C’est d’abord une belle collection de clichés de projections, puis des moulages divers, types de la faune quaternaire, ossements humains de la même époque, objets gravés et sculptés de la période Magdaléenne, etc. Le Département de l’instruction publique a fait installer une vitrine spéciale pour conserver ce matériel. Nous espérons que ces collections pourront être complétées peu à peu.

Il y a longtemps que nous n’avions pas eu l’occasion de nous occuper de l’enseignement des mathématiques ; aussi est-ce d’un commun accord que notre comité a accédé à la demande de M. le professeur Fehr, doyen de la Faculté des Sciences, de nous intéresser à la chaire de calcul différentiel et intégral et de mécanique rationnelle. Le titulaire actuel devant malheureusement cesser son activité pendant le semestre d’hiver, il a fallu lui donner deux suppléants, ce qui n’était pas facile. M. Tiercy, docteur en sciences, assistant aux chaires de mathématiques, se chargea de la mécanique. Pour le calcul différentiel et

Intégral et les conférences d’analyse supérieure, la Faculté a désiré faire appel à un savant belge, M. Charles de la Vallée Poussin, professeur à l’Université de Louvain. Ce savant bien connu est un ami de notre pays où il a fait de fréquents séjours. En 1915, il a été appelé à donner un cours aux Etats-Unis, à Harvard University ; en 1916, il a professé à Ia Sorbonne et au Collège de France. II est membre correspondant de l’Académie des Sciences de Paris. C’est vous dire combien nous sommes heureux de le voir enseigner à notre Université pour laquelle il est une force véritable. En conséquence noris avons alloué un subside de 1000 francs au maximum à la chaire de mathématiques.

Disons enfin pour terminer ce qui concerne les sciences que nous avons contribué pour 500 francs à l’achat de livres divers de chimie technique el théorique pour la bibliothèque du laboratoire de chimie du professeur Ph.-Aug. Guye ; les bibliothèques spéciales sont un instrument de travail de premier ordre et tout à fait indispensable pour lequel les crédits officiels sont bien rarement suffisants.

La Commission du Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique, présidée par M. Rivoire a été réélue jusqu’en 1919 ; elle se compose de MM. Hippolyte Aubert, Arnold Pictet, Edouard Chapuisat, Frédéric Gardy et Charles Sarasin ; elle a présidé à l’acquisition de différents ouvrages qui ont été obtenus à des conditions exceptionnellement favorables; ce sont entre autres : 14 volumes des Mémoires de la Délégation en Perse, concernant l’archéologie orientale par des de Morgan ; 59 volumes du Journal de Marino Sanuto, édités à Venise, source importante pour l’histoire de l’Europe au début du 16è siècle; les 6 beaux volumes parus à Londres de 1907-1912, sur le National Antarctic Expedition ; 26 volumes d’ouvrage, divers de chimie technique et pharmaceutique. Les dépenses ont été de 2481 francs. La commission a décidé d’allouer une somme de 1000 francs à l’achat d’ouvrages de philosophie, d’après une liste établit par M. le professeur Werner, doyen de la Faculté des Lettres.

Le Fonds Moynier a continué à payer l’abonnement à des revues et journaux de sciences sociales en fournissant ainsi un riche matériel de travail aux étudiants.

La Bibliothèque publique et universitaire a reçu de ce chef 10 volumes et 707 fascicules de publications périodiques.

L’Ecole des sciences de l’éducation, dite Institut J.-J. Rousseau, continue à rendre d’importants services à la cause de l’enseignement à Genève et en Suisse. Sa valeur a été particulièrement soulignée le 24 février dernier par la réunion générale convoquée à l’occasion de ses 5 ans de fondation, et à laquelle nous avons pris part. M. le conseiller fédéral Calonder, chef du Département de l’intérieur avait tenu à y assister, ainsi que MM. les conseillers d’Etat Quartier-la Tente de Neuchâtel, Maggini de Bellinzone, et d’autres personnalités marquantes de la pédagogie. Le Département de l’instruction publique de Genève s’y était aussi faite présenter. Tous ont déclaré être fort intéressés par ce qu’ils ont vu et entendu. La meilleure preuve de la réussite de l’Institut est le fait qu’il essaime déjà dans les cantons romands.

Son activité s’est particulièrement révélée au grand public cette année par les douze séances qu’il a fait donner à l’Athénée, du 12 avril au 15 mai, sur la psychologie française contemporaine. Ces conférences ont été très suivies par les milieux intellectuels de notre ville.

Nous continuons à entourer de notre sympathie effective le développement de cette école due à l’initiative privée et qui, loin de faire concurrence à l’Université, lui attire au contraire des étudiants et augmente les relations scientifiques de Genève avec nos confédérés. En effet, vingt étudiants d’autres cantons viennent de s’inscrire à ses cours. Nous vous rappelons le fonds de l’Institut J.-J. Rousseau, qui ne demande qu’à augmenter. Nous lui avons versé 1500 Fr. à la fin de l’année dernière.

Abordons maintenant ce qui a été notre grande préoccupation de l’exercice écoulé, l’utilisation des legs qu’a faits, en 1916, Madame Gillet-Brez à la Société Académique. La liquidation de la succession a été fort compliquée du fait des difficultés apportées par la guerre à toutes les questions financières. Grâce à l’activité persévérante de M. François Barrelet, exécuteur testamentaire, la situation s’est débrouillée peu à peu et c’est à lui que nous devons d’avoir pu entrer en possession, il y a quelques mois, du capital qui nous avait été légué. Aussi notre comité lui a-t-il voté une adresse de remerciements qui lui a été remise par une délégation du Bureau. Ledit capital, formé d’obligations américaines, a subi du fait des cours une moins-value nominale assez marquée, mais notre trésorier n’étant pas forcé d’en réaliser les titres, cela est moins sensible pour nos finances. Toutefois, les intérêts en sont inférieurs à ce qu’ils eussent été dans d’autres circonstances. La plus grande prudence s’impose donc au point de vue des engagements que nous pourrons prendre de ce chef.

Le comité a décidé de laisser ces fonds chez MM. Barrelet et Cie. La commission prévue par le testament pour l’administration des fonds Gillet a été formée de 5 membres : MM. François Barrelet, Emile Rivoire et Louis Wuarin, désignés par Mme Gillet et MM. Eugène Choisy et Henri Audeoud, nommés par le comité pour 3 ans ; ce dernier préside Ia commission.

Un règlement a été élaboré pour fixer l’activité de cette commission et ses rapports avec le comité.

Pour que l’emploi des revenus du fonds Gillet fût tout à fait conforme aux volontés de la testatrice, il nous importait d’être bien fixés sur ces dernières ; aussi avons-nous demandé aux exécuteurs testamentaires, qui ont qualité pour le faire, une déclaration à ce sujet. En voici les termes principaux : « Le revenu de ce capital servira essentiellement à subventionner ou à créer deux enseignements au moins, dans les domaines de l’histoire, de la géographie et de l’économie politique. Telles de ces subventions pourront être versées pendant un nombre d’années limité à la caisse de l’Etat pour faciliter la création de chaires nouvelles. D’après les intentions formellement exprimées par la donatrice, les revenus ne pourront en aucun cas et sous aucun prétexte être attribués d’une manière permanente à une chaire officielle. »

Dès janvier dernier, nous étions déjà sollicités pour l’emploi du Fonds Gillet.

M. Raoul Gautier, professeur d’astronomie, de météorologie et de géographie physique, désirant étendre son enseignement dans les deux premières de ces branches d’études, proposa à Ia Faculté des Sciences d’être déchargé de la géographie et de solliciter du

Département de l’instruction publique la création d’une chaire extraordinaire de géographie physique. II demanda à la Société Académique si elle serait disposée à faire subventionner cette nouvelle chaire par le Fonds Gillet. Après une entrevue avec le chef du Département et un sérieux examen de la question, notre comité décida de mettre une somme de 6000 Fr., payable en 3 annuités de 2000 francs, à Ia disposition de l’Etat, si celui-ci décidait la création de cette chaire.

M. Rosier nous écrivait alors que le Conseil d’Etat n’estimait pas possible d’admettre un subventionnement limité à une certaine durée, mais que le revenu devait être garanti à l’Etat aussi longtemps que la chaire existerait.

Après une nouvelle étude de la question par la commission et le comité, ce dernier offrit au chef du Département une somme de 20.000 francs, payable en 10 annuités de 2000 Fr., pour faciliter la création de Ia chaire de géographie physique. Il lui semblait que les professeurs extraordinaires étant nommés pour 3 ans, il y avait là une solution très favorable de la question.

M. Rosier répondit à cette nouvelle proposition qu’il n’était pas possible au Conseil d’Etat de modifier son point de vue, ce dernier estimant qu’une chaire ne peut être créée au moyen d’un don qu’au cas où ce don revêt l’une des deux formes suivantes : a) celle d’un capital dont les intérêts doivent être suffisants pour couvrir la dépense nécessitée par la chaire ; b) celle d’une rente annuelle, suffisante également, qui doit être versée chaque année au budget de l’Etat et  garantie sar.rs limitation de durée, aussi longtemps que la chaire existera.

Nous écrivîmes alors au Conseil d’Etat pour lui exposer notre manière de voir, mais sans succès. Comme nous n’étions autorisés à remplir ni l’une ni l’autre de ces conditions, nous avons dû en rester là, tout en regrettant vivement qu’un modus vivendi n’ait pu être adopté.

M. Gautier nous adressa alors une nouvelle demande de subvention pour développer le matériel d’enseignement de Ia géographie physique et de Ia météorologie, et nous avons été heureux de pouvoir lui accorder un crédit de 3000 francs en 2 annuités de 1500 francs, à prendre sur les revenus du Fonds Gillet. Cela lui permettra l’acquisition de toute une série d’instruments que l’Etat ne peut lui fournir.

Parallèlement à toutes ces négociations, d’autres, analogues, étaient engagées pour la création d’une chaire extraordinaire d’histoire et de science de l’art à la Faculté des Lettres. Il est à remarquer, en effet, quoi qu’il en coûte à notre amour-propre, que de toutes les universités suisses, celle de Genève est Ia seule qui n’ait pas encore introduit l’étude de l’art dans ses programmes officiels. Ce n’est pas la faute de la Faculté des Lettres qui désire vivement la création de cet enseignement. Nous avons pensé qu’il y avait là un progrès véritable à réaliser et nous avons estimé accomplir une œuvre utile en mettant cette discipline sur le même pied que la géographie physique. Nous avons donc fait savoir au chef du Département de l’instruction publique que nous mettions à sa disposition, sur les revenus du Fonds Gillet, 20.000 francs, payables en 10 annuités de 2000 francs, pour faciliter la création éventuelle de cette chaire extraordinaire.

Mais notre insuccès fut le même. Sans nous laisser décourager et désirant malgré tout aider la Faculté des Lettres dans ce domaine particulier, nous avons décidé d’allouer à un privat-docent, M. Waldemar Déonna, une subvention pour un cours à donner sur l’histoire et la science de l’art. Pour assurer le développement suivi de cet enseignement, cette subvention sera de 2000 francs per an pendant 5 ans, plus un crédit annuel de 500 francs pour matériel de cours, clichés pour projections, photographies, moulages, etc.

Ajoutons que ce cours a commencé le 27 octobre dernier et qu’il attire un très grand nombre d’étudiants, ce qui montre qu’il correspond bien à un besoin réel.

Il nous reste à vous parler du Fonds Gillet pour voyages, dont les intérêts sont destinés à des élèves venant de terminer leurs études à notre collège. Bien que cet établissement ne rentre pas directement dans le cadre de notre activité habituelle, nous n’avons pas cru devoir refuser ce legs, les étudiants de l’Université parmi les élèves qui viennent de passer la maturité ; ce qu’on fera pour les développer profitera donc aussi à notre haute école.
Une difficulté se présentait : la lettre du testament prévoyait deux prix de 1000 francs aux deux élèves ayant les meilleures notes moyennes pendant la dernière année.
Mais le collège a 4 sections parallèles dont les conditions diffèrent quelque peu, et il ne nous a pas paru équitable de n’en faire qu’un seul bloc ; d’autre part, grouper les sections deux par deux et donner chaque année les prix à l’un des deux groupes empêchait de concourir la moitié des élèves. Nous avons eu de nombreuses entrevues avec M. le Directeur du Collège et des professeurs ayant enseigné dans cet établissement sans pouvoir arriver à une solution satisfaisante.

Enfin, MM. les exécuteurs testamentaires qui connaissent très bien les idées de Mme Gillet à ce sujet, nous tirèrent d’embarras en nous faisant la déclaration suivante : « Le désir de Madame Gillet était de favoriser le meilleur élève de chacune des deux anciennes sections du collège, soit Ia section classique et industrielle. La forme du collège ayant évoluée pour mieux s’adapter aux exigences actuelles et 4 sections parallèles existant maintenant, nous estimons, après mûre réflexion, qu’il y a lieu de donner 4 prix au lieu de 2 les réduisant à 600 francs1 ».
Mais le désir du comité est de porter ultérieurement le montant de ces prix à 1000 francs ; nous espérons que de généreux donateurs voudront bien nous y aider.

Quelques extraits du règlement élaboré à leur sujet pourront sans doute vous intéresser. Ces 4 prix porteront le nom de Prix Gillet ; jeunes gens et jeunes filles, suisses et étrangers, pourront également l’obtenir, à condition d’avoir suivi les deux classes supérieures du collège et d’avoir, en outre, étudié deux autres années, soit au collège, soit dans d’autres écoles de Genève, se raccordant avec le collège supérieur.

Le prix Gillet devra être employé à un voyage d’études et de développement utile à la carrière que désire embrasser le titulaire. Un séjour dans un centre d’études pourra être assimilé à un voyage. Son but ne sera pas imposé.

Les titulaires du prix Gillet devront remettre au président de la Société Académique une relation de voyage qui restera la propriété de la Société. Le comité décernera à chaque lauréat, une fois en possession de son rapport, une médaille d’argent grand module, frappée spécialement à cet effet, qui portera, avec les armoiries de Genève, le nom du titulaire, le but et la date du voyage.
Nous espérons que les premiers prix Gillet seront distribués en 1918. D’après la loi sur l’instruction publique, tout don fait au collège doit avoir l’assentiment du Conseil d’Etat ; nous avons donc demandé cette autorisation au Département de l’instruction publique, nous ne l’avons pas encore obtenue.

Telle est, Mesdames et Messieurs, l’activité de notre Société pendant l’exercice écoulé ; vous serez heureux de constater avec nous, qu’avec des ressources plus considérables, elle pourrait faire davantage pour les besoins toujours croissants de notre Université et de l’enseignement supérieur.

Notre association va entrer dans sa 30ème année d’existence, elle est en plein développement et nous pouvons rendre hommage aux hommes qui en ont eu l’initiative et qui l’ont guidée dans ses premiers pas. Elle sert une bonne cause. Qu’elle puisse toujours le faire dans la liberté !

 

 

1Par suite des circonstances financières actuelles, le prix a dû être encore réduit à 500 Fr. pour 1918.