Rapport annuel de la présidence 1923-1924
Alphonse BERNOUD, président
22 novembre 1924
Mesdames, Messieurs,
Jamais l’existence de la Société Académique n’a été plus nécessaire qu’aujourd’hui.
En effet, l’Université de Genève risque d’être amoindrie, non pas par un mesquin esprit d’économie, mais bien par les exigences impérieuses d’une grave situation financière de notre budget cantonal. Après avoir supprimé quelques rares postes superflus, quelques organes qui avaient survécu à leur fonction, l’Etat n’interviendra-t-il pas pour réduire des allocations absolument nécessaires ?
Nous ne le croyons pas, car le peuple éclairé, qui a inscrit au fronton de ce bâtiment sa confiance dans la valeur de l’instruction universitaire, ne souffrira pas que l’on diminue la puissance de travail d’une institution dont il est fier à juste titre.
Nous savons trop quel magnifique esprit de sacrifice il a montré à maintes reprises dans notre histoire ; nous connaissons le dévouement de nos professeurs et nous sommes certains que toutes nos Facultés continueront comme dans le passé à répandre un enseignement universellement apprécié.
Cependant les signes avant-coureurs d’une parcimonie un peu appuyée se sont manifestés cette année avec insistance. Aussi n’avons-nous pas craint de distribuer largement les subsides qui nous étaient demandés, après en avoir vérifié avec soin et même sévérité les motifs et les affectations.
Nous avons puisé dans les fonds à notre disposition en pesant longtemps nos raisons de refuser ou d’allouer les sommes qui nous étaient demandées.
Vous en jugerez vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, par les développements qui suivent.
Par arrêté législatif, le Grand Conseil a supprimé la chaire d’arabe de la Faculté des lettres. A la demande de M. le recteur, nous avons alloué une subvention de 1.000 Fr. à cette Faculté pour que le titulaire, M. le prof. Montet, puisse reprendre le cours d’arabe dont quelques étudiants avaient demandé la continuation. Il a été convenu que cette allocation ne serait que pour cette année, sans engagement pour l’avenir.
Au Séminaire de français moderne, nous avons remis une somme de 1.500 Fr. afin de l’aider dans Ia rémunération des professeurs qui veulent bien consacrer une partie de leur temps à cet utile organisme.
Dans la Faculté des sciences, les crédits officiels pour les bibliothèques des diverses chaires ont été réduits d’un tiers ; de ce fait, certains laboratoires se sont trouvés privés de leurs abonnements aux périodiques ; ils se sont naturellement adressés à nous et nous avons mis à leur disposition la somme de 2.000 Fr. pour leur faciliter la reprise de ces abonnements. Nous croyons que l’année prochaine une meilleure répartition des économies dans cette faculté permettra aux laboratoires de ne pas interrompre l’acquisition des publications fui leur sont nécessaires.
Cependant, nous avons mis à profit cette occasion pour recommander aux bibliothèques de la Faculté des sciences d’éviter les abonnements en double et même en triple exemplaire et de mettre à contribution les rayons de la salle Moynier qui constitue un magnifique instrument de travail à l’usage des étudiants et des professeurs.
Inutile d’ajouter que les bibliothèques nous ont écoutés et que, si tel périodique est encore représenté dans plusieurs locaux, c’est par les exigences de l’enseignement.
Nous avons remis une somme de 500 Fr. à M. le prof. Guyénot pour l’achat d’une vitrine destinée à conserver les modèles et reproductions utilisés dans des cours de zoologie; nous avons été heureux de pouvoir satisfaire la modeste demande d’un savant de grand mérite qui apporte à l’Université une force créatrice dont nous ne serons jamais assez reconnaissants.
Comme chaque année, nous avons remis 200 Fr. à la commission qui s’occupe du bateau « Edouard Claparède ». Ce bateau-laboratoire est devenu un instrument de recherche dans les mains de M. le prof. Collet qui étudie les dépôts sédimentaires du lac de Genève. Nous avons appris récemment que la Faculté des sciences a décidé de réunir les différents enseignements de limnologie biologique et physique sous le nom d’Institut de limnologie, sous la direction du prof. Collet. Nous ne doutons pas que la réorganisation et le groupement de ces chaires ne conduisent à des travaux mettant en valeur notre lac, qui offre un si large champ d’étude.
Pour faciliter ces études de limnologie, nous avons remis à M. Collet la somme de 2.000 Fr., ce qui permet d’entreprendre des travaux intéressants.
Nous venons de recevoir le rapport annuel de la Linnæa. Cet important jardin alpin et laboratoire de biologie alpine achève sa dixième année d’activité sous la direction de M. le prof. Robert Chodat. Les travaux pratiques exécutés par les étudiants, les excursions en pleine région alpestre, les publications préparées dans l’institut de Bourg-Saint-Pierre, ont attiré l’attention d’un grand nombre de savants, ainsi que l’atteste le registre des hôtes de passage; ceux-ci trouvent là une admirable occasion de s’initier à la biologie de la haute montagne. Nous félicitons M. le prof. Chodat des magnifiques résultats qu’il a obtenus en si peu de temps ; sous son impulsion, Ia Linnea est devenue un laboratoire vivant et fécond et nous avons été heureux de lui remettre une allocation de 1.000 Fr. pour cet établissement, en plus des 500 Fr. qu’il reçoit chaque année du Département fédéral de l’Intérieur.
A la Faculté de médecine, nous avons remis 5090 Fr. à M. le prof. Gourfein pour le soutenir dans sa publication de la Revue générale d’ophtalmologie, qui est le seul journal de ce genre paraissant en Suisse. Puis nous avons donné une allocation de 500 Fr. à M. le prof. de Seigneux pour l’aider à la confection d’un mannequin gynécologique destiné à l’instruction pratique des étudiants. Le mannequin réalisé par ce distingué professeur prépare les élèves aux délicates manœuvres de leur art ; il leur donne déjà une adresse suffisante pour qu’ils passent aux études des corps vivants et constitue ainsi un excellent procédé d’adaptation.
Nous avons remis à M. le prof. Askanazy Ia somme de 300 Fr. destinée à la préparation d’un ouvrage illustré de pathologie générale, en priant l’auteur de vouloir bien examiner la possibilité de s’adresser, pour les travaux d’illustration, à des maisons de notre pays.
La Bibliothèque de la Faculté des sciences économiques et sociales nous a demandé un subside pour l’achat de livres. Nous lui avons accordé 1.000 Fr. en insistant encore pour que J’on évite de choisir des ouvrages se trouvant déjà à la Bibliothèque publique et Universitaire.
Nous avons remis 1.500 Fr. à M. Adolphe Ferrière comme subvention à la fois pour son enseignement universitaire et à l’ouvrage qu’ii prépare sur la psychologie génétique.
L’Institut J.-J. Rousseau nous a demandé une allocation destinée à développer la section de technopsychologie. Etant donné les résultats pratiques de cette institution et les grands services qu’elle rend dans le domaine si nouveau de l’orientation professionnelle, nous n’avons pas hésité à lui voter la somme de 2.000 Fr.
Vous savez, Mesdames et Messieurs, qu’une société auxiliaire de la Faculté de théologie s’est fondée cette année : la Société Jean Calvin.
Nous avons accueilli cette nouvelle avec une grande satisfaction, car nous pensons que plus nombreux seront les comités qui s’occupent de l’Université, d’autant plus efficace sera l’aide apportée à cette institution. Nous nous sommes inscrits pour 1.500 Fr. offerts à la Société Jean Calvin en don de bienvenue.
Il est fort probable qu’à l’avenir nous transmettrons à la Société Jean Calvin tout ou partie des demandes d’allocations qui pourraient provenir de la Faculté de théologie.
Le Comité de patronage des étudiants, dont les efforts sont si appréciés des ressortissants étrangers, élèves de l’Université, nous a demandé 5.000 Fr. pour assurer le service de son secrétariat. Nous avons décidé de mettre cette somme à sa disposition pour l’année 1924.
D’autre part, nous avons avancé 5.000 Fr. aux Cours de vacances de l’Université, dont le succès paraît s’affirmer à nouveau depuis cette année. Le rapport qui vient de nous être envoyé établit que la fréquentation de cet été a triplé depuis 1922. Sous l’habile direction de M. Georges Thudichum, une intelligente réclame a attiré un grand nombre d’auditeurs étrangers et les affaires de cette institution ont été si prospères clue le comité pourra nous rembourser la plus grande partie de notre avance.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le détail un peu aride des allocations distribuées cette année et, si nous les mentionnons tout au long, ce n’est pas par ostentation mais bien pour que vous compreniez toujours mieux l’importance et l’utilité de notre Société Académique, dont le mérite retombe en fin de compte sur la générosité de ses membres.
Il y a quelques semaines, le Grand Conseil a décerné la bourgeoisie d’honneur à M. le prof. Charles Borgeaud. La Société Académique se réjouit de cette haute distinction méritée par l’un de ses principaux fondateurs, président du comité d’initiative et qui à maintes reprises a contribué par la plume et par la parole à l’activité de votre comité.
Dans le courant de l’année, nous sommes intervenus par lettre auprès du Conseil Administratif de la Ville de Genève, afin de combattre la proposition émise de modifier la stabilité du fonds municipal Brunswick. Nous craignions en effet que, si la somme dont les revenus sont affectés en partie à l’entretien et à l’enrichissement de la Bibliothèque publique et universitaire venait à être déplacée, il n’en résultât dans la suite des difficultés financières dont cet établissement aurait à souffrir. C’est avec satisfaction que nous avons appris que le Conseil Administratif avait décidé de replacer ce fonds en valeurs solides.
Quatre élèves du Collège ont mérité le prix Gillet ; ce sont MM. Bernard Schatz, William Junet, Georges Rochat et Julien Blaser.
Nos vœux accompagnent ces jeunes gens qui ont si bien débuté dans leur carrière.
La mort, malheureusement, a lancé sans pitié sa large faux à travers nos rangs.
Nous avons eu le chagrin de perdre M. François Barrelet, exécuteur testamentaire de Mme Gillet-Brez.
C’est grâce aux judicieux conseils du défunt que nous avions bénéficié du beau legs qui nous permet de subventionner diverses Facultés et nous resterons toujours reconnaissants de l’appui que nous avons trouvé auprès de cet homme d’expérience et de dévouement.
Nous avons perdu quatre membres à vie : MM. Alfred Bertrand, Lucien Gautier, Jules Roux-Eggly et Aristide Papadaki, et onze membres ordinaires : MM. Henri de Morsier, Auguste de Morsier, Frédéric Ferrière, Mme Aloys Gampert, Paul Moriaud, S. Tcheraz, William Rosier, Louis Guillermin, Francis Chaponnière, Albert Kundig et Mlle Laure Martine.
Tout récemment encore, nous avons conduit à sa dernière demeure M. Georges Fulliquet.
Nous adressons ici un hommage ému à ces chers collègues disparus qui tous, selon la mesure de leurs moyens, nous ont aidés dans notre tâche et nous présentons à leurs familles l’expression de notre vive sympathie.
Nous avons dû enregistrer quelques démissions.
Par contre, nous avons le plaisir d’accueillir neuf nouveaux membres auxquels nous souhaitons une cordiale bienvenue parmi nous.
Nous avons recueilli plusieurs legs. D’abord le legs Abegg de 4.905 Fr. qui nous a été versé en totalité, car l’obligeant avocat Me Paul Des Gouttes, qui a bien voulu accomplir pour nous les formalités genevoise et américaine, a renoncé à tout honoraire, ce dont nous le remercions sincèrement.
Mme Lucien Gautier nous remis 250 Fr. en souvenir de son mari. Mme Aubert-de la Rüe nous a fait parvenir 200 Fr. en souvenir de son mari, ancien directeur de la Bibliothèque publique et universitaire, et une nouvelle somme de 1.000 Fr. français à attribuer au fonds auxiliaire de la B.P.
Nous adressons nos remerciements les plus vifs à ces généreux donateurs qui savent que le souvenir des êtres chers qu’ils aimaient et que nous aimions demeurera parmi nous.
Mesdames et Messieurs, à la fin de ce rapport, nous désirons vous dire que les encouragements de toute nature que nous recevons de Ia part d’amis fidèles et même d’inconnus nous montrent toujours plus que la Société Académique est appelée à jouer un rôle d’autant plus important dans les destinées de l’Université que l’Etat, par les restrictions que sa situation financière lui impose, sera obligé de renoncer à des améliorations essentielles. C’est notre Société qui devra alors intervenir et soutenir par tous les moyens le renom de notre haut enseignement universitaire.
A cette tâche, nous ne faillirons pas.
Comptant sur votre appui moral et matériel, nous regardons courageusement l’avenir en face.
Quelles que soient les difficultés que le sort nous réserve, nous les dominerons à la fois par notre opiniâtreté et par le valeureux concours de tous les membres de la Société Académique.