Rapport annuel de la présidence 1924-1925

Alphonse BERNOUD, président
14 novembre 1925

 

 Mesdames, Messieurs,

Nous venons de passer une année difficile. Chargés par vous de soutenir et de développer l’enseignement de notre haut établissement d’instruction, nous avons dû refuser quelquefois et bien à regret d’intervenir lorsque nos moyens ne nous le permettaient pas; nous avons été obligés de réduire trop souvent les allocations qui nous étaient demandées. Notre seul mérite a consisté à faire preuve de diligence plutôt que de générosité dans l’examen des demandes présentées et en cela nous nous sommes conformés à l’adage : Bis dat qui cito dat. Nous espérons avoir donné deux fois en donnant vite. Voici, Mesdames et Messieurs, quelle a été l’activité de votre comité.

Nous avons alloué une subvention de 3.000 Fr. à M. le professeur Maurice Roch pour contribuer à l’achat d’un stéthoscope électrique destiné à l’auscultation des malades de la clinique médicale. Cet appareil, le premier en Europe, est construit sur le modèle d’un amplificateur de T. S. F. Un microphone dont la puissance est multipliée par une batterie d’accumulateurs transmet à un nombreux auditoire les multiples bruits intérieurs de l’organisme humain.

Les battements du cœur, les souffles et les râles de la respiration peuvent être perçus par un ensemble d’étudiants qui suivent ainsi avec plus de profit les explications du professeur dont le diagnostic est devenu plus aiguisé.

Vous vous souvenez, Mesdames et Messieurs, qu’à l’époque de la liquidation de la Société pour la lutte contre le cancer, en 1924, la Société Académique avait reçu mission de gérer le solde actif du capital de cette institution. La somme de 2.293 Fr. nous fut remise ainsi que divers appareils de laboratoire avec prière d’affecter les fonds à des œuvres combattant le terrible fléau. Nous avions remis les appareils aux professeurs qui en avaient besoin pour leurs travaux et le capital fut incorporé au nôtre.

Lors de la fondation récente du Centre anticancéreux, votre comité décida aussitôt de remettre à cette association les valeurs qui lui avaient été confiées.
D’accord avec les liquidateurs de l’ancienne Société pour Ia lutte contre le cancer, nous avons mis à disposition de M. le Dr Charles Du Bois, président du Centre anticancéreux, la totalité du capital, soit 2.293 Fr. auquel nous avons ajouté 200 Fr. comme don de la Société Académique. Entre temps, pour nous conformer à notre mandat, nous avons remis à M. le professeur Beuttner la somme de 1.000 Fr. destinée à des travaux sur le cancer.
Le distingué spécialiste a entrepris dans son laboratoire un certain nombre de recherches expérimentales, et les résultats ont été consignés dans des publications variées dont la liste nous a été remise.

Nous sommes certains, Mesdames et Messieurs, que vous approuverez l’affectation qui vient de vous être signalée.
Nous avons remis à M. le professeur Battelli 300 Fr. pour l’achat d’un appareil de mesure des tensions électriques dans les expériences d’électricité animale et dans l’analyse des tissus animaux.
Chaque progrès de la science entraîne aussitôt de multiples applications pratiques qui, à leur tour, réagissent sur les méthodes théoriques. L’avènement universel de la T.S.F. a suscité des travaux considérables dans le domaine des ondes électromagnétiques.

Aussi avons-nous accueilli avec empressement la demande de M. le professeur Ch.-Eugène Guye tendant à obtenir les fonds nécessaires à l’installation d’appareils pour l’étude des ondes. Nous avons donc alloué la somme de 2.700 Fr. au laboratoire de physique de l’Université. Déjà une partie des instruments sont installés et servent aux recherches des étudiants qui désirent acquérir des connaissances approfondies en matière de T.S.F. théorique.

Nous avons été avisés par les éditeurs que l’ouvrage posthume du regretté professeur Charles Cailler, intitulé Introduction géométrique à la mécanique rationnelle, avait paru. La Société Académique qui a contribué par une souscription de 500 Fr. à la publication de ce volume en a reçu 20 exemplaires. L’un a été déposé à la Bibliothèque publique de Genève, les autres joints, à ceux qu’a acquis la Faculté des Sciences, ont été envoyés à 45 universités étrangères avec la mention : Don de la Faculté des Sciences et de la Société Académique de l’Université de Genève.

Nous avons remis 400 Fr. à M. le professeur Ladame, directeur de l’Asile de Bel-Air, pour l’achat d’un microtome à paraffine qui doit servir à des recherches dans la clinique des maladies mentales. Le laboratoire de l’Asile, bien que peu doté, peut heureusement continuer ses travaux grâce à l’obligeance de M. le professeur Weber, ancien directeur, qui a bien voulu laisser encore quelque temps à disposition les appareils dont il a la propriété.
A MM. les professeurs d’Eternod et Bujard, nous avons facilité l’acquisition d’une étuve à paraffine pour leurs recherches de laboratoire, valeur 350 Fr.

Sous l’énergique et savante direction de M. le professeur Robert Chodat, le jardin alpin de la Linnaea se développe de plus en plus. Cette année, jardin et laboratoire ont reçu la visite de plusieurs botanistes spécialisés dans l’étude des plantes de montagne.
D’Angleterre, de Pologne, d’Italie sont venus des étudiants assister au cours de vacances et travailler dans le laboratoire botanique de Bourg-St-Pierre. Professeurs et étudiants étrangers s’accordent pour considérer la station de La Linnaea comme l’une des plus intéressantes et des mieux outillées d’Europe. Plusieurs collaborateurs ont envoyé des plantes nouvelles qui enrichissent les collections.
Nous avons contribué à l’amélioration des installations de la Linnaea en remettant à la direction une allocation de 1.600 Fr. pour l’adduction de l’eau dont le jardin était insuffisamment fourni. De cette façon le jardin a pu être irrigué lorsque le ciel refusait son concours naturel; la végétation en a pris aussitôt tout son épanouissement malgré les périodes de sécheresse.
Ajoutons qu’il a été possible, à certaines heures de la journée, de détourner une partie des eaux apportées par la nouvelle canalisation vers l’hôtel du Combin ou logent les visiteurs du jardin, ce qui a contribué à améliorer un confort demeuré encore vraiment trop rustique.

Notre bateau-laboratoire l’Edouard Claparède nous a donné quelques soucis. Une forte bise l’a détérioré, mais ses avaries, couvertes par une assurance, ont été rapidement réparées et nous avons pu le mettre à disposition des explorateurs de notre lac. L’utilité de ce petit bateau s’alarme chaque année. Si la faune et la flore du lac sont peu abondantes comparées à la vie foisonnante des régions marines, elles contiennent cependant des spécimens intéressants ainsi que le prouvent les recherches de M. le professeur Emile André qui a prélevé des échantillons de plancton pour un travail de comparaison avec les planctons du Rhône.

D’autre part, M. le professeur Léon Collet, à la disposition duquel nous avons mis 1.200 Fr. pour sa campagne de croisière en 1925, a commencé une série de travaux sur la sédimentation du lac. Une centaine de sondages ont été opérés jusqu’à des profondeurs de 300 m. et ont fourni des échantillons de vase qui peu à peu nous donneront une image exacte et détaillée des sédiments lacustres. Les résultats de cette étude systématique commencée depuis quelques années ont été communiqués par M. Collet, soit dans les revues, soit au Congrès international de géographie du Caire où ils ont éveillé un vif intérêt auprès des spécialistes.

Nous avons remis à la Faculté des Lettres 400 Fr. pour subventionner le cours d’arabe de M. le professeur Montet, heureux que nous fûmes de contribuer quoique modestement à un enseignement qu’aucune université de Suisse ne peut revendiquer, faute de l’homme de valeur nécessaire.

La Faculté de Théologie nous ayant demandé une allocation pour le cours de M. Georges Berguer, nous avons mis à sa disposition la somme de 500 Fr. Les auditoires compacts qui se pressent autour du courageux représentant de la psychologie religieuse témoignent de l’intérêt porté à cet enseignement.

Nous avons alloué 500 Fr. à Mlle Pauline Long, Dr ès lettres et privat-docent à l’Université, pour des acquisitions de musique suisse. Il a été convenu que les documents copiés ou achetés serviraient d’abord au cours de Mlle Long, puis seraient déposés dans la suite à la Bibliothèque publique où i1s constitueront un fonds d’histoire de la musique en Suisse.

La compression rigoureuse des dépenses de l’Etat que réclame à tous cris la population genevoise se manifeste surtout dans 1’Instruction publique, branche la plus chargée du budget, et chaque année l’Université voit avec angoisse diminuer ses crédits. Après la crise des bibliothèques, nous avons vu la crise des laboratoires, puis récemment celle des assistants.
Aucune malheureusement n’est conjurée.

Cependant, pour ne pas priver certains professeurs de leurs utiles auxiliaires, nous avons alloué 500 Fr. tant à M. le professeur Guyénot qu’à M. le professeur Chodat pour un de leurs assistants respectifs.

Les cours de vacances de l’Université ont enfin récolté le fruit des efforts tenaces et habiles de leur administrateur et de leur directeur. Plus de 500 étudiants, chiffre qui dépasse les participations d’avant-guerre, sont venus écouter l’enseignement de divers professeurs. Nous avions avancé l’année dernière à cette utile institution la somme de 5.000 Fr. comme garantie d’exploitation. Cette somme est ressortie des bénéfices de 1924, aussi avons-nous pu la prêter de nouveau en 1925. Nous pensons que le résultat financier de l’année en cours permettra aux organisateurs des Cours de vacances de nous rembourser peu à peu notre avance et qu’ainsi nous pourrons parer à d’autres dépenses.

Voilà, Mesdames et Messieurs, un bilan très succinct de l’activité de votre comité et des allocations qu’il a distribuées en votre nom aux diverses facultés de l’Université.
Vous aurez sans doute remarqué par les détails qui viennent de vous être communiqués que, tout en soutenant des enseignements nécessaires, nous nous efforçons surtout de fournir aux laboratoires et aux chaires les instruments de travail dont ils ont besoin.

Bien que les spéculations de la pensée tiennent le premier rang dans l’activité d’une université, nous savons cependant que l’effort intellectuel doit s’appuyer sur l’observation et l’étude de la nature.

Aujourd’hui plus que jamais une université ne peut vivre et prospérer que si elle a à disposition des livres et des revues, des instruments et des laboratoires. Dans son émulation en face des établissements étrangers et surtout en vue de développer ses enseignements, l’Université de Genève réclame aussi des armes et des munitions.

Le savant demande des manuscrits à déchiffrer, le physicien des appareils, le chimiste des substances rares, le géologue des lacs et des montagnes, l’astronome le ciel et ses astres, le botaniste des plantes et le zoologistes des animaux, le thérapeute des vivants à ausculter et des cadavres à disséquer ; tous ont besoin de locaux, d’assistants et de collaborateurs.
A ces travailleurs, que nous ne saurions trop admirer car, pour le moment, ils réalisent de grandes choses avec des moyens plus que modestes, Ia Société Académique est prête à donner son appui jusqu’aux extrêmes limites. Il ne tient qu’à vous, Mesdames et Messieurs, de nous en fournir les facilités.

Nous avons eu le regret de perdre dans le courant de cet exercice plusieurs de nos membres les plus dévoués, MM. Hippolyte Baravoine, PauI Appia, Ferdinand Held et Eugène Richard. Nous prions les familles de ces chers disparus de bien vouloir accepter ici l’hommage de notre sincère sympathie.
Nous avons reçu avec reconnaissance et remerciements un don de 500 Fr. de Mme Ernest Favre en souvenir de son mari et un don de 100 Fr. de Mesdemoiselles Plan en souvenir de Mme Sambuc-Plau.

Les quatre lauréats du prix Gillet décerné aux élèves qui sortent en premier rang du Collège ont été MM. Samuel Baud-Bovy de la section classique, Ami Dufour de la section réale, Simon Berenstein de Ia section technique et Marius Perrenoud de la section pédagogique.
Nous avons exprimé à ces jeunes gens toutes les félicitations de la Société Académique et nous leur avons remis la bourse prévue par la généreuse donatrice.
Les rapports que nous recevons après les voyages des lauréats montrent bien les avantages qu’ils retirent de ces excursions.

Le change favorable leur facilite de longs itinéraires. Les uns vont en France, en Belgique, les autres plus nombreux gagnent l’Italie et ses beautés, parfois tel se rend en Allemagne ou seulement en Suisse allemande. Nous exigeons de tous qu’ils nous remettent à leur retour un récit détaillé et personnel de leurs aventures. Ces petits cahiers illustrés de photographies ou de dessins sont les excellents témoins de l’enseignement que leurs auteurs ont suivi au Collège et de la façon dont ils en ont profité.

Votre comité s’est fait représenter aux diverses solennités auxquelles il a été convié.

Enfin, nous avons désiré marquer d’une séance spéciale les 25 ans d’activité au sein du comité de la Société Académique de notre dévoué secrétaire M. Arnold Pictet. Nous ne pouvons vous dire combien son expérience et son activité nous sont utiles et précieuses et nous lui en adressons ici toute notre reconnaissance.

En terminant, j’adresse aussi des remerciements à notre trésorier M. Aymon Pictet qui gère notre petite fortune avec prudence et vigilance et à nos vérificateurs des comptes dont vous allez entendre le rapport.