Rapport annuel de la présidence 1926-1927

Louis BLONDEL, président
10 décembre 1927

 

 

Mesdames, Messieurs,

Avec les années, l’utilité de notre société apparait toujours plus considérable, notre Université se développe, ce qui pour nous est une constatation réjouissante ; par contre, les ressources que l’Etat peut mettre à sa disposition ne sauraient malheureusement augmenter dans la même proportion, aussi l’aide et l’appui de notre société deviennent indispensables à notre haute école genevoise. Bien que nous ayons dû écarter certaines demandes qui ne rentraient pas dans le cadre de nos statuts, nous avons le sentiment d’avoir aidé dans une large mesure nos diverses facultés.
L’énumération des nombreuses allocations faites au cours de notre dernier exercice, vous donnera un tableau exact de cette activité.

Faculté de médecine. Nous avons alloué une somme de Fr. 26o à M. le professeur Du Bois pour le fichier de la clinique dermatologique. Au professeur Bardet une somme de Fr. 550 était nécessaire, par suite d’une avarie survenue à l’appareil radiographique de l’institut dentaire, pour acquérir un tube Coolidge. Le docteur Cornioley a bénéficié d’une somme de Fr. 500 pour lui permettre de compléter, au second service de chirurgie de l’hôpital cantonal, les résultats de son enseignement et de ses recherches, spécialement sur les affections médico-chirurgicales du mésentère.

Au laboratoire d’histologie et d’embryologie M. le professeur Bujard se trouvait assez dépourvu, et nous lui avons accordé Fr. 406,50 pour l’achat de loupes binoculaires indispensables pour les travaux et thèses des étudiants. Depuis plusieurs années, le professeur de Seigneux travaille inlassablement à perfectionner un mannequin gynécologique qui se révèle précieux pour l’enseignement ; nous lui avons octroyé encore cette année une somme de Fr. 500. L’institut pathologique ne possédait aucun appareil microphotographique, et pourtant il est nécessaire de fixer par la photographie les images histologiques ou parasitaires ; nous avons comblé cette lacune en accordant à M. le professeur Askanazy une somme de Fr. 1.000 pour l’achat d’un de ces appareils. D’autre part, tout le monde scientifique connaît les importants travaux de laboratoire de ce même professeur ; nous lui sommes encore venus en aide par une somme de Fr. 1.000 pour lui permettre en particulier de continuer l’étude, par des coupes microscopiques, d’une collection d’objets expérimentaux qu’il possède, ceci en vue d’un rapport sur le cancer expérimental.

Nous passons maintenant à la Faculté des sciences, Nous vous avons déjà entretenu l’année dernière de la station maritime de Vimereux. Cette année encore nous avons accordé au professeur Guyénot une allocation de Fr. 500 pour lui rendre possible de conserver une table à cette station. Nous savons que de nombreux étudiants de notre Université qui ont pu se rendre à Vimereux ont reconnu les services inappréciables qu’une station semblable peut leur rendre pour l’observation directe de la faune marine. Une somme de Fr. 200 a été mise à la disposition de M. Arnold Pictet pour l’entretien et les réparations du bâtiment pour l’élevage des cobayes à la station de zoologie expérimentale. Comme d’autres laboratoires, celui de psychologie de M. le professeur Claparède manque de fonds et d’aides suffisants pour pouvoir se développer normalement. Nous lui avons
alloué Fr. 1.500 pour qu’il puisse compléter la somme de son loyer et aussi les séries de revues de sa bibliothèque. Par le fait que ce laboratoire reste en étroite liaison avec l’Institut J.-J. Rousseau, un grand nombre d’étudiants profitent chaque jour des ressources, bibliothèques et instruments, de ces deux institutions.

C’est aussi la bibliothèque de l’Ecole de chimie qui, sur la demande de M. le professeur Briner, a attiré notre attention. A la suite de la diminution des crédits, des séries importantes ne pouvaient être continuées ; aussi une somme de Fr. 1.000 a été mise à sa disposition. L’augmentation des étudiants au laboratoire de pharmacognosie nécessitait un plus grand nombre de microscopes. Nous avons accordé fr. 6oo au professeur Lendner pour l’achat de deux microscopes.

Comme d’habitude Fr. 200 ont été mis à disposition du bateau Edouard Claparède qui a continué à être utilisé par le professeur André et le professeur Collet avec ses collaborateurs pour l’étude des sédiments du lac. Malheureusement ce bateau est dans un état déplorable et nous ne savons encore si des réparations, même importantes, suffiront à le remettre à flot.

Nous devons ici rappeler la mémoire de Madame Renée-Hélène Claparède décédée cette année, initiatrice du fonds Claparède, qui la première avait versé Fr. 3.000 pour l’achat du bateau à moteur au début de la souscription publique.

Nous avons reçu un rapport très intéressant sur l’activité qui a régné cette année au jardin botanique de la Linnaea à Bourg-St.-Pierre, sous la direction très active de M. le professeur Chodat. Du 10 juillet au 5 septembre, période pendant laquelle la station biologique a été ouverte, outre 12 travailleurs réguliers, g personnalités suisses et étrangères, professeurs et directeurs d’instituts botaniques ont fait des observations scientifiques. Citons entre autres le professeur Went, directeur du jardin botanique d’Utrecht, les professeurs Link de Chicago, le Dr Thompson, chef des travaux botaniques à Glasgow, le professeur Langlet de l’institut botanique de Stockholm, le professeur Jaccard de l’école polytechnique de Zürich et d’autres encore. Cette remarquable activité a nécessité l’amélioration de la chambre photographique, l’installation électrique dans le chalet et le laboratoire et il faudra prévoir une annexe au laboratoire. Je regrette de ne pouvoir donner plus de détails concernant la Linnaea qui, non seulement rend de grands services aux spécialistes, mais, par l’acclimatation des céréales et des fruits dans les champs d’essai, à la population de la vallée.

Le cabinet d’orientation professionnelle qui dépend de l’Institut J.-J. Rousseau ne peut suffire par ses propres ressources à continuer son activité qui, par son nombre élevé d’examens d’adolescents, rend des services appréciés. Nous lui avons alloué encore cette année Fr. 3.000.

A la Faculté de théologie nous avons été heureux de pouvoir accorder Fr. 500 pour le cours du professeur Gampert sur l’histoire d’Israël. Comme l’an passé le professeur Berguer a reçu une somme de Fr. 1.000 pour son cours sur l’histoire des religions.

Depuis plusieurs années nous n’avions pas été sollicités par la Faculté de droit. Grâce à un legs généreux de M. Eugène Richard qui a créé un fonds spécial, la faculté a pu étudier et réaliser le projet d’un séminaire de droit. M. le professeur Albert Richard, doyen de la faculté, a demandé le concours de la Société Académique qui a mis à sa disposition Fr. 4.000. La salle Eugène Richard, grâce à une entente entre la ville et l’Etat a pu être aménagée au rez-de-chaussée du bâtiment de la bibliothèque publique. A son inauguration, qui a eu lieu au début de ce semestre, nous avons admiré cette installation excellente ; la bibliothèque de la faculté, mieux disposée et augmentée de volumes mis à sa disposition par la bibliothèque publique, sera facilement consultée par les étudiants toujours plus nombreux de la faculté. Nous tenons à féliciter tout spécialement M. le professeur Richard d’avoir mené à bien cette organisation.

Par un legs de M. William Achard, notre société a hérité d’une bibliothèque, concernant spécialement la linguistique et la philologie. Notre comité a décidé de remettre ces livres à la bibliothèque de la Faculté des lettres en faisant apposer sur chacun des volumes la mention du généreux donateur. D’autre part, Fr. 500 ont été pris sur le Fonds Schwitzguébel pour l’établissement du catalogue de la bibliothèque de la faculté des lettres. On se rendra compte que, grâce aux facilités accordées par le directeur de la bibliothèque publique, M. Gardy, soit à la faculté de droit, soit à la faculté des lettres, les différentes séries ont pu être regroupées et mieux mises en valeur.

Le Fonds Moynier a permis cette année de continuer les abonnements de 52 revues et de faire des achats complétant les séries existantes. La Commission du Fonds auxiliaire de la bibliothèque publique et universitaire a déployé cette année beaucoup d’activité. Une première catégorie d’achats concernait des ouvrages imprimés à Genève aux XVIe et XVIIè siècles, dont 3 provenaient de la bibliothèque de Montesquieu, en tout 20 volumes et 10 opuscules. En second lieu, six ouvrages importants concernant les miniatures, enluminures, les origines de la gravure française et les recherches sur le papier ont été acquis, ainsi que 3 volumes de l’Encyclopédie britannique et tr concernant les Tabulae biologicæ, édition Oppenheimer. Ce même fonds a participé à l’achat du Mémorial des Alliés paru en 1926 à Paris, d’une importante collection pascalienne, soit 450 ouvrages et brochures sur le Jansénisme, Port Royal et Pascal, des éditions des Pensées et des Provinciales (1re édition). Pour clore cette série d’acquisitions, le Fonds auxiliaire a participé à l’achat de la collection du Philosophical Magazine et annexes, soit 318 volumes, mise en vente par la Société de Lecture. Cette série unique à Genève, rare et indispensable pour tout ce qui touche à la physique et aux découvertes faites depuis le début du XIXe siècle dans ce domaine, ne pouvait quitter Genève. Aussi, grâce à une souscription qui a rapporté Fr. 1.965 et à l’appui du Fonds auxiliaire, la bibliothèque publique a pu l’acquérir moyennant le paiement de trois annuités. Nous remercions ici les donateurs qui ont répondu nombreux à notre appel.

Notre société a adhéré à la Fédération genevoise des Sociétés savantes et à ses statuts qui ont été adoptés le 20 janvier 1927. Nous espérons que ce lien créé entre les sociétés et institutions scientifiques, littéraires, historiques et artistiques genevoises pour défendre le patrimoine intellectuel de Genève, aura d’heureux effets et permettra une meilleure coordination des efforts jusqu’à ce jour trop dispersés.

Nous avons eu le regret de perdre plusieurs de nos membres pendant le cours de cet exercice. Nous déplorons tout particulièrement la perte de MM. Maurice Bedot, J.-Louis Prevost, Alfred Martin, qui ont joué un rôle important dans notre vie universitaire.

Nous avons encore perdu M. Lucien de Candolle, Mme Diodati-Plantamour, Mme Hélène Claparède, Mme Galopin-Schaub, Mlle Mathilde Rilliet. Que leurs familles reçoivent ici l’expression de notre sincère sympathie.

Mme Diodati-Plantamour, décédée le 25 février dernier, nous a institué son héritière universelle. De plus, en souvenir de M. Emile Plantamour, son père, et à raison de l’intérêt qu’il aurait porté au but poursuivi par notre société, une somme de Fr. 200.000 devait être prélevée sur sa succession pour l’affecter plus spécialement au développement de la science astronomique et météorologique, soit par des allocations, à l’observatoire, soit de toute autre manière jugée convenable par notre société. Par le fait des circonstances et du grand nombre de legs importants à des œuvres de notre pays, legs qui ont dû être livrés

francs de tous droits et frais, notre société n’a pu bénéficier de ces dispositions si généreuses. Votre comité a dû s’entendre avec les titulaires des legs et leur demander d’accepter, par un arrangement, une réduction de leur part. Sauf la somme de Fr. 200.000 réduite d’environ 75%, consacrée à l’astronomie, nous n’avons rien pu conserver pour le fonds ordinaire de notre société. Tout en regrettant de n’avoir pu bénéficier des dispositions si favorables, nous tenons à rendre hommage aux intentions hautement généreuses de Mme Diodati-Plantamour qui a désiré encourager nos efforts. Que sa sœur Mme Rigaud-Plantamour reçoive ici, l’expression de notre respectueuse sympathie.

C’est avec une grande reconnaissance que nous avons reçu des dons en souvenir de MM. les anciens professeurs Jean-Louis Prevost Fr. 500, Alfred Martin Fr. 1.000. Ce sont de précieux encouragements pour poursuivre notre tâche. L’hoirie de M. Lucien de Candolle nous a aussi fait parvenir Fr. 300 en souvenir de ce savant ; enfin, tout récemment, nous avons reçu l’avis du legs de Mme Galopin-Shaub qui donne à notre société Fr. 5.ooo. Nous honorons ici la mémoire de tous ces généreux donateurs qui permettront ainsi de mieux venir en aide à l’Université.

Les lauréats du prix Gillet remis aux élèves sortis premiers du Collège, ont été MM. Albert Reust, Stanislas Nicolet, Denis van Berchem et Marcel Excoffier. Ils ont touché chacun Fr. 750, ce qui leur a permis de faire des voyages intéressants. C’est la dernière année que nous distribuons un prix à la section pédagogique, car, à partir de l’année prochaine, cette section supprimée sera remplacée par la réale moderne. Les récits de voyage, pour la plupart ornés de dessins ou de photographies, forment déjà une série importante ; nous avons décidé de les remettre aux archives du Collège pour qu’ils puissent être consultés

facilement. Ce dépôt est fait à titre de prêt et à condition qu’aucune pièce ne sorte des archives. Nous espérons ainsi donner plus d’intérêt à ce concours et enrichir la documentation des archives du Collège.

Notre comité a été invité à plusieurs solennités, en particulier au Dies Acadernicus, à l’ouverture du semestre, à l’inauguration du séminaire de droit.

Nous sommes heureux de pouvoir ainsi par notre présence prouver l’intérêt que nous portons à tout ce qui touche à notre Université.
Nos remerciements vont à tous les membres de notre comité, qui, par leur présence assidue aux séances, leur collaboration dévouée en toute occasion, ont grandement facilité le travail de votre président.
Qu’il me soit permis de remercier tout particulièrement notre secrétaire M. Arnold Pictet et notre trésorier M. Aymon Pictet. La tâche de gérer nos fonds si divers n’est point chose facile ; elle exige beaucoup de temps et de dévouement. Merci aussi à nos vérificateurs des comptes.

Il ne me reste qu’à conclure et à vous demander à tous une fois de plus votre appui et votre collaboration effective pour trouver de nouveaux sociétaires.

En effet, notre trésorier vous montrera que le nombre de nos membres a diminué cette année, ce qui est certainement fâcheux. Nous avons alloué ou fourni sur l’ensemble des fonds la somme de Fr. 31.684, contre 24.325 Fr. l’année dernière, ce qui prouve avec éloquence l’effort de notre société. Je ne veux point terminer ce rapport sur notre activité sur une impression pessimiste concernant nos ressources, bien au contraire. Il me semble que des jours meilleurs se lèvent pour notre Université ; certes, les crédits mis à notre disposition sont encore insuffisants et notre aide n’est pas tout ce qu’elle voudrait être, mais par les efforts désintéressés des professeurs, leur activité, grâce au grand travail fourni par le recteur, nous assistons à une impulsion nouvelle pleine d’espoir.