Rapport annuel de la présidence 1935-1936

Henri de SIEGLER, président
21 novembre 1936

 

 Mesdames et Messieurs,

A deux jours près, cette assemblée annuelle coïncide par la date avec celle de l’an dernier. Le devoir qui m’incombe est de vous représenter au mieux, d’une façon, je ne dirai pas aussi divertissante, du moins aussi peu fastidieuse, aussi supportable que possible, de quoi cet exercice fut rempli. Il semblerait qu’ayant déjà fait un rapport présidentiel et me pouvant inspirer de ceux de tous mes prédécesseurs cette tâche dût m’être aisée: et néanmoins j’y vois littérairement de grandes difficultés.

Il y a un an j’avais peur d’être trop long, et aujourd’hui je redoute d’être trop court. Je pouvais viser à une nerveuse concision et enfermer beaucoup de faits dans un petit espace, ce qui est toujours un problème tonique pour l’esprit, qu’on se sait bon gré de résoudre. Il me faut maintenant prendre par le chemin des écoliers et ne pas craindre une allure un peu flâneuse pour ne point en atteindre le bout dans un temps inférieur au minimum imposé par le bon usage des assemblées administratives.

Serait-ce donc, vous demanderez-vous, Mesdames et Messieurs, que la Société Académique n’a rien fait depuis douze mois, qu’elle s’est endormie avec insouciance sur une moisson de lauriers cueillis pendant quarante-sept ans ? Elle a fait beaucoup au contraire, elle est demeurée active et vigilante, comme toujours.
Mais l’essentiel de son activité se pourrait sans peine résumer en quelques phrases, qui, fortes et denses, pleines de suc et de choses, ne me conduiraient guère plus loin que le bas de ce feuillet. Quand les Romains disaient d’une femme : « elle garda le foyer et fila la laine », ils disaient quelque chose de significatif et de beau, sans doute, mais cela ne forme pas un discours très étendu.

Je pourrais dire avec cette brève et noble simplicité, dont je viens de rapporter un fameux exemple : En 1936, grâce à la Société Académique, les travaux d’agrandissement de la Bibliothèque publique et Universitaire ont enfin commencé. Voilà sans doute lui n’est pas négligeable. Et voilà aussi qui fut l’objet principal de nos conseils, de nos études, de nos soins. Après tout, Mesdames et Messieurs, il ne sera pas déplacé de vous entretenir moins compendieusement de cette affaire, et si je puis avoir mis en éveil votre curiosité, de vous conter comment elle se fit.

Pour concevoir pleinement ce que signifient ces mots : les travaux d’agrandissement de la Bibliothèque ont commencé, et ce qu’ils représentent pour nous, et combien ils parlent à notre imagination, et ce qu’ils ont enfin d’émouvant et de solennel, il faut songer d’abord aux rapports présidentiels où figurait en clair ou entre les lignes cette autre petite phrase: les travaux d’agrandissement de la Bibliothèque n’ont pas encore commencé.

Et pourquoi ne commençaient-ils pas ? parce que les objets successivement proposés se révélaient trop ambitieux, parce qu’ils se heurtaient à des difficultés diverses, parce que s’ils avaient l’aveu de l’Etat, ils n’emportaient pas l’adhésion de la Ville, parce que cela entraînait des délais de réflexion, des études nouvelles, des estimations et devis, repris du premier chiffre au dernier, une dépense impressionnante de papier à dessin et d’encre de diverses couleurs, des démarches, des entrevues; parce qu’ici l’on ne rencontrait pas toujours une compréhension nette et rapide et qu’ailleurs, las d’une attente stérile, on fixait sa pensée sur d’autres objets.

Mais enfin on mit sur pied un troisième projet, plus modeste et plus raisonnable, sans être pour cela moins ingénieux, moins satisfaisant pour les différents intéressés, auxquels ceux-ci firent un accueil qui était comme un commencement de réalisation. Il se rencontra soudain dans les conseils de la Ville de Genève des dispositions accommodantes. Partout on put constater un vif désir d’aboutir au mieux et au plus tôt. L’affaire, dès lors, fit des progrès assez rapides pour nous consoler de toutes les peines inutiles, de tout le temps qui avait été perdu. Dans son rapport de 1935, le président de la Société Académique disait :
« Les devis et les plans des architectes, MM. Peyrot et Bourrit, ont été approuvés par la Direction de Ia Bibliothèque et par le Bureau du Sénat. La Société Académique est toute prête au geste que l’on attend d’elle. Les travaux peuvent commencer aux premiers jours du mois prochain. Il n’y faut qu’une convention entre l’Etat et la Ville. Nous voulons donc croire qu’à l’assemblée générale de 1936 la transformation de la Bibliothèque Publique et Universitaire sera un fait accompli ».

Les travaux ne commencèrent pas en décembre 1935. La transformation de la Bibliothèque n’est pas terminée. Mais les travaux ont maintenant commencé. Et s’ils ne sont pas achevés ce 21 novembre 1936, ils sont assez près, du moins, de leur achèvement. Et cela nous paraît considérable. La Société Académique s’en réjouit, qui est sortie enfin d’une période d’incertitude et de tergiversations, qui voit employée aux fins que depuis longtemps elle lui destinait, cette somme de trois cent mille francs, prise au bénéfice des Facultés dites morales, sur le Fonds pour l’Université. La Bibliothèque s’en réjouit, ou ceux qui la dirigent, qui auront pour éviter l’encombrement et disposer mieux ses richesses, des magasins de livres spacieux. L’Université s’en réjouit, et avec de plus fortes raisons encore, puisque resserrée et contrainte depuis des années dans des locaux insuffisants, elle pourra disposer bientôt, dans le sein même de la Cité des Livres, de salles de conférences à l’usage des Facultés des Lettres, des Sciences économiques et sociales, de Théologie et de Droit.

L’Etat, auquel se rattache l’Alma Mater ; la Ville de Genève, à laquelle ressortit la Bibliothèque, ont tous deux le soulagement de voir résolue enfin, grâce à la Société Académique, et de la façon la plus avantageuse, une question qui devenait irritante à la suite de trop nombreux atermoiements. Ainsi tout le monde est satisfait dans cette affaire délicate et complexe, et à notre époque de pessimisme universel, ce n’est certes pas un mince résultat. Ce qui plaît surtout au comité de la Société Académique, c’est d’avoir pu servir l’Université doublement : en lui assurant les locaux dont nombre de ses enseignements ne pouvaient plus se passer désormais sans préjudice, et en favorisant la Bibliothèque, prolongement naturel et indispensable de l’Université.

Nous avons dit que la transformation serait achevée bientôt. Nous voudrions au lieu de ce « bientôt » donner ici une date précise. Sera-ce pour la fin du semestre d’hiver, qui tombe en mars ? peut-être – et même : probablement. Et s’il se produisait de ces retards avec lesquels il faut compter toujours dans des travaux de cette importance, ces retards, selon toute vraisemblance, n’excéderaient pas la longueur du semestre d’été. Dans le cas le moins favorable (en excluant toutefois celui d’une catastrophe), l’Université sera installée aux lieux qu’on lui destine dès octobre prochain, à la reprise des cours.

Il serait sans intérêt d’expliquer ici avec détail comment fut obtenu dans cette affaire le progrès positif dont nous nous félicitons. Au mois de décembre 1935 une convention était passée entre l’Etat, la Ville de Genève et la Société Académique, aux termes de laquelle cette dernière se déclarait prête à prendre à sa charge jusqu’à concurrence d’une somme de deux cent quatre-vingt-huit mille et trois cents francs, plus onze mille sept cents francs prévus pour l’ameublement des salles, les travaux de transformation et d’agrandissement de Ia Bibliothèque publique et Universitaire, selon le projet de ses architectes, MM. Peyrot et Bourrit. Il est à remarquer que la Société Académique assumait ainsi de ces travaux la dépense totale. Les autres parties ne pouvaient souhaiter plus favorable arrangement.

Cet accord devenu définitif, un contrat plus détaillé et d’ordre plus technique fut passé avec les architectes. Ces derniers proposaient le principe du forfait, ce qui nous était également profitable, puisque de cette façon tous débats et négociations directs avec les entrepreneurs et fournisseurs se trouvaient épargnes aux contractants. Tout y fut exactement prévu jusqu’aux effets de cette dévaluation du franc suisse, dont la menace en ce temps, paraissait vague et lointaine, et sur les conséquences de laquelle (en ce qui nous concerne) notre trésorier voudra peut-être vous donner tout à l’heure quelques indications. Une commission dite de vérification des travaux était nommée, où M. Paul Lachenal, chef du Département de l’Instruction publique, président, représentait l’Etat, M. Marius Noul, conseiller administratif, la Ville de Genève, M. le professeur Albert Richard, recteur, l’Université. M. Frédéric Gardy, directeur, la Bibliothèque Publique et Universitaire. La Société Académique déléguait, outre son président, un membre du comité choisi en la personne de M. Bernard Naef.

Tout se trouvant enfin réglé, prévu, résolu, conclu, l’on put se mettre effectivement à l’œuvre. Le premier coup de pioche fut donné le 4 juin, et le travail, dès cet instant, se poursuivit d’une manière active et régulière. D’une manière discrète également, puisque, la Bibliothèque se créant en sous-sol de nouveaux magasins de livres rien ne se manifestait au dehors d’une transformation très profonde. Jusqu’assez tard dans l’été les services réguliers ne furent même pas interrompus. Et quand ils le furent enfin pour quelques semaines, les travaux avancèrent avec une très remarquable rapidité. Le plus gros est dès maintenant accompli, et l’on entrevoit la fin d’un labeur poursuivi, nous y insistons, à l’avantage de l’Université comme de la Bibliothèque, sans qu’il ait présenté de sérieux inconvénients ni pour les professeurs ni pour les étudiants, ni pour aucun de ceux que leurs recherches amènent dans notre « librairie ».

Il faut répéter que cette question dominante fut portée assez régulièrement à l’ordre du jour de nos séances : c’est elle qui absorba le plus de notre temps.
Mais nous en dûmes encore examiner plusieurs autres, qui, pour être financièrement beaucoup plus limitées, présentaient toutefois pour l’Université un intérêt véritable et requéraient de la part du comité le plus sérieux examen.

Le rapport de notre trésorier entrera au sujet de nos allocations et subsides divers, avec le prestige impérieux des chiffres, dans un détail ou il est inutile que je le suive. Maintenant que grâce à Ia Bibliothèque j’ai pu éviter de me donner à vos regards, Mesdames et Messieurs, le tort d’une brièveté répréhensible, je serais impardonnable si je retenais votre attention plus qu’il n’est nécessaire strictement.

Certains des services que nous avons le privilège de pouvoir rendre directement ou indirectement à l’Université, sans qu’ils présentent pour nous, ainsi qu’on le conçoit, un caractère durable d’obligation, peuvent par la nature même des choses, dans certains cas, revêtir un caractère, disons : de constance, ou de relative régularité. D’autres sont, en revanche, tout occasionnels et résultent des nécessités qui peuvent se faire sentir de fois à autre dans tel enseignement, dans tel laboratoire, dans telle clinique. Dans la première catégorie entrent les subsides accordés au Département de l’Instruction publique, pour la chaire d’histoire moderne du professeur Guglielmo Ferrero, et pour l’enseignement de la neurologie à la Faculté de Médecine, que donne le Dr de Morsier, chargé de cours, à la Faculté autonome de théologie, envers laquelle nous regrettons d’une façon très vive de ne pouvoir nous montrer aussi larges que nous le fûmes pour notre plus grande joie en des temps de prospérité ; au Séminaire de Français et aux Cours de Vacances de la Faculté des Lettres, dont leur indépendance matérielle de l’Etat explique le recours répété à l’appui de la Société Académique; au professeur Guyénot, de la Faculté des Sciences, pour la location d’une table de travail à la station de zoologie maritime de Wimereux; à l’Université, dans son ensemble, pour le maintien de la bourse Gallatin à Ia Faculté de Droit pour compléter le traitement du Dr Hamburger, chargé de cours.

Et d’autre part nous avons alloué pour la bibliothèque de la Faculté des Sciences économiques et sociales mille francs à M. le doyen Babel et des sommes que le rapport de M. Charles Gautier précisera, au professeur Weber pour un microscope ; au professeur

Gysin pour un classeur ; au professeur Lendner, pour le laboratoire de pharmacognosie ; au professeur de Seigneux, pour la continuation de travaux dont la Société Académique, plusieurs fois déjà, fut à même de reconnaître l’intérêt.

Les ressources du Fonds ordinaire pour l’exercice en cours étaient épuisées quand nous frimes saisis par le professeur Kurt Meyer d’une demande de subside s’élevant à deux mille sept cents francs. Il devait servir à l’achat d’une centrifugeuse. L’habitude du comité, dans un pareil cas, est de renvoyer l’examen de la demande au début de l’exercice suivant : nous n’eûmes garde d’y manquer. Mais M. Kurt Meyer ayant eu Ia chance de s’assurer le concours de la Fondation Rockefeller, à Paris, pour une somme égale à la moitié du coût de l’appareil désiré, à la condition que l’équivalent de cette somme lui fût assuré d’autre part, il parut au comité cruel et fâcheux de faire perdre au laboratoire de chimie inorganique une occasion si be1le, et les treize cent cinquante francs nécessaires furent d’avance assurés au professeur Kurt Meyer.

L’an dernier, Mesdames et Messieurs, je vous parlais de certains sujets de délibérations, inscrits à l’ordre du jour des séances de notre comité, qui pour évoquer plus directement la nature ne sont pas dépourvus de quelque poésie. Ainsi la fameuse « table de Wimereux », que j’en viens à me figurer sous l’aspect de Ia table Ronde, bien qu’elle n’ait pas cette forme, probablement, et dont le nom s’accompagne de ce bourdonnement suggestif, de ce bruit de la mer, qu’on perçoit en approchant de son oreille un coquillage. Ainsi le jardin alpin de la Linnaea, dont le rapport très intéressant de M. le professeur Fernand Chodat établira la prospérité continue, et qui impose à l’imagination la vue d’une alpe éclatante de toutes les fleurs de juillet ; ainsi notre bateau lémanique, l’Edouard. Claparède, sur lequel ne dédaigna pas de s’embarquer autrefois l’infortuné Dr Charcot, et qu’on pense voir qui se balance mollement au cours d’un vaste paysage bleu ; ainsi l’observatoire du Jungfraujoch, dont le nom nous impressionnerait plus encore si des lèvres françaises n’éprouvaient pas tant de peine à le prononcer correctement. Mais ce que ce nom de glace et de granit représente cette année avant tout, ce sont les rudesses de la haute montagne.

En effet la lutte contre les eaux d’infiltration et le gel a occasionné dans les travaux de l’observatoire des frais de beaucoup supérieurs à ceux qu’on avait devisés. Force a été de prélever sur le capital du fonds Plantamour de quoi supporter en partie cette lourde dépense imprévue. On prendra des dispositions pour réparer cette brèche petit à petit.

Nous avons pu, sur les revenus du Fonds Gillet, offrir cette année encore à chacun des quatre élèves sortis des sections classique, technique, latine et moderne du Gymnase avec le premier certificat de maturité, qui furent MM. Pierre Siegrist, Emile Bogopolsky, Louis Magnin et Albert Batardon, une bourse de voyage de quatre cents francs. Les titres leur en furent remis à Ia cérémonie des promotions par le Dr Henri Audeoud, ancien président de la Société Académique et très dévoué président de la Commission des Fonds Gillet. Quatre cents francs, ce n’est pas un denier méprisable. Mais les valeurs américaines qui constituent le Fonds Gillet ayant repris depuis un an quelque vigueur (et la dévaluation du franc suisse agissant d’autre part en l’occurrence) la somme à partager en juillet prochain sera prévisiblement plus forte.
Avis aux brillants sujets du Collège, dont les efforts ont chance d’être assez magnifiquement récompensés.

Le Fonds Moynier a fourni à la Bibliothèque l’abonnement à trente-neuf revues, pour une somme légèrement supérieure à mille francs. Le fonds auxiliaire de la Bibliothèque a contribué à l’achat d’un incunable genevois illustré, qui remonte approximativement à l’an 1490, Histoire d’Olivier de Castille, et des épreuves annotées du fameux Manuscrit venu de Sainte-Hélène, de Lullin de Châteauvieux.

Je n’ai pas besoin de rappeler qui fut Maurice Bedot et la part que ce savant prit autrefois à l’activité de la Société Académique. Une inscription qui rappelle son rôle et ses travaux a été placée au Muséum, solennellement, le 21 mars dernier. Notre comité fut heureux de participer aux frais de ce petit monument, et son président de le représenter à la cérémonie d’inauguration.

Dans une société telle que le nôtre, dont le rôle est de payer, et qui non seulement s’en acquitte avec plaisir, mais souhaite ardemment que ce puisse être de la façon la plus fréquente et la plus généreuse, il est néanmoins enviable que la situation, par hasard, soit renversée. Ainsi nous fûmes vraiment heureux de toucher une somme d’un peu plus de neuf cents francs en souvenir du professeur Francis de Crue.
Outre que l’emploi de cet argent ne peut manquer d’être facile et utile, nous sommes touchés profondément de la pensée à laquelle nous le devons.

La composition de notre comité ne s’est modifiée en rien depuis la dernière assemblée générale. Le mandat de MM. Louis Blondel, Edouard Claparède, Frédéric Gardy, Charles Gautier, Bernard Naef et William Rappard est expiré : leur réélection est dans ce moment même soumise à vos suffrages.

Nous avions à déplorer à la dernière assemblée générale le décès de quinze de nos sociétaires. La mort a frappé dans nos rangs cette année encore avec un acharnement cruel. Nos deuils ont été pour une part ceux de l’Université, puisque nous eûmes la douleur de perdre Albert Thibaudet, professeur ordinaire de littérature française, dont l’enseignement donnait à la Faculté des Lettres un rayonnement incomparable, et Jules Breitenstein, professeur honoraire de Ia Faculté de théologie. A leurs noms s’ajoutent ceux de Mlle Marie Brocher, du Dr Frank Brocher, de MM. René Cramer, Edmond Flournoy, Aloys Gampert, du Dr Adolphe Muller, du Dr A. de Peyer, de M. Alphonse Vaucher. Nous saluons ici respectueusement leur mémoire, en adressant à leurs familles l’expression de notre très vive sympathie.

On dit non sans raison, Mesdames et Messieurs, que c’est reculer déjà que de n’avancer plus. Mais dans la crise terrible que nous traversons, on pourrait dire inversement que c’est avancer que de maintenir ses effectifs. Encore les faut-il maintenir ! Nous avons pu reconnaître plus d’une fois le peu d’utilité des appels lancés de temps à autre en faveur d’une association du caractère de la nôtre quand une propagande organisée et tenace ne les soutenait pas. Nous avons cru voir encore que ces appels étaient mieux entendus quand on s’autorisait, pour les adresser, de quelque circonstance particulière. Or cette circonstance, nous la tenons, et sur elle dès aujourd’hui nous attirons l’attention de tous les amis de l’Université : c’est le cinquantenaire de la Société Académique. Nous y atteindrons en 1938, dans deux ans. Nous nous apprêtons à faire en cette occasion un effort de recrutement considérable, et pour cela, Mesdames et Messieurs, nous comptons en premier lieu sur vous.

Chacun de vous prendra ce soir l’engagement tacite de nous amener quelques nouveaux sociétaires. Ce n’est pas d’une tâche pénible que nous vous demandons de vous charger. Nous sommes dans une ère de restrictions, et nombre de personnes demeurent, bien qu’avec regret, en dehors d’associations dont elles reconnaissent l’utilité, mais auxquelles l’on n’adhère pas sans paiement d’une finance onéreuse.
La Société Académique n’est pas de cette catégorie, et l’on n’y perçoit qu’une très modeste cotisation.

Si vous dites ce qu’elle a fait pour l’Université, pour Genève, depuis près d’un demi-siècle, il est impossible que vous ne soyez pas entendus de citoyens soucieux de la renommée et de l’avenir de leur cité. Nous avons dépensé depuis le jour de sa fondation tout près d’un million et demi, pour le plus grand bien de notre haute école. Le public l’oublie ou ne le sait pas suffisamment. Vous qui êtes informés, faites-le plus largement connaître. Et ne dissimulez pas que l’Université n’eût jamais un besoin plus impérieux de ceux qui, ayant conçu ce que doit être son rôle, sont disposés à lui permettre de le mieux tenir.

J’adresse à mes très dévoués collègues du Comité mes remerciements les plus sincères. Plus particulièrement à notre secrétaire, M. Arnold Pictet, de qui les procès-verbaux toujours complets et précis, rédigés sous l’impression même de la séance, réfléchissent comme un miroir fidèle tout le détail de notre activité ; à notre trésorier, M. Charles Gautier, qui de nous tous supporte la charge la plus lourde, et qui requiert le plus de vigilance; aux présidents et aux membres de nos grandes commissions (je note en passant que la Commission des Finances peut compter depuis quelques semaines sur la précieuse collaboration de M. René van Berchem) ; aux représentants de notre comité dans la nouvelle Commission de surveillance des travaux de la Bibliothèque, M. Bernard Nael, qui s’est acquitté de cet office avec autant d’exactitude et d’assiduité que de compétence.

Ma reconnaissance et celle de mes collègues vont, d’autre part à un homme, qui, sans revêtir de charge particulière dans notre comité, y joignait à son autorité personnelle celle de ses hautes fonctions : je veux parler de M. Albert Richard, ancien recteur de l’Université de Genève. A la séance de réouverture des cours universitaires, le 26 octobre dernier, M. le professeur William Rappard, nouveau recteur, a su dire en termes excellents tout ce que M. Richard a fait pour l’Ecole pendant les deux années de sa ferme et sage direction. Ii ne nous appartient pas d’ajouter rien à ce juste éloge. Mais nous avons le droit de nous féliciter des conseils et des avis que M. Albert Richard, recteur, nous donnait constamment par l’organe de M. Albert Richard, membre du Comité de la Société Académique ; de son assiduité vraiment exemplaire à nos séances, d’où son lourd travail administratif lui eût fourni de plausibles motifs de se tenir éloigné ; de l’étroite collaboration réalisée en sa personne entre l’Alma Mater et ceux qui se sont fait un idéal de la servir. Cette collaboration si favorable va se prolonger, puisque notre comité compte également parmi ses membres M. William Rappard. Nous sommes fiers de ces deux magnificences successives, que nous apprécions surtout pour la plus grande efficacité qu’elles assurent à notre action.
M. le professeur Rappard nous permettra de lui exprimer ici les vœux que nous formons pour la réussite brillante de son deuxième rectorat, qui s’est officiellement ouvert le 26 octobre par un magistral discours sur l’Université et les temps actuels.

En terminant, Mesdames et Messieurs, ce deuxième rapport présidentiel, je tiens à proclamer une fois de plus l’invariable dévouement de la Société Académique à ces valeurs spirituelles qu’on ne saurait mésestimer, et négliger même, sans faire insulte à notre pays, sans mettre en question de la façon la plus imprudente sa réputation d’aujourd’hui et de demain. « Sapience a basti sa maison… » Admettre que cette maison puisse tomber dans le délabrement n’irait pas pour les Genevois sans honte. Plus que jamais nous avons besoin d’une prospère et libre Université, foyer de la science et creuset de l’élite, et plus que jamais d’une Société Académique nombreuse et riche, dévouée activement au service de l’Université.