Rapport annuel de la présidence 1943-1944
Mesdames, Messieurs,
C’est dans un cadre tout rénové que nous avons l’agrément de tenir notre 56ème assemblée. Cette Aula splendide fait bien augurer de la réalisation du programme de modernisation et de développement des bâtiments et installations de l’Université, auquel nous nous intéressons tous très vivement. Si d’aucuns regretteront de ne plus pourvoir abriter leur sommeil ou leur arrivée tardive derrière une complaisante colonne, nous nous réjouissons c1e l’aspect avenant et lumineux de la salle et félicitons l’Université et l’Etat de cette réalisation. Nous, Société Académique, nous nous sentons stimulés dans notre activité pour l’Alma Mater
Le recueillement de l’exercice précédent a fait place depuis un an à un travail de préparation
notablement plus grand. comme vous en jugerez tout à l’heure. Dans un monde bouleversé par la
guerre, où la haine et la vengeance règnent, où 1es valeurs intellectuelles et spirituelles sont constamment bafouées, nous devons mettre très simplement mais très activement nos moyens au service de l’humanité, même s’ils sont bien modestes. Sans vouloir copier les plus puissants ou les plus riches, nous n’oublions jamais que Genève a été un centre lumineux, rayonnant au loin, grâce à ces savants et à ses théologiens et que nous lui devons de faciliter
les études de toutes les intelligences alliées à des âmes généreuses et éprises d’idéal et cela d’où qu’e1les viennent. Ce sera 1’expression de notre reconnaissance envers la Providence qui nous a permis de continuer dans le calme une vie bien privilégiée.
Notre Société s’est agrégé de nouveaux adhérents, bien que la recherche de nouveaux membres ait
quelque peu passé au second plan de nos préoccupations. C’est toujours un très grand regret pour nous de voir de trop nombreuses démissions et nous faisons appel, pour les remplacer, non seulement aux anciens étudiants, mais à toutes les personnes qui souhaitent voir nos concitoyens former un peuple de haute culture scientifique, intellectuelle et morale. Signalons que nous comptons peu de juristes de notre ville dans nos rangs et pourtant, tous, ils ont passé bien des semestres sur les bancs de cc bâtiment; ne devraient-ils pas, eux aussi, témoigner quelque reconnaissance à l’Université qui les a nourris, en venant à nous ? D’autre part, puisse notre Comité recevoir encore beaucoup de témoignages encourageants tels que celui-ci reçu
récemment : « Je suis les louables efforts de la Société académique avec un intérêt croissant »,
et puisse-t-il les mériter toujours mieux.
Nous avons dû enregistrer dix-huit décès. Mentionnons d’abord la grande perte que nous avons
faite en notre Collègue Me Robert Martin. Entré au Comité en 1933, Président de 1938 à 1941 et Vice-président depuis lors, il était un homme de commerce agréable et sûr, ami fidèle de l’Université, homme de conscience, Genevois aimant profondément et sans emphase son pays. Ses avis énoncés brièvement et clairement, marqués au coin du bon sens, nous ont toujours été précieux. Son départ prématuré nous a vivement touchés et nos pensées de vives sympathie vont aux membres de sa famille.
Le notaire Emile Rivoire, bien connu dans notre Cité, a fait partie de notre Société depuis sa fondation. Membre du Comité, il en a été le 2ème président en 1889-1890. Il s’est intéressé à nos travaux comme membre de la Commission du Fonds Auxiliaire de la Bibliothèque Publique et Universitaire dont il a été pendant trente ans président. I1 a été encore un membre actif de la Commission des « Fonds Gillet » en tant qu’exécuteur testamentaire de Madame Gillet-Brez. Nous lui devons en maintes circonstances de judicieux conseils et garderons fidèlement dans notre mémoire l’exemple de cette vie dc travail patient et persévérant.
Tout récemment encore nous avons eu le grand chagrin de voir disparaître un ami fidèle, Monsieur
Henry Deonna. Membre de la Société dès 1907, il fit partie du Comité de 1911 à 1925 et le présida
en 1915-1916. Sa modestie égalait la conscience qu’il mettait à faire tout ce qui lui était demandé et l’on aimait recourir à ses avis de juriste ou de connaisseur des choses touchant à la généalogie, à l’héraldique et à l’histoire de l’art.
Et puis, ce sont Mesdames Dr. Gourfein-Welt, Henry Galopin, Auguste Blondel, Charles Cumston, Messieurs Edmond Dubuis, Georges Martinet, Edward Clift, Dr Ed. Rosselet, Edouard Cros, Dr Jean Carl, l’Ingénieur Georges Cornu, Charles Boissevain, Pasteur Aloys Gautier, Dr Charles Ruel, Pasteur Jacques Martin.
A tous ces disparus vont nos sentiments de gratitude émue.
La liste de nos dons est courte ; souhaitons que nos revenus nous permettent, dès que les temps
seront meilleurs, de l’allonger et de la corser.
Nous avons continué à soutenir la Faculté autonome de Théologie, l’une des pierres angulaires
de l’enseignement des sciences morales, en subventionnant la Chaire de l’enseignement de l’histoire,
dont le titulaire était, depuis de nombreuses années, M. le professeur Georges Berguer. Il a été remplacé récemment par M. le Professeur Edmond Rochedieu. Nous l’avons aussi aidée à faire faire des travaux de reliure en retard. La Faculté a eu cette année encore un chiffre considérable d’étudiants, en particulier de Confédérés et de Français. Ces derniers sont pour la plupart repartis récemment pour leur pays libéré.
A la Faculté des Lettres, le Fonds Schwitzguebel a encore alloué un modeste subside en faveur de la Chaire de langue et de littérature rhétoromanes occupée par le savant Professeur Antoine Velleman.
Faisant suite à une demande de la susdite Faculté et dans le but de faciliter la publication de l’ouvrage
de M. le Professeur W. Deonna « Du Miracle Grec au Miracle Chrétien », nous avons nous aussi accordé une subvention à cette Faculté. Nous serons heureux de voir paraître cette œuvre, couronnement de la brillante carrière de M. W. Deonna.
La Faculté de Médecine a fait appel à nous pour l’Institut de Médecine Dentairc, auquel nous avons alloué une petite somme pour la reliure dc ses anciens périodiques, les montants nécessaires étant bien loin d’être couverts par le crédit annuel de l’État.
Cet Institut a eu le grand plaisir de voir arriver en septembre dernier, avec ses nombreux dispositifs
auxiliaires, le Métaphot de Busch, auquel nous nous étions intéressés l’an passé. Ce magnifique appareil, construit avec des armatures métalliques et objectifs d’avant-guerre, ouvre un champ nouveau d’investigations et de recherches scientifiques dont bénéficieront les divers enseignements de l’Institut, en particulier par l’étude des substances variées utilisées clans les diverses opérations dentaires et par les examens métallographiques, qui jusqu’ici étaient interdits, par défaut de l’instrumentation nécessaire.
Nous avions accordé en 1941 une subvention importante à l’Institut de physiologie, sur la demande du regretté Professeur Battelli. Il s’agissait de participer aux frais de construction d’un électroencéphalographe, instrument précieux pour les recherches relatives aux affections du cerveau.
Sur la demande de M. le professeur Oscar Wyss, nous avons alloué cette année à nouveau, une
somme importante, l’appareil ayant été complété afin d’élargir son utilisation: il est devenu un
« polyélectrographe ». Nous sommes heureux d’avoir contribué à cette magnifique acquisition.
Nous avons répondu à un appel de M. le Professeur Ed. Frommel pour l’achat d’un appareil de
Warburg, cela avec le concours de la Faculté de médecine. Cet appareil destiné à la vérification
des médicaments sur les organes isolés en survie est indispensable pour l’étude pharmacodynamique.
Nous avons complété notre allocation de l’an dernier à M. le Professeur honoraire de Seigneux,
pour son moule d’un crâne grandeur nature.
Cette année, la Faculté des Sciences a vu le Laboratoire de psychologie bénéficier de notre
libéralité. Il s’agissait d’éviter que l’admirable bibliothèque psychologique et scientifique du regretté
Professeur Edouard Claparède fut dispersée. Elle sera déposée dans une salle Edouard Claparède,
magnifique salle de travail pour les étudiants. Espérons que cette réalisation ne se fera pas attendre.
Le Laboratoire d’ anthropologie avait besoin d’augmenter la capacité de son fichier: nous lui avons
prêté assistance.
M. le Professeur André Mirimanoff avait à acquérir une étuve électrique pour le Laboratoire de pharmacognosie. La subvention prévue antérieurement s’étant montrée insuffisante, nous l’avons
complétée, les frais de fabrication par une maison suisse dépassant ceux de la maison française d’abord envisagée ct qui n’a pas pu effectuer sa livraison, en raison des circonstances actuelles.
C’est encore en vue de l’achat de deux étuves électriques que nous avons subventionné la Section
de chimie analytique de l’Université. Grâce à ces étuves, le laboratoire microchimique de M. le Professeur Paul Wenger pourra obtenir une température rigoureusement constante et contrôlable
à chaque instant, ce qui est d’une utilité énorme pour 1es travaux de précision. Il y a quelques années, nous avions participé aux frais d’installation de ce laboratoire microchimique : il est réjouissant de le voir se développer.
Malgré l’absence d’étrangers et les difficultés causées par les mobilisations, le jardin alpin de La Linnaea a servi de lieu de ralliement pour l’excursion alpine des étudiants de la Faculté des
Sciences et a eu la visite la colonie de la Lette comprenant des étudiants de très nombreuses nationalités. M. le Professeur Chodat a poursuivi ses études et dirigé des améliorations inaugurées l’année dernière dans les diverses rocailles. Il prévoit une affluence de chercheurs ès la fin de la guerre.
Le Fonds Gustave Moynier a continué de fournir diverses publications à la Bibliothèque publique et universitaire.
Le Fonds Auxiliaire de la Bibliothèque publique et universitaire a fait des acquisitions particulièrement importantes. Citons entre autres : Atlas zur altaegyptischen Kulturgeschichte de Wrezinski, Sstematische Bearbeitung der Schmetterlinge von Europas par Herrich-Schàffer, Wissenschaftliche Ergebnisse der deutschen Atlantischen Expedition auf demForschungs- und Vermessungsschiff « Meteor », trois ouvrages sortis de Presse genevoises, berner Chronik, 3ème volume de Diebold Schelling.
Le Fonds Emile Plantamour intéresse l’Observatoire de Genève et sa dépendance du Jungfraujoch,
comme vous le savez. Dans son rapport, M. le Professeur Tiercy nous parle de ses séjours là-haut,
peu favorisés cette année par le beau temps, sans compter les six mètres de neige sur la terrasse
à fin juillet, dont le déblaiement est trop coûteux pour être fait entièrement. Cependant la topographie de la lune à son premier quartier ainsi que Saturne ont été utilement observés et on a pu faire deux photographies dans le champ de x Lyre et x Aigle.
Au 3o juin dernier, se clôturait le premier concours bisannuel ouvert par le Fonds Théodore Turrettini et destiné à récompenser l’auteur « d’un travail concernant des applications de la science au génie civil et à l’art de l’ingénieur ». Le seul mémoire présenté ne rentrant pas dans les stipulations du concours, le Jury n’a pas pu, à son grand regret décerner le prix. Un nouveau concours est ouvert et se terminera le 3o juin 1946. Cette fois-ci le prix sera porté à Fr. 2’5oo.-. Nous sommes très reconnaissants envers le chef du Département du Commerce et de l’Industrie d’avoir bien voulu se charger d’expédier aux usines et fabriques du Canton le programme du concours, dans l’idée que plusieurs ingénieurs et techniciens seraient incités à y participer.
Le Prix Gillet a été décerné, comme de coutume aux trois élèves ayant l’été dernier le premier rang aux examens de maturité au Collège de Genève ; ce sont : MM. Jean Hoerni, Emile Bonard, Roger Schwarz.
Un Comité présidé par M. le Professeur Marcel Raymond, s’est constitué pour offrir à l’Université un buste du regretté Professeur Bernard Bouvier, œuvre du sculpteur Carl Angst. Nous y avons adhéré et souscrit une somme modeste. Souhaitons que ce buste trouve bientôt sa place dans le hall d’entrée.
L’année dernière, le :29 novembre, décédait à Genève, tout prêt d’ici, Madame Ketty Moriaud , Bigler, veuve du Professeur Paul Moriaud, juriste très connu non seulement dans notre ville, mais encore dans les milieux internationaux. Elle instituait la Société académique son héritière universelle, à charge pour elle, après paiement de certains legs, dc constituer avec le solde de la fortune, un Fonds Paul Moriaud, dont les revenus, après tous les amortissements nécessaires pour la conservation du capital, seront affectés à des subsides en faveur de professeurs, Privat-docents, étudiants, ayant au moins le grade dc licencié, pour les aider à accomplir un travail, des recherches ou des études déterminées ou même un voyage scientifique. Epouse fidèle et sans enfants, Madame Moriaud a survécu dix neuf ans à l’homme éminent qu’était son mari, dont elle a constamment suivi la carrière brillante et pour lequel elle avait un culte très touchant. Nous conservons de cette femme aimable et qui s’intéressait tant à l’Université, un souvenir ému et reconnaissant et nous nous efforcerons de remplir au mieux ce nouveau devoir imparti à notre Société, conscients que c’était également le désir c1e son époux prédécédé. Entrés en possession dc l’héritage, nous préparons le règlement qui fixera la manière de réaliser les volontés dc la testatrice.
Nous avons la satisfaction de signaler ici que l’Etat de Genève a reconnu qu’il y avait lieu de mettre la Société Académique au bénéfice de l’exonération totale pour les droits dus sur l’institution
d’héritier qui lui a été faite, « considérant que la requérante a pour but de grouper tous les amis des
études supérieures et de contribuer au progrès du haut enseignement dans tous les domaines, ct en
particulier au développement dc l’Université ; qu’elle a, jusqu’à ce jour, mis ses moyens financiers
exclusivement à disposition de l’Université de Genève; qu’elle a assumé, en conséquence, le rôle
qu’aurait joué un Fonds public administré par une commission spéciale; qu’elle peut donc être en
l’état considérée à l’égal d’une institution d’utilité publique et qu’il y a lieu de faire application à son
égard de l’article III, alinéa 2, de la Loi générale sur les contributions publiques, en lui accordant le
bénéfice de l’exonération demandée ».
Nous remercions le Conseil d’Etat de cette heureuse solution.
Après avoir réglé les legs, nous avons fait bénéficier la Bibliothèque publique et universitaire de
la primeur de la bibliothèque, lui permettant d’acquérir à bon compte les ouvrages qui l’intéressaient
Après la vente du mobilier, des tableaux et de la bibliothèque, le capital disponible se monte à plus
de Fr. 68’000.
Comme les années précédentes, nous avons représenté notre Société à différentes manifestation
universitaires. Citons en particulier la fête organisée par l’Institut dc Médecine dentaire à l’occasion des vingt-cinq ans d’activité Universitaire de MM. les Professeurs François Pfaeffli et Paul Guiller-Min. Nous avons été en outre convoqués à la visite des nouvelles installations dudit Institut. La Faculté des Sciences a inauguré les nouveaux locaux de l’Ecole de Chimie en mars dernier et la Faculté des Sciences Economiques et Sociales a célébré le beau Jubilé académique de M. le Professeur Rappard, notre collègue. De plus, nous n’avons pas manqué d’assister à la séance d’ouverture des cours du semestre d’hiver et au Dies Academicus.
La Société genevoise d’Utilité publique nous a invités, en juin dernier, à signer l’adresse au Conseil fédéral et Général, par nos autorités genevoises et beaucoup de sociétés de notre Canton. Nous avons été heureux de manifesté ainsi ouvertement toute la profonde reconnaissance que nous devons à nos hautes autorités politiques et militaires fédérales pour la façon distinguée avec laquelle elles on
dirigé notre pays et lui ont permis de traverser les tragiques événements mondiaux, sans en souffrir
d’une manière vraiment digne d’être mentionnée quand on songe aux épreuves qui accablent les populations de nos pays voisins.
Dans sa séance du 28 septembre dernier, le Comité a désiré manifester à notre Collègue, M. Arnold Pictet, la reconnaissance que la Société lui doit en le nommant Président d’honneur. Rappelons que M. Pictet est entré au Comité en 1899, qu’il en a été trésorier, président et surtout jusqu’en 1939, un secrétaire d’une conscience exemplaire. Je ne sais pas de membre de notre Comité qui ait mis plus dc cœur et de soins à remplir la tâche qui lui était confiée et nous sommes heureux de lui remettre un diplôme, modeste témoignage de notre admiration et de notre affection.
L’Assemblée dc ce jour aura à élire dc nouveaux membres du comité et remplacement dc M. Pictet,
d’abord, qui, cependant continuera à assister à nos séances, longtemps encore, nous l’espérons,
puis de M. Robert Martin, et un troisième pour combler la place que M. le Professeur William Rappard veut laisser libre. M. Rappard a-t-il été impressionné par la belle et méritée manifestation
lors du 3ome *anniversaire de son enseignement à l’Université ? manifestation à laquelle nous avons
été heureux de nous associer, ou bien les vingt sept années passées au Comité lui ont-elles paru
tellement longues ? hélas, nos démarches, nos objurgations, n’ont pu avoir raison de la décision
qu’il a prise de ne pas accepter de réélection. II manquera à nos séances la voix mâle, parfois ironique
de ce collègue qui était une des illustrations de notre Comité et dont nous avons apprécié
l’intelligence et les vues souvent originales et toujours utiles. Nous savons qu’il nous gardera toujours
une fidèle amitié et le remercions pour sa longue collaboration.
Nous vous proposons ainsi l’élection de trois nouveaux membres de notre Comité et présentons à vos suffrages:
M. Georges Lemaître, ingénieur-, Me Jean Sautter, Notaire et M. Paul Collart, Dr ès lettres, ct cela pour une durée de deux années ; les membres sortant cette année, soit. MM. Blondel, Firmenich,
Gardy, Gautier, Naef, sont soumis à une réélection.
Nous avons nommé en remplacement de M. Martin, de M. Augustin Lombard et du Professeur
Eugène Choisy, M. Jean Rillict, Pasteur, membres de la Commission des Fonds Gillet. A celle du Fonds des Archives, c’est M. Blondel qui succède à Y. Martin ct M. Edmond Barde a été appelé par la
Société d’histoire et d’archéologie à prendre la place de M. Emile Rivoire.
Une fois dc plus, j’ai le plaisir de remercier mes Collègues du Comité de leur appui constant et de la
collaboration qu’ils m’ont toujours donnée avec empressement. L’esprit de service qui règne au sein du Comité est un sûr garant que notre Société continuera à remplir la mission assignée par ses fondateurs.
Nos relations avec le Président du Département dc l’Instruction Publique ct avec le Recteur, M. le
Professeur Bujard, administrateur aux vues lointaines, ont toujours été empreintes d’une charmante
cordialité et nous avons eu maintes fois l’occasion dc travailler en commun au bien de notre Université. Nous nous réjouissons de continuer avec le nouveau Recteur, M. le Professeur Babel, cet
agréable commerce.
L’an dernier, nous vous donnions quelques indications sur les grands projets élaborés en vue du
développement de l’Université. En effet, le 9 novembre 1943, dans la Salle de l’Alabama, M. Adrien Lachenal, Présidant du Département de l’Instruction Publique, exposait aux autorités universitaires
ct aux représentants de la Chambre dc Commerce ct à quelques autres personnalités industrielles, les
plans d’extension de l’Université. Dix jours après M. Casaï, Président du Département des Travaux Publics, avec ses collaborateurs, dans une séance d’information, donnait connaissance au public des
études concernant la reconstruction dc l’Hôpital Cantonal et le regroupement des policliniques.
Cette année, soucieuse d’apporter une collaboration effective, notre Société s’est intéressée à la première partie du programme général, soit à la construction d’un nouvel Institut de physique. Elle a décidé d’offrir de procéder à ses frais à l’établissement des plans de ce bâtiment.
En date du 14 mars 1944, le Conseil d’Etat a pris un arrêté » pour réserver la parcelle No 476, à l’angle d Bd Carl Vogt et de la rue des Bains, propriété dc l’Etat, en vue de la construction d’un
Institut universitaire de Physique « . Cette parcelle cst sise à côté de la Radio.
Pour mener à chef la réalisation dc ce nouvel Institut, des entretiens avaient eu lieu non seulement avec le Département de l’Instruction Publique et l’Université, mais encore avec un certain
nombre des principaux industriels dc notre ville ; il en est apparu la nécessité de demander un concours financier en dehors de celui de l’Etat. Une Commission de l’Institut de Physique a été créée.
Présidée par notre Collègue M. le Professeur Pfaeffli, elle comprend des représentants du
Département de l’Instruction Publique, de l’Université, dont l’éminent Professeur de physique
M. Weiglé, et des industriels. Grâce, en grande partie à l’entraînante activité dc M. l’Ingénieur Georges Lemaitre, on a obtenu des dons importants de la part de plusieurs sociétés industrielles et constitué ainsi le » Fonds 1944 pour l’Institut de Physique et l’Université« .
Ce Fonds a été remis en gérance à notre Société.
Aux sommes versées par douze sociétés genevoises, qui s’intéressent avant tout à l’outillage de l’Institut, soit Fr. 16o.ooo,-, se sont ajoutées celles remises par quatre sociétés confédérées, grâce à
une heureuse intervention du Chef du Département de l’Instruction Publique, soit Fr. 25’ooo,-, plus
une autre de Fr. 5o’ooo, prélevée par ta Société Académique sur son ancien « Fonds pour l’Université». C’est un total de Fr. 235.ooo,-.
Si nous avons lieu de nous féliciter de ce résultat, nous sommes très particulièrement heureux de voir s’inaugurer une collaboration entre l’Université et une des plus importantes industries de Genève.
Il est réjouissant, il nous semble, de l’Alma Mater se pencher sur ceux qui œuvrent dans l’industrie pour leur communiquer quelque chose de ses idéaux scientifiques et nous vous remercions, vous les généreux donateurs, d’avoir pleinement conscience de ce « qu’une recherche scientifique détachée
de toute contingence utilitaire peut conduire à des résultats pratiques immenses: à l’origine de toute
technique nouvelle on retrouve des efforts désintéressés,. C’est ce que disait tout récemment aux
étudiants, dans un discours fort bien pensé, M. le Recteur Babel.
Messieurs les distingués représentants, tout en inscrivant vos sociétés comme membres donateurs
de la Société Académique, nous nous sommes préoccupés, ainsi que l’Université, de leur offrir un modeste souvenir de notre vive reconnaissance. Grâce à la générosité de notre Alma Mater et de sa
part, nous allons vous remettre pour chacune d’entre elles un exemplaire de « L’Histoire de l’Université de Genève » du Professeur Charles Borgeaud. Ce remarquable ouvrage qui honore autant cette institution que son auteur, tant par l’érudition dont il fait montre que par la manière captivante
dont les faits sont présentés, permet de se pénétrer davantage de ce qu’a été cette Académie, au développement de laquelle elles veulent bien contribuer *.
Nous espérons que leur exemple sera encore suivi par d’autres ct que nous pourrons mener à
bien cette oeuvre constructive. avec le concours de l’Etat, qui voudra bien, le plus tôt possible, y
affecter les crédits nécessaires.
D’autre part, une sous-commission ad hoc a été chargée ce printemps de préparer un concours
restreint entre architectes pour les plans du nouveau bâtiment, en plein accord avec 1e Département des Travaux Publics. C’est le 15 décembre prochain que seront remis les projets et il sera ensuite statué sur les résultats de ce concours.
Souhaitons que l’an prochain puisse voir les travaux commencer et avancer rapidement.
En novembre dernier, nous espérions que 1944 verrait luire l’aube ensoleillée annonçant la paix
dans notre monde. Il semble qu’elle ne soit plus très éloignée. Partout l’on parle de reconstruction et
l’humanité souffrante ne désire plus qu’une chose: vivre et travailler en paix. Puisse le désir de travail dans la justice et l’amour des hommes dominer l’esprit de haine et de vengeance qu’ont développé le désordre et les horreurs suscités par la guerre. Pour nous, peuple épargné, il s’agit aussi de rechercher ce qui doit être transformé, amélioré ou même reconstruit t cela avec pondération, mais aussi avec énergie et sans tarder.
En ce qui concerne la Société académique, elle prendra sa part des efforts que nécessitera l’exécution du programme de développement universitaire. c’est une œuvre de longue haleine, de persévérance, à laquelle tout Genevois est convié et nous sommes heureux d’avoir pu participer à son commencement, Il reste beaucoup à faire, mais nous prenons avec joie notre modeste part de ce travail.
Gustave HENTSCH, président