Rapport annuel de la présidence 1948-1949

Paul COLLART, président
28 novembre 1949

 

Mesdames et Messieurs,

En ouvrant cette séance, je tiens à vous dire d’emblée nos remerciements pour l’intérêt que vous voulez bien manifester par votre présence à la Société Académique de Genève. Je tiens à exprimer, tout particulièrement, notre reconnaissance aux Autorités cantonales et municipales, comme à celles de l’Université, qui ont bien voulu se faire représenter ici, ou nous adresser des messages.

Notre premier devoir est de rendre hommage à ceux de nos membres qui sont décédés depuis notre derrière assemblée. Ce sont : MM. Pierre Besse, Jules Bruder, Eugène Choisy, Perceval Frutiger, Georges Gross, Maurice Hentsch, Charles Ladame, Elie Lecoultre, Henri Mercier, Ernest Patry, Marcel Raisin, Louis-Marcel Sandoz, Albert Troendle, Eugène Wassmer, et MMmes Charles Borgeaud, Barthélemy Bouvier, Hélène Camoletti, Alfred Durand-Sokoloff, Henry Fatio, Alfred Gautier, de Hirsch-de-Gerenth, Henry Maillet-Turrettini, Rodolphe Ostermann, marguerite Sautter.

A tous ces disparus, dont plusieurs ont illustré notre Université par leur enseignement, nous gardons un souvenir fidèle et reconnaissant pour l’attachement qu’ils nous ont marqué. De l’un d’eux nous ne saurions rappeler la mémoire sans marquer la place éminente qu’il a occupée parmi nous et les services exceptionnels qu’il nous a rendus.

En avril dernier s’éteignait, à l’âge de 83 ans, le professeur Eugène Choisy. Il ne peut être question ici d’évoquer, même superficiellement, dans le cadre étroit de ce rapport, sa rayonnante personnalité, de retracer l’immense activité qu’il a déployer dans la Paroisse de Plainpalais, à la Faculté de Théologie de notre Université, et dans plusieurs institutions dont il était resté l’infatigable animateur.

D’autres l’ont fait déjà comme il convenait.

Nous voudrions seulement rappeler ce qu’il fut pour notre société, qui lui doit son existence même. Dans le rapport présenté, en mai 1888, à l’Assemblée générale de fondation de la Société Académique par le président du Comité d’initiative, Charles Borgeaud, on lit en effet : « L’idée déjà chère à quelques étudiants, mais non encore répandue par eux, de créer à Genève une Société académique pour travailler au développement de l’Université â été soumise, l’an dernier, à la Société de Zofingue, par un de ses membres, Eugène Choisy, comme conclusion d’un intéressant travail où il mettait en lumière l’activité de la Société de Bâle. Ce travail, communiqué par son auteur à quelques personnes étrangères à l’Université, reçut leur approbation. L’idée fit son chemin dans le monde des étudiants et, au mois de novembre dernier, se formait parmi eux, à l’instigation de son promoteur, le Comité d’initiative que vous avez devant vous… » Fondateur de la Société Académique. Eugène Choisy en est resté Ie fidèle conseiller ; il l’a suivie pas à pas dans son développement ; il n’a cessé de la faire bénéficier de ses avis et de son inlassable activité ; entré, comme secrétaire, dans son comité, en 1891, il y resta sans interruption jusqu’en 1938. soit pendant quarante-sept années ; deux fois vice-président et deux fois Président, il occupa cette dernière charge au moment du jubilé de 1909 ; la gratitude que nous lui avions témoignée en 1938 en le nommant président d’honneur, nous l’exprimons une fois encore avec émotion, en mesurant, en présence de tels états de service, toute l’ampleur de la perte que nous avons faite.

Jetons maintenant un regard sur l’activité de la Société Académique pendant l’exercice écoulé.

Les ressources de notre Fonds ordinaire ont été comme chaque année, largement mises à contribution pour répondre aux diverses demandes de subsides qui nous ont été adressées. Si celles-ci, dans l’ensemble, ont été moins nombreuses, elles ont, dans quelques cas, porté sur de telles sommes que le montant global de nos allocations ne s’en est guère trouvé diminué. Le prix de certains appareils, indispensables à l’équipement de nos laboratoires, est parfois aujourd’hui si considérable que la Société Académique ne peut plus songer à en faire, à elle seule, l’achat.

C’est ainsi que, pour la Faculté des Sciences, le professeur E. Briner nous a fait part de son désir d’acquérir un appareil destiné à l’étude et à la mesure des rayons infrarouges, dont le coût est de l’ordre de Fr. 40’000,- ; nous n’avons pu lui promettre qu’une fraction de cette somme, qui lui sera versée dès qu’il aura pu se procurer ailleurs l’indispensable complément.

En revanche, à la Faculté ile Médecine, où de grands efforts ont été faits, au cours de l’année écoulée, pour développer l’étude et la pratique des méthodes nouvelles de narcoses, nous avons donné au professeur Jentzer la possibilité d’acheter un appareil Heidbriak, dont profiteront les malades aussi bien que l’enseignement.

A la Faculté des Lettres, M. Bouffard, chargé de cours, a pu, grâce à nous, enrichir encore la collection de clichés diapositifs utilisée par l’enseignement de l’histoire de l’art.

Sur l initiative du professeur Bohnenblust, et pour favoriser la réalisation d’un vœu qui est, depuis longtemps, celui de Ia Faculté tout entière, la Société Académique a décidé de contribuer, par un subside unique de Fr. 5000, -, à la création d’un enseignement régulier de musicologie et d’histoire de la musique, pour autant que l’Etat se montrerait favorable à ce projet et s’engagerait de son côté à maintenir de façon durable le dit enseignement. Nous venons d’apprendre que, sur proposition du Département de l’Instruction publique, le Conseil d’Etat a confié cet enseignement à M. Willy Tappolet, avec le titre de chargé de cours.

La Faculté de Droit nous a fait savoir par son doyen, le professeur Liebeskind, qu’elle désirait faire relier un certain nombre de volumes de sa bibliothèque; nous lui avons permis de faire face à cette dépense.

Nous avons pu, cette année encore, maintenir à la Faculté autonome de Théologie la même allocation que l’an dernier, comme subvention à l’enseignement d’histoire des religions.

A la demande du Recteur nous avons pu également maintenir notre participation à la Bourse Gallatin, destinée à organiser des échanges d’étudiants entre la Suisse et l’Amérique.

Nous avons enfin manifesté notre intérêt pour l’activité de l’Ecole d’Etudes Sociales, dont les bibliothécaires et les laborantines rendent d’appréciables services à l’Université, en contribuant, par un don de Fr. 1000, à la constitution du Fonds créé à l’occasion du trentième anniversaire de cette école.

Des nombreux Fonds dont la Société Académique a la garde, et qui sont administrés par elle conformément aux dispositions particulières qui les régissent, nous ne mentionnerons ici que ceux dont l’activité au cours de l’exercice écoulé appelle quelques remarques.

Nous voulons en premier lieu marquer notre satisfaction de voir le Fonds pour l’équipement du nouvel Institut de Physique qui se monte aujourd’hui à Fr. 270’000, destiné à trouver dans un proche avenir son utilisation. Le 30 juillet 1949, en présence des représentants des autorités cantonales et universitaires, fut posée, sur les rives de l’Arve, la première pierre du futur lnstitut. M. le conseiller d’Etat Albert Picot, président du Département de l’Instruction publique, M. le professeur Georges Tiercy, recteur de l’Université, et le président de la Société Académique, prirent la parole au cours de cette cérémonie.

L’achèvement du gros œuvre est prévu pour juin 1950, celui des aménagements intérieurs pour juillet Aussi notre Université va se trouver dotée d’un remarquable instrument de travail, répondant aux exigences de l’enseignement comme de la recherche. La Société Académique, à qui l’on doit l’impulsion première donnée à cette importante entreprise, tient à redire ici, une fois encore, sa profonde gratitude à tous ceux qui ont travaillé à la conduire à chef, aux donateurs qui ont répondu si généreusement à son appel, à M. le conseiller d’Etat Louis Casaï, président du Département des ‘travaux publics, à M. le professeur François Pfaeffli, qui préside depuis plus de six ans la commission de construction.

Tout récemment, un nouveau don est venu s’ajouter à ceux que nous avions déjà reçus : la Fabrique de ciment Portland à Vernier, au nom de la S. A. Portland i de Zurich, nous informait qu’elle mettait à notre disposition 50 tonnes de ciment destinées à la construction du nouvel Institut de Physique.

Nous tenons à évoquer aussi, dans un même sentiment, la mémoire d’un collègue trop tôt disparu, Georges Lemaître, dont le nom restera attaché doublement à cette belle réalisation, par l’actif intérêt qu’il y prit et par le don de Fr. 5000,- que nous avons reçu en souvenir de lui, et qui, constitué en un fonds distinct, « Fonds Georges Lemaître », servira lui aussi à l’équipement du nouvel Institut de Physique.

L’élaboration du nouveau statut du Jardin alpin La Linnaea à Bourg-Saint-Pierre, dont la Société Académique reste propriétaire, se poursuit en étroite collaboration avec la Faculté des Sciences, Nous espérons que le projet mis sur pied par une commission composée de MM. les professeurs Chodat, Baehni et Paréjas pourra être définitivement adopté et que, grâce aux efforts conjugués de la Société Académique, de la Faculté des Sciences et de l’Etat, notre jardin pourra rendre encore à l’Université d’appréciables services. En attendant, les problèmes pratiques que pose l’élaboration du nouveau statut ont été étudiés sur place par le professeur Chodat qui a passé, l’été dernier, quelques semaines à Bourg-Saint-Pierre ; la Société Académique a, cette année encore, couvert seule les frais d’entretien du jardin.

Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique et universitaire a permis d’acquérir un exemplaire de luxe de l’ouvrage de Lory : « Voyage pittoresque de Genève à Milan par le Simplon » paru en 1811, avec album in-folio de planches en couleurs.

Les Fonds Gillet sont intervenus pour couvrir l’allocation à la Faculté autonome de Théologie pour l’enseignement d’histoire des religions et, comme de coutume, pour l’octroi des prix de voyage aux élèves de la classe supérieure du Collège ayant obtenu, dans chaque section, le premier rang à l’examen de maturité. Cette année quatre prix de Fr. 500,- ont été décernés à MM. Aymon de Cerjat, Théodore Stern, Jean Lehner et Roland Vaché.

Pour la première fois, le Fonds pour les Études classiques et orientales (Boissier, Naville, van Berchem) a pu être mis à contribution ; une bourse de Fr. 2000,- a permis à un jeune architecte, M. Jean-Pierre Cottier, désigné par l’Ecole d’Architecture de l’Université, d’aller passer une année à l’Institut suisse à Rome. Il est à peine besoin d’insister sur l’intérêt de telles possibilités qui nous sont main tenant offertes ; pour en profiter pleinement, nous aimerions pouvoir accroître encore de façon substantielle le montant de notre Fonds pour les Études classiques que nous recommandons, Mesdames et Messieurs, à votre généreuse attention.

Enfin, conformément aux propositions de la commission présidée par M. Bernard Naef, nous avons décerné, sur les revenus du Fonds Paul Moriaud, à M. Charles Maystre, chargé de cours à la Faculté des Lettres, un prix de Fr. 2000,- comme contribution à l’impression de la thèse d’égyptologie qu’il a récemment soutenue en Sorbonne ; à Mlle Christiane Dunant, licenciée ès lettres, une bourse de Fr 1500, pour continuer, à l’Ecole française d’Athènes le travail qu’elle a entrepris sur la coiffure féminine dans Ia Grèce antique.

Cette énumération peut donner une idée de la diversité des tâches qui nous sollicitent. Pour y faire face, la Société Académique a besoin de l’appui de tous les amis de l’Université. Appui matériel, sans doute ; mais plus encore appui moral. C’est en groupant tous ceux qui, de près ou de loin, touchent à notre Alma Mater qu’elle sera à même de poursuivre utilement sa mission.

Nous avons donc enregistré avec un plaisir tout particulier l’adhésion de plus de quarante membres du corps enseignant de l’Université qui ne faisaient pas encore partie de notre Société ; nous les remercions d’avoir si volontiers répondu à l’appel que leur avait adressé le Recteur. Nous avons aussi reçu avec une reconnaissance émue un legs de Fr. 150,- de M. Henri Mercier, le vénéré archiviste du Collège.

D’autre part, en assistant aux manifestations auxquelles nous étions très aimablement conviés, nous nous sommes efforcés de maintenir avec la vie universitaire un étroit contact. Dans le courant de l’année écoulée, la Société Académique a été représentée aux séances solennelles du Dies Academicus et de la rentrée d’automne, au dîner organisé en l’honneur du professeur Folliet, au 125è anniversaire de la Société de Belles-Lettres, au jubilé dc la Société auxiliaire du Museum d’Histoire naturelle.

En terminant, il nous est particulièrement agréable de souligner, une fois encore, les rapports si courtois que nous entretenons avec les autorités universitaires, et de remercier celles-ci pour le bienveillant intérêt qu’elles ne cessent de nous manifester. Nous tenons à dire, notamment, à M. le Recteur Georges Tiercy, à MM. les Doyens des différentes Facultés, à M. le Secrétaire Hermann Blanc, combien nous sommes sensibles à l’accueil empressé que reçoivent toujours auprès d’eux nos démarches.

En face des si nombreuses manifestations dont l’éclat bruyant emplit nos rues et notre presse, le travail de nos savants pourrait paraître à l’opinion bien terne. C’est pourquoi, à plusieurs reprises, au cours de l’année qui s’achève, M. le Recteur Georges Tiercy a publiquement rappelé quelle place tient en fait l’Université dans la vie de la cité tout entière.

En s’efforçant, dans la mesure de ses modestes moyens, de l’aider, la Société Académique a conscience d’être associée au maintien d’une tradition bientôt quatre fois centenaire, dont personne aujourd’hui ne saurait concevoir que Genève pût un jour se passer.