Rapport annuel de la présidence 1949-1950

Paul COLLART, Président
20 novembre 1950

 

Mesdames et Messieurs,

En ouvrant cette séance, je tiens tout d’abord à vous remercier de l’intérêt que vous voulez bien manifester par votre présence à la Société académique de Genève. Sans doute ce soir, celle-ci revêt-elle surtout, à vos yeux, le mérite d’introduire devant vous l’éminent conférencier qu’est M. le professeur Emile Guyénot ; je suis heureux de le saluer d’emblée parmi nous. Mais, retardant de quelques moments le plaisir que nous vous promettons à l’entendre, j’ose espérer que les brefs rapports que nous avons d’abord à vous lire, en vous renseignant sur l’activité de notre société, sauront retenir votre attention et vous persuader de l’utilité de nos interventions. Une fois de plus, ils vous montreront que pour faire face à des tâches caque année plus nombreuses et plus onéreuses, la Société académique a besoin de l’appui de tous les amis de notre Université. Elle sait d’ailleurs pouvoir compter sur eux.

Aux autorités cantonales et municipales comme aux autorités universitaires qui sont ici représentées ce soir ou qui nous ont envoyé des messages, nous exprimons notre sincère gratitude.

Notre premier devoir est de rendre hommage à ceux de nos membres que la mort nous a enlevés depuis notre dernière assemblée. Ce sont : Mmes Ernest de Beaumont et Ida Welt ; MM. Alexis Brissard, Robert d’Ernst, Henri Frankfeld, Jacques van Leisen, Lucien Meisser, F.-Louis Perrot, Marius Portier, J. Stahel, Felix Tagand et Rolin Wavre.

Certains ont illustré notre Université par leur enseignement j ; M. Henri Frankfeld l’a instituée héritière d’une partie importante de ses biens. A tous ces disparus, nous adressons un souvenir ému et reconnaissant, en assurant leurs familles de notre vive sympathie.

Comme de coutume, nous nous sommes efforcés de répondre, dans la mesure de nos moyens, aux demandes de subsides qui nous ont été adressées par les professeurs des diverses Facultés de l’Université.

Ces allocations, destinées à compléter l’équipement nécessaire à l’enseignement et aux travaux de laboratoire, ont absorbé entièrement les revenus de notre fonds ordinaire.

A la Faculté des Sciences, nous avons subventionné les recherches de Mlle Kitty Ponse, professeur à l’Institut de zoologie et d’anatomie comparée.

Grâce à nous, le professeur Marc Sauter a pu acquérir, pour l’Institut d’anthropologie, des moulages de primates supérieurs et d’hommes fossiles, ainsi que divers instruments anthropométriques.

A Ia demande du professeur Emile Cherbuliez, nous avons acheté, pour le Laboratoire de chimie pharmaceutique, une balance analytique à pose automatique des poids.

Enfin, nous avons eu la satisfaction d’apprendre que la contribution que nous avions promise, l’an dernier, au professeur Emile Briner avait décidé la Fondation Rockfeller, à Neu-York, à verser au

Laboratoire de chimie technique la somme de 5000 dollars encore nécessaire pour permettre l’acquisition d’un spectrographe destiné à l’étude de l’infrarouge. Cet exemple montre que les interventions de la Société Académique peuvent être utiles à l’Université même lorsqu’il s’agit de trouver des sommes dépassant largement ses possibilités.

Nous espérons qu’à la Faculté de Médecine, l’allocation que nous avons promise au professeur Werner Jadassohn lui permettra, d’une manière analogue de se procurer ailleurs le complément qui lui et nécessaire pour doter la Clinique de dermatologie d’une centrifugeuse de haute puissance pour le travail des matières liquides.

A la demande du professeur Amédée Weber, nous avons permis au Laboratoire d’anatomie, que dirige aujourd’hui le professeur Jean Baumann d’acquérir un objectif à contraste de phases.

Le professeur Georges de Morsier désirait compléter, par l’adjonction d’un dispositif de micro-photographie, le microscope que la Société Académique avait offert naguère à la Clinique de neuro-Pathologie ; il a pu, grâce à nous, faire face à cette dépense.

Les bibliothèques des Facultés de Droit et de Sciences économique et sociales nous ont sollicités par le truchement de leurs Doyens, les professeurs Amédée Lieeskind et Claudius Terrier, de couvrir d’importants frais de reliures; nous avons donné une suite favorable à ces demandes.
Cette année encore, nous avons pu accorder à la Faculté autonome de Théologie une allocation destinée à subventionner l’enseignement d’histoire des religions.

Quels qu’aient été le nombre et l’importance de ces subventions, elles ne représentent qu’une partie de notre activité en faveur de l’Université. En effet, la Société Académique, en outre, a pour tâche d’utiliser pour les études supérieures, conformément aux dispositions particulières qui les régissent, les nombreux Fonds dont la garde et l’administration lui ont été confiées. Nous ne mentionnerons ici que ceux de ces fonds auxquels nous avons eu recours pendant l’exercice écoulé, ou dont le statut appelle des remarques.

Pour la première fois depuis sa constitution, le Fonds 1944 pour l’Institut de Physique et l’université a été largement mis à contribution. Depuis la cérémonie de la pose de la première pierre du nouvel Institut, sur les bords de l’Arve, le 3o juillet 1949, que nous rappelions l’an dernier ici même, les travaux de construction ont marché grand train, suivis avec attention, en étroite collaboration avec le Département des travaux publics et l’architecte M. Denis Honegger, par la commission que préside notre collègue M. le professeur François Pfaeffli.

Le gros œuvre est extérieurement terminé, et l’on achève en ce moment les travaux de cloisonnage et de couverture. Sont en cours actuellement les travaux d’installation de l’eau, du gaz et de l’air comprimé, du chauffage, du courant alternatif, de la ventilation, de la pose de la menuiserie. A l’extérieur du bâtiment, on vient de mettre en place un réservoir à mazout du poids de sept tonnes. L’inauguration des nouveaux locaux est prévue pour le début du semestre d’hiver 1951-1952. Il est donc apparu nécessaire, en raison de l’avancement des travaux, d’engager déjà les premières dépenses destinées à préparer l’équipement scientifique du nouvel Institut.

Un projet, concernant principalement l’atelier, ainsi que les sections d’optique et des travaux pratiques, fut mis au point en décembre 1949 par M. le professeur Extermann, et soigneusement examiné par notre collègue M. Marc d’Espine. Le 30 janvier 1950, ce projet fut soumis aux représentants des diverses sociétés donatrices, que nous avions réunis à l’Université; ceux-ci décidèrent de passer à l’exécution et de libérer dans ce but une première tranche de 130’000 francs sur le fonds constitué grâce à leur générosité, il y a six ans, sur l’initiative de Ia Société Académique, fonds qui se monte à 270’000 francs environ. Cette décision marque une étape importante dans l’histoire du nouvel Institut de Physique, pour la construction et l’équipement duquel notre Société a d’emblée manifesté un vif intérêt. Il m’est agréable de mentionner ici que, tout récemment, la maison Kugler a fait don au nouvel Institut de Physique d’un certain nombre de ses nouveaux appareils « Kuglopress » el – Kuglostat pour l’installation du bloc sanitaire au premier étage. Ce don représente une somme d’environ 2500 francs.

Les termes d’une convention réglant le nouveau statut du jardin alpin La Linnaea, à Bourg Saint-Pierre, ont été définitivement arrêtés. La Société Académique, propriétaire du jardin, en laisse la jouissance à la Faculté des Sciences, pour y organiser des séjours d’études. Les frais d’exploitation et d’entretien seront désormais couverts par des contributions égales de la Société Académique, de l’Université et de l’Etat. Nous sommes heureux de penser que, grâce à ce concours de bonnes volontés, notre jardin alpin gardera sa destination scientifique et continuera à rendre, sur un plan élargi, d’appréciables services à l’Université.

Le champ d’action du Fonds Edouard Claparède sera lui aussi étendu : à la demande de la commission qui s’en occupe, ce fonds pourra être désormais utilisé « pour la zoologie lacustre et les études sur le quaternaire du bassin de Genève ». Nous pensons qu’il pourra, ainsi, rendre de nouveaux services dans la ligne prévue par ceux qui l’ont constitué, alors que, depuis la vente du bateau Edouard Claparède, il était demeuré sans emploi.

Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque Publique et universitaire a permis d’acquérir cette année un ouvrage de Guiseppe Tucci sur des rouleaux peints du Thibet, ct un précieux recueil d’estampes populaires, publiées à Cologne par Hagenberg, à la fin du XVIe et au début du XXII » siècle, pour illustrer les guerres contemporaines.

Le Fonds auxiliaire des Archives est intervenu pour subventionner le classement des pièces relatives aux procès civils et à la juridiction civile.

Les Fonds Gillet, comme précédemment, ont permis de couvrir l’allocation versée à la Faculté autonome de Théologie pour l’enseignement de l’histoire des religions, et d’octroyer des prix de voyage aux élèves de la classe supérieure du Collège ayant obtenu, dans chaque section, le premier rang à l’examen de maturité. Ces prix ont pu être portés, cette année, à 600 francs chacun et les lauréats ont été, pour la section classique, M. Jean-Daniel Candaux, pour la section latine, M. Marcel Grandjean, pour la section moderne, M. Ernest Sigrist, pour la section scientifique M.  Marcel Déruaz.

Le Fonds Théodore Turrettini conformément aux propositions de la commission que préside M. Alphonse Bernoud, nous a permis de récompenser par un prix de 1800 francs un travail présenté sous la devise « Cyclamen » (machine à diviser par copie), dont l’auteur est M. Maurice Koulicovitch, et par un prix de 300 francs un travail présenté sous la devise « Vitam impendere vero » (Contribution à l’étude de la dispersion magnétique des transformateurs à bobinage concentrique), dont l’auteur est Claude Rossier.

De son côté, le Fonds Paul Moriaud, conformément aux propositions de la commission que préside M. Bernard Naef, nous a permis d’attribuer un prix de 1000 francs à M. Marc Chouet, pour la publication d’un mémoire sur les lettres de Salluste à César ; un prix de 1000 francs au Dr Wyss-Dunant, comme participation aux frais d’une expédition à l’Himalaya (sous la condition que deux savants genevois au moins accompagneront les alpinistes); au Dr Georges Riotton un prix de 500 francs, pour la publication de ses recherches sur le cancer, faites au Tufts College Medical School à Boston (Massachussetts).

Le Fonds pour les Etudes classiques et orientales (Boissier, Naville, van Berchem) ne suffit point encore à fournir chaque année le montant d’une bourse d’études en Italie, en Grèce ou en Orient. Nous travaillons à en accroître le capital et nous serions particulièrement heureux et reconnaissants si des dons venaient nous y aider.
Mentionnons enfin que nous avons prélevé sur notre Fonds pour l’Université une somme de 10 000.

francs que nous avons versée, à titre de capital inaliénable à la nouvelle Société auxiliaire de Faculté autonome de Théologie, dont la Société Académique devient ainsi membre bienfaiteur. Ce geste complète celui que nous avons fait naguère en faveur des autres Facultés par notre participation à la création du Fonds général de l’Université.

L’accomplissement de tâches si diverses et la bonne gestion de nos biens ont exigé, vous le croirez sans peine, de multiples démarches, des études fouillées, des soins attentifs. Au moment de quitter, après trois années, la présidence de la Société Académique, je me sens pressé d’exprimer ici à mes collègues du Comité mes sentiments de profonde gratitude pour l’aide précieuse que j’ai reçue d’eux.

Je tiens à dire aussi combien nous sommes sensibles à la courtoisie des rapports que nous entretenons avec l’Université, à remercier notamment MM. les Recteurs Eugène Bujard et Georges Tiercy, MM. les Doyens des différentes Facultés, M. Secrétaire Hermann Blanc pour l’accueil si aimable qu’il nous a toujours réservé.

Qu’on me permette un dernier mot. D’autres ville en Suisse ont su attacher leur nom à des manifestations d’une haute valeur culturelle, Cet été, Genève a laissé s’étaler le sien, pour annoncer des « Fêtes de Genève », bien peu genevoises, sous le masque aguichant d’une coquette équivoque. Considère-t-on comme anodine la propagande d’une telle affiche ? Et peut-il être sans conséquence que certains cherchent à nous présenter comme seules dignes d’être encouragées les batailles de confettis et les courses de motocyclettes ? Qui désire-t-on attirer dans cette ville ? Car il est vain de se leurrer : certaines choses ne resteront pas toujours compatibles.

Au milieu d’un concert intéressé d’éloges, seul le chroniqueur financier d’un grand quotidien l’avait osé dire. Se taire, c’est encore, ici, assez lâchement, faire un choix. Le nôtre est clair. Travailler au développement des études supérieures, ce n’est pas seulement, pour nous, procurer à quelques savants de nouvelles commodités pour leurs recherches, pourvoir d’appareils coûteux des laboratoires ; c’est, du même coup, maintenir dignement une tradition illustrée depuis près de quatre siècles par cette maison, pour l’honneur de la cité, comme aussi, de surcroît – pourquoi ne pas le dire ? pour son plus grand profit.