Rapport annuel de la présidence 1950-1951

Roger FIRMENICH, Président

6 décembre 1951

 

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,

Le Comité de la Société Académique vous souhaite la bienvenue à cette 63ème Assemblée Générale. Nous avons le plaisir de saluer tout particulièrement les Autorités cantonales, municipales et universitaires dont la présence nous honore. Nous les remercions de l’intérêt qu’elles témoignent à notre Société.

C’est très encourageant pour votre Comité de vous compter en grand nombre à nos Assemblées. Nous savons que c’est principalement la haute renommée de notre conférencier de ce soir qui vous a conduits en cette Aula. Permettez-moi donc de remercier tout d’abord M. le professeur Jacques Freymond d’avoir accepté de nous consacrer cette soirée et de traiter devant nous tout à l’heure un sujet de haute actualité.

Notre vieux monde doit le reconnaître et s’incliner devant les faits : le centre de gravité économique et politique du monde civilisé a quitté les rives de l’Europe. M. le professeur Freymond a passé toute l’année 1950 aux Etats-Unis. Il y a beaucoup voyagé et a été en contact avec les milieux les plus divers. C’est donc avec une profonde connaissance du sujet qu’il traitera des « Tendances de la politique étrangère des Etats-Unis depuis 1945 ».

Si, malgré l’indéniable prédominance de l’Amérique dans divers domaines, nos pays veulent maintenir et développer leur niveau intellectuel et matériel, l’un des principaux efforts à fournir est d’entretenir avec tout l’enthousiasme et l’énergie possibles la vitalité de l’enseignement et des recherches dans le cadre de nos Hautes Ecoles. Devant les possibilités matérielles toujours plus grandes, devant l’avantage d’un équipement scientifique de plus en plus perfectionné dont disposent les universités américaines, la tâche de nos savants est souvent dure, ingrate et décourageante.

Notre Société, dans son modeste domaine et avec ses moyens malheureusement trop limités, apporte tout de même, par son aide financière, un appui matériel appréciable. Nous aimerions pouvoir faire beaucoup plus. Nous sommes trop souvent obligés de refuser un subside ou de n’accorder qu’une aide partielle. Les cotisations de notre Société sont très modestes et nous voulons les maintenir telles pour rallier à notre œuvre tous les amis de l’Université.

Mais nous demandons à ceux qui le peuvent, de faire plus. C’est réjouissant de constater que, grâce à des générosités toutes récentes, nous avons été, depuis quelques années, en mesure d’accorder de nouveaux subsides qui ont été extrêmement précieux aux bénéficiaires, je crois pouvoir l’affirmer. Je pense particulièrement au Fonds Paul Moriaud, au fonds pour les Etudes classiques et  orientales et au Fonds Théodore Turrettini.

Mesdames, Messieurs, notre Société, pour mener son œuvre à bien, ne peut se contenter du revenu des cotisations ; elle a besoin de dons et de legs extraordinaires. Par son effort d’impartialité, par l’étude minutieuse de chaque demande, votre Comité a la conviction d’utiliser au plus près de sa conscience, les fonds qui lui sont confiés.

Avant de retracer en détail l’activité de notre Société pendant son 63e exercice, j’ai le triste devoir de rappeler devant vous la mémoire de nos membres décédés depuis la dernière, Assemblée Ce sont : MM. Charles Génecand, pasteur, Dr Charles Morin, Paul-A. Dupont, Edouard Vidoudez, Fernand Chenevière, Colonel, Dr Georges Manni, Alfred Odier, Colonel, Denis Mesritz, Dr Charles Soutter, Albert Meyer, Dr Emile Roch, Antoine-Ami Bron-Stalet, Albert Mottu, Robert de Traz, Dr Charlie Saloz, Fernand Turrettini, Professeur Ernest Comte, Jean Romieux et Mme Charles Lenoir.

La mort si brutale et si prématurée de Fernand Turrettini a laissé un grand vide dans les milieux intellectuels de notre ville. Je n’ai pas à faire ici l’éloge de ce vrai chef d’industrie, dont le génie inventif donna un immense essor à l’entreprise qu’il dirigeait. D’autre l’ont fait ailleurs mieux que je ne saurais le faire moi-même. Je tiens cependant à dire que la Société Académique lui a été particulièrement reconnaissante de lui avoir confié la gestion du Fonds qui fut créé en mémoire de son père Théodore Turrettini et qui doit récompenser des travaux originaux concernant des applications de la science au génie civil et à l’art de l’ingénieur.

J’en arrive à l’activité même de notre Société. Notre Fonds Ordinaire nous a permis de répondre favorablement aux demandes suivantes :

A la Faculté des Sciences, le professeur Kurt Hans Meyer a pu faire l’acquisition d’un appareil permettant le prélèvement automatique de fractions en cours de chromatographie.

Le Fonds de Minéralogie, provenant d’un don de M. Amstutz qui avait été incorporé au Fonds Ordinaire, a permis au professeur Gysin l’acquisition d’une balance de précision.

Nous avons promis une aide substantielle au professeur Cortesi pour l’achat d’un atomiseur, le solde nécessaire devant être fourni par une entreprise privée.

A la Faculté de Médecine, les professeurs Bujard, Frommel, Wyss, Favarger et Baumann ont reçu de nous la somme nécessaire à I’achat d’appareils pour la prise et la projection de microfilms. Cet équipement sera utilisé en commun par les divers services de l’Ecole de médecine. Notre Comité a eu la semaine dernière le privilège de visiter cette installation sous l’aimable conduite de  M. le professeur Baumann. Nous avons non seulement été vivement intéressés mais émerveillé par l’impeccable et ingénieuse utilisation de nos crédits relativement modestes. Nous remercions le professeur Baumann de son accueil et le félicitons tout particulièrement de cette belle réalisation.

Le professeur de Morsier nous a demandé un microtome destiné à la préparation de coupes microscopiques. Cet appareil complétera l’équipement de microscopie que nous avons déjà donné au professeur de Morsier au cours de ces dernières années.

Nous avons accordé une subvention aux professeurs Morel et Rutishauser pour des recherches concernant la pathologie morphologique de l’hypothalamus de l’homme.

Au Doyen de la Faculté de Droit, professeur Liebeskind, nous avons à nouveau accordé une allocation pour couvrir des frais de reliure.

Pour la Faculté des Lettres, nous avons versé le solde de notre subvention répartie sur trois années, pour l’enseignement de la musicologie, et avons accordé un crédit à M. François Lesserre pour faire microfilmer deux manuscrits de Strabon.

La gérance des divers Fonds que nous administrons appelle les remarques suivantes : Un prélèvement sur le Fonds Gillet nous a de nouveau permis de subventionner la Faculté autonome de Théologie pour l’enseignement de l’histoire des religions.

Cette année, le Prix Gillet n’a été attribué qu’aux sections classique et scientifique. Les lauréats ont été MM. Paul Scheurer et Max Waldburger. Le prix n’a pas été décerné en sections latine et moderne, les résultats étant insuffisants.

Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique et universitaire a permis l’achat : d’un lot de papyrus acquis au Caire par le professeur Victor Martin ; d’un premier volume d’une série d’ouvrage, sur les filigranes par Heawood ; et de l’«Histoire d’un voyage fait en terres du Brésil » par Jean de Lévy, édité à Genève en 1580.

Le Fonds Paul Moriaud s’avère de plus en plus utile pour assister financièrement des savants dans la publication de leurs travaux. Notre Société recevait, en effet, souvent des demandes de ce genre et ne pouvait y répondre favorablement, en raison même de nos statuts, Le Fonds Paul Moriaud comble partiellement cette lacune. Nous avons, grâce à lui pu aider cette aunée M. François Ruchon pour son « Histoire politique de Genève, de la Restauration à la suppression du budget des cultes », et M. John Bufford pour l’exécution de clichés destinés à une étude géologique du Tessin. Je signale en passant que, selon décision dc la Commission, les demandes de subsides devront, à l’avenir, être adressées avant le 15 juin au lieu du 15 juillet, ceci pour permettre aux bénéficiaires de ne pas attendre l’automne pour pouvoir profiter des sommes qui leur sont allouées.

Le Fonds pour les Etudes classiques et orientales, s’est enrichi d’un généreux don qu’a fait Mme Marguerite van Berchem en mémoire de son père Max van Berchem. Nous avons attribué cette année une bourse à M. Sollberger pour l’achèvement de sa thèse sur le « Système verbal du Sumérien archaïque. Ce travail nécessitait des séjours à Heidelberg et à Constantinople. Cette bourse a été complétée par une subvention des Autorités municipales.

A pareille époque l’année dernière, le plus grand optimisme régnait quant à l’achèvement de la construction du nouvel Institut de Physique. L’inauguration était prévue pour le début du semestre d’hiver 1951. Hélas, il n’en fut rien. Malgré les

inlassables efforts de la Commission de construction présidée avec tant d’autorité par notre collègue M. le professeur Pfaeffli, les retards dus à la pénurie de main-d’œuvre, au défaut de livraison de matériaux dans les délais prévus, ont considérablement retardé les travaux. Ce n’est guère qu’au printemps 1952 que le professeur Extermann pourra prendre possession de ses nouveaux locaux. Le Fonds 1944 pour l’Institut de Physique et l’Université n’a été mis à contribution que pour les achats décidés pendant l’exercice précédent. C’est au cours des mois à venir que M. Marc d’Espine, délégué de notre Comité, étudiera avec le professeur Extermann l’utilisation du solde disponible pour l’équipement scientifique de l’Institut, dans le sens des vœux exprimés par les donateurs.

La Commission du Fonds Théodore Turrettini a proposé de ne décerner le Prix que tous les quatre ans pour permettre de récompenser le lauréat par une somme plus importante. Cette solution a été adoptée. Le terme du prochain concours est donc fixé à juin 1953.

Le professeur Victor Martin a utilisé une partie du Fonds qui est à sa disposition, afin de participer aux fouilles de Kasr-Karoum en Egypte.

La convention concernant le jardin de La Linneea, dont notre président nous a entretenus dans son rapport à la dernière Assemblée générale, donne entière satisfaction. Le professeur Chodat a régulièrement utilisé le chalet avec ses étudiants pendant le printemps et l’été dernier. M. Bernard Naef, président de la Commission, étudie actuellement l’acquisition d’un mobilier définitif, car nous ne pouvons compter indéfiniment sur les lits prêtés par la ville de Genève.

Le Fonds Gustave Moynier a maintenu son allocation pour l’abonnement de périodiques.

Le Fonds Auxiliaire des Archives a permis l’attribution d’un subside pour des travaux de classement.

Le professeur Paul-Edmond Martin, en tant que président de la Société Suisse des Sciences Morales, nous a demandé de participer à la souscription en faveur du Fonds National de la Recherche. Nous avons tenu à ce que l’Université de Genève paraisse eu bonne place parmi les souscripteurs et avons, en conséquence, complété à Fr. 5000,- le modeste versement des Facultés des Sciences Morales. Cette somme a été prélevée sur le Fonds pour I’Université.

Nous nous sommes associés aux hommages rendu au professeur Pittard, à l’occasion du cinquantième anniversaire du, Musée d’Ethnographie et, en nous

inscrivant comme membre à vie de la Société Auxiliaire de ce Musée, nous avons voulu marquer tout notre intérêt à la magnifique réalisation de cet éminent savant.

Nous nous sommes également joints à un groupe d’amis et d’admirateurs du professeur Eugène Choisy, promoteur et ancien président d’honneur de notre Société. Ce groupe désire acquérir le buste qu’avait sculpté M. Jules Trembley et qui devra trouver une place d’honneur dans l’Université, afin de perpétuer la mémoire de cet admirable serviteur de l’Eglise et de I’Université.

Je m’excuse d’avoir abusé de votre patience par cette longue énumération.

Vous constaterez que notre aide matérielle est sollicitée par les secteurs les plus divers de la vie universitaire. Nous cherchons à ne pas limiter notre activité à la distribution de ces prix, de ces subsides et de ces allocations. Nous entretenons les rapports les plus étroits avec le Département de l’Instruction Publique et celui des Travaux Publics et nous tenons à remercier tout spécialement MM. les Conseillers d’Etat Picot et Casaï de l’accueil qu’ils ont toujours réservé à nos démarches. Nous cherchons, en effet, à soutenir, dans la mesure de nos moyens, les demandes et les appels des autorités universitaires. Le Grand Conseil nouvellement élu se mettra incessamment à l’étude du plan d’urgence des grands travaux. Deux importantes questions sont de brûlante actualité.

Nous avons été alertés par le professeur Grasset sur les conditions régnant actuellement à I’Institut d’Hygiène. En 1946 déjà, on promettait d’entreprend sans délai la construction d’un nouveau bâtiment en 1948 Ie Grand Conseil votait un crédit de Fr. 3.000.000,-. On pouvait donc espérer une mise en chantier très rapide. Ce ne fut pas le cas. Le professeur Grasset nous a convaincus que l’emplacement dont il dispose est devenu tout à fait insuffisant pour les fonctions toujours plus importantes qui lui sont confiées. L’utilisation de certains laboratoires à des emplois trop divers présente même de réels dangers pour la santé publique.

La seconde question est la construction du nouveau Musée d’Histoire Naturelle sur les terrains situés entre Malagnou et Villereuse et qui sont déjà la propriété de la ville. Elle permettrait tout d’abord d’exposer dignement les admirables collections que possède notre Museum, En effet, de nombreuses richesses sont actuellement inaccessibles aux visiteurs et aux chercheurs car, faute de place, elles ne peuvent être sorties de leurs emballages. Nous avons été saisis par le cri d’alarme lancé par le Directeur M. Revillod, au cours d’une récente visite d’information. Le point qui nous intéresse tout particulièrement, en tant que Société Académique, est que l’évacuation du Musée actuel permettrait à l’Université de gagner d’importants locaux dont elle a le plus urgent besoin pour son développement normal.

Nous pensons qu’il est donc de notre devoir d’attacher toute notre attention à ces deux questions : l’Institut d’Hygiène et Musée d’Histoire Naturelle. Il ne peut s’agir, de notre part, que d’une aide morale.

Nous sommes pourtant décidés à faire toutes les démarches possibles qui  permettront d’activer l’étude et la mise en chantier de ces deux constructions. Elles dépendent évidemment de facteurs dont nous ne sommes pas les maîtres : politique, crédits disponibles, main-d’œuvre suffisante. Mais notre rôle consistera à faire valoir l’importance primordiale de ces constructions pour le développement de I’Université.

Nous avons à procéder à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité.

Je rappelle auparavant que le professeur Collart a, pendant trois ans, avec un admirable doigté et un dévouement total, présidé à la destinée de la Société. Qu’il reçoive ici les chaleureux remerciement de ses collègues du Comité et de tous les membres de notre Société.

M. le professeur de Ziegler, membre du Comité depuis 1919 et président de 1934 à 1937, a, pendant ces 32 années, enrichi la Société Académique de sa brillante personnalité. II préfère ne pas accepter une réélection. Ses multiples charges, en partie au décanat de la Faculté des Lettres, ne lui permettent plus de suivre régulièrement nos travaux. Nous lui exprimons notre vive reconnaissance de ce qu’il a fait pour le développement de notre Société et nos regrets de ne plus le voir siéger parmi nous, mais nous comptons bien qu’il continuera à nous prodiguer ses précieux conseils.

Pour remplacer le professeur de Ziegler, nous soumettons à vos suffrages la candidature M. Olivier Reverdin. Je crois bien inutile de le présenter. Chacun d’entre vous a déjà apprécié ses excellentes qualités de journaliste et d’historien. Nous serions heureux de nous attacher sa collaboration.

Nous vous demandons donc d’accorder à nouveau votre confiance et vos suffrages à MM. Alphonse Bernoud, Marc Borgeaud, Robert Choisy, Jacques Gautier, Gustave Hentsch et François Pfaeffli, membres sortant du Comité, et à M. Olivier Reverdin. Comme contrôleurs des comptes, nous vous proposons de réélire : MM. Walter Haccius, Max Rappard et Albert Turrettini.

Pour terminer, je tiens à exprimer à M. le Recteur Bujard, à MM. Ies Doyens des Facultés et Secrétaire Hermann Blanc, nos remerciements pour la confiance qu’ils nous témoignent en toute occasion.

Nous sommes persuadés que c’est en maintenant les contacts les plus étroits avec vous, Messieurs, que nous pourrons œuvrer le mieux pour la grandeur de note Alma Mater.