Rapport annuel de la présidence 1952-1953

Georges Perreard, président
7 décembre 1971

 

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,

 

Après l’inévitable lecture des rapports administratifs, vous aurez le plaisir d’entendre le professeur Paul Collart vous parler des monuments historiques de Syrie. Nous sommes particulièrement heureux que ce soit un membre même de notre Comité que nous puissions vous présenter comme conférencier ce soir. Nous remercions vivement le professeur Collart de nous avoir réservé la primeur des récits des quelques mois qu’il a passés cet été au Moyen-Orient. Il y a été appelé par l’UNESCO à diriger une commission d’experts, chargée d’étudier la mise en valeur des extraordinaires richesses archéologiques dc la Syrie et du Liban. Il joint à ses grandes connaissances une splendide vitalité et un infatigable dynamisme. Nul mieux que lui donc ne pouvait remplir cette mission. Nous sommes fort impatients dc l’entendre.

Mais auparavant, il est tout de même un devoir traditionnel pour votre Président : celui de vous rendre compte des activités de votre Comité au  cours de l’exercice écoulé. La lecture des rapports est fastidieuse, mais ne me paraît cependant pas sans une certaine utilité. J’ai été surpris bien souvent d’entendre de la bouche d’un membre de la Société Académique cette question étonnante : « Au fond, quels sont les buts, quelle est l’activité de la Société Académique ? »

Est-ce une faiblesse pour une société telle que la nôtre, le fait que son activité soit si peu connue du public ? Certes, je 1e crois. Une action plus apparente nous permettrait un recrutement plus important et par là même, augmenterait nos moyens d’action.

Notre sœur, la Société Académique Vaudoise organise chaque année une série de conférences, qui sont très suivies du public lausannois. Il semble cependant qu’à Genève, les conférences d’intérêt scientifique, littéraire ou artistique sont déjà très nombreuses, Nous ne pensons donc pas que nous rencontrerions un grand succès en suivant cet exemple. Des réunions entre membres de notre Société où se discuteraient les problèmes qui nous intéressent, sont-elles désirables ? Ne seraient-ce pas ceux qui connaissent nos buts, qui participent déjà à notre action, qui seuls en seraient les habitués ?

Vous avez été très nombreux à participer aux visites du nouvel Institut de physique que le professeur Extermann avait eu l’amabilité d’organiser à notre intention. Pour beaucoup d’entre nous, l’importance et la perfection des installations ont été une véritable révélation et ce n’est pas sans une joie juvénile que nous avons assisté à la magie d’une leçon de physique. Ce dont certainement des occasions semblables qui peuvent établir le contact le plus direct entre l’Université et ceux qui la soutiennent moralement et matériellement. Nous sommes convaincus que l’indifférence à l’égard de notre Université que l’on rencontre hélas trop souvent, provient de ce que l’on est en général si mal renseigné à son sujet. Nous devons aider à la faire mieux connaître.

Nous avons maintenant à rendre hommage à ceux de nos membres qui sont décédés depuis notre dernière Assemblée.

Le 17 février, nous avons eu le chagrin de perdre le Docteur Henri Audeoud. II fut un membre fondateur de notre Société en 1889 et fit partie du Comité depuis 1902. Il le présida à quatre reprises en 1904/05, 1019/11, 1916/17, 1921/22. Le titre de membre d’honneur lui a été décerné en 1948 en remerciement des multiples et éminents services qu’il a rendus à notre Société. Le 4 février, il assistait encore à une séance du Comité et demandait à être déchargé de ses fonctions de Président de la Commission du Fonds Gillet qu’il remplissait depuis tant d’années, Combien de collégiens sortant premiers de leur volée ont reçu de ses mains la fameuse médaille !

Tous ceux qui l’ont connu, se souviendront toujours avec émotion de cette personnalité bien genevoise, de cet excellent citoyen, qui plaçait l’honneur et la grandeur de sa cité avant tout autre chose. Nous exprimons encore une fois à ses fils et à sa fille nos sincères regrets et notre profonde sympathie.

Nous avons également perdu cette année deux membres bienfaiteurs : MM. Marc Birkigt et Alfred Baur. On ne faisait jamais appel en vain à leur générosité. Nous énumérons ici ceux de nos membres disparus au courant de l’année Ce sont : MM. le Dr Pierre Bolle, le Dr Zarch Chéridjian, Lucien Cramer, Claude Du Pasquier, Léon Duret, le Dr Jean Fauconnet, Frédéric Firmenich, Ami Gandillon, Aloys Hentsch, Bruno Leuzinger, Arnold Naville, Ed. Weibel de Manoel, le Dr R. Welti, Jean-Ernest Wenger, Louis Zbinden, Mmes Charles Cailler, Francis Reverdin.

Nous leur garderons notre reconnaissance de l’intérêt qu’ils ont manifesté à notre Société et nous exprimons à leurs familles nos vives condoléances et notre sincère sympathie.

Votre Comité s’est réuni régulièrement dans la petite salle qui lui est réservée dans le bâtiment de la Bibliothèque publique et universitaire. Les demandes qui nous ont été adressées furent moins nombreuses et moins importantes que les années précédentes, ce qui a permis de répondre favorablement à Ia plupart d’entre elles.

Dans un précédent rapport, nous exposions la nécessité d’une collaboration entre le Fonds national de la recherche et les fondations privées telles que la nôtre. Nous n’avons pas encore pu établir les contacts nécessaires. Il semble que les savants genevois ne sont pas très favorisés. Nous savons cependant que quelques laboratoires bénéficient de sommes importantes. Il est indispensable que Genève ne se laisse pas oublier dans la distribution de la manne fédérale.

Durant ce 65e exercice, notre Fonds ordinaire nous a permis d’accorder les subventions suivantes :

A la Faculté de médecine, au Dr Pierre Duchosal, pour l’achat d’un cabinet à clichés diapositifs qui permet à la fois le classement et la projection, une somme de frs. 1823,45 ;

aux professeurs Bujard, Baumann et Posternak, une somme de Frs. 25oo, pour un épidiascope destiné à l’aula de l’Ecole de médecine.

A la Faculté des sciences, au professeur Cherbuliez, une somme de Fr. 800,- pour un compteur Sodeco, accessoire d’un récepteur de fractions chromatographiques ;

au professeur Faverger, la somme de Fr. 1821,- pour un « Windowless flow counter », appareil de mesures d’émanations radioactives.

Au Doyen de la Faculté de droit, professeur Liebeskind, à nouveau Fr. 1500, – pour des travaux de reliure.

A la Faculté des lettres, au professeur Bouffard, Fr. 3000,- pour l’achat de clichés diapositifs. Ces clichés, utilisés pour l’enseignement, seront classés à la Bibliothèque d’art et d’archéologie de la Promenade du Pin, mais resteront Ia propriété de la Faculté ;

au professeur André Burger, Fr. 1500,- pour l’achat d’ouvrages de philologie romane ;

au professeur Stelling-Michaud, directeur de l’Ecole d’interprètes, une somme de Fr. 1000,- pour des dictionnaires techniques. Ces ouvrages seront classés dans un local annexe de la nouvelle salle  d’interprétation simultanée.

A la Faculté de théologie, au professeur Edmond Martin, président du Conseil de Fondation, une somme de Fr. 15oo, – pour des travaux de reliure.

A ce propos, on peut s’étonner que nous attribuions tant d’allocations pour des frais de reliure, alors que les Facultés devraient pouvoir les englober dans leur budget courant. Nous avons pu nous convaincre que les crédits attribués à cet effet, étaient insuffisants pour les temps actuels où le nombre des publications et des périodiques a tant augmenté. Nous estimons que les Facultés des sciences morales trouvent ainsi leur part dans la répartition des Fonds dont nous disposons, les autres Facultés requérant principalement notre aide pour des achats d’appareils et d’instruments de laboratoire.

En dehors de ces subsides directs aux facultés le Fonds ordinaire a encore été utilisé pour les versements suivants : une somme de Fr. 279,- pour parfaire l’allocation annuelle du Fonds de LA LINNAEA, et une somme de Fr. 538,- à la Bibliothèque publique et universitaire, pour remédier à l’insuffisance du Fonds Moynier.

La gérance des divers Fonds que nous administrons appelle les remarques suivantes :
Le Fonds Gillet ordinaire a de nouveau versé une allocation de Fr. 3500,- à la Faculté au théologie protestante pour l’enseignement de l’histoire des religions. Devant la situation financière difficile de cette Faculté, nous avons accepté de verser en outre un subside supplémentaire exceptionnel de Fr. 1000,-.

Le Fonds Gillet voyages est dans une situation favorable, ce qui a permis de rétablir à Fr. 1000.- les bourses de voyage qui récompensent les élèves ayant obtenu la première place aux examens de maturité. Cette somme ne nous a pas paru exagérée en raison des dépenses qu’entraîne aujourd’hui tout déplacement et nous avons estimé que cette augmentation permettrait aux bénéficiaires d’entreprendre une randonnée plus instructive et en accord avec les vœux de la testatrice. A titre d’information, nous vous indiquons que les bourses s’élevaient en 1950 à Fr. 6oo,-, en 1951 et 1952 à Fr.7oo,-, mais qu’à l’origine, le testament ne prévoyait que deux prix attribués à deux des sections du Collège.

Les lauréats en 1953 ont été : MM. Roger Guggisberg pour la section classique, Jean-Claude Frachebourg pour la section latine, Alexandre Sussmann pour la section scientifique.

Nous remercions M. André Fatio d’avoir accepté de reprendre la succession du regretté Dr Audeoud à la présidence des Fonds Gillet.

Le Fonds Paul Moriaud n’a pas eu à intervenir au cours de l’exercice, aucun subside ne lui ayant été demandé. Nous pensons que ce n’est Ià qu’une exception. M. le recteur Antony Babel, relevait pourtant dans son allocution de l’ouverture des cours que l’on constatait actuellement un regrettable manque d’intérêt à l’égard des bourses et des concours.

Les conditions très larges de ce Fonds devraient cependant tenter bien des chercheurs.

Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique et universitaire a fait des achats pour une somme de Fr. 1195,-, parmi lesquels nous signalons : un ouvrage sur les fouilles récentes exécutées sous l’autel de la Confession de St-Pierre, au Vatican, une édition originale parisienne de l’Emile de Rousseau de 1762 et une édition fac-similé du manuscrit du IVe siècle de l’Iliade se trouvant à la Bibliothèque Ambrosienne à Milan.

L’état de santé de notre collègue, M. Frédéric Gardy, ne lui permet plus d’assumer la présidence des commissions du Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique et universitaire et du Fonds Moynier qu’il a longtemps dirigées avec tant de compétence.

Nous lui exprimons notre vive reconnaissance pour tout le travail accompli et nous lui adressons nos pensées très amicales. C’est la première fois depuis longtemps qu’il n’assiste pas à notre Assemblée Marc-Auguste Borgeaud lui succède à la présidence desdites commissions.

Le Fonds auxiliaire des Archives a versé un subside de Fr. 500.- pour rétribuer un travail de dépouillement qui ne pouvait être effectué par le personnel régulier.

Le Fonds 1944 pour l’Institut de physique et l’Université a donné la grosse somme de Fr. 95.400.- pour  l’achat d’un microscope électronique. Il semble plus opportun de ne pas engager pour le moment le solde disponible encore important de ce Fonds, avant que le corps enseignant de cet Institut n’ait été complété. Nous espérons qu’une décision sera prochainement prise à ce sujet, car la charge actuelle du professeur Extermann est au-dessus des forces humaines. Et il est indispensable que toutes les possibilités de ce magnifique Institut soient exploitées au maximum.

J’ouvre ici une parenthèse. Votre Comité a estimé de son devoir d’adopter une attitude catégorique en juin dernier à l’occasion de l’initiative concernant la construction du Laboratoire européen de recherches nucléaires. En accord avec les autorités universitaires, nous estimons que ce laboratoire européen ne peut que contribuer au développement scientifique et intellectuel de Genève. Cet argument l’emporte sur certaines craintes exprimées, qui ont pu être considérablement apaisées par les garanties données.

Comme vous le savez, une convention répartit les charges d’entretien de la station alpine de LA LINNAEA en parts égales entre l’Etat, la Faculté des sciences et la Société Académique. Le professeur Chodat se rend régulièrement à Bourg-St-Pierre avec des groupes d’assistants et d’étudiants. Les facilités offertes par le jardin, le laboratoire et le chalet, permettent à chacun de tirer le meilleur profit de ces séjours scientifiques dans les Alpes.

Notre Société a reçu un don anonyme de Fr. 5000, que nous avons placé dans nos dossiers sous l’appellation Fonds spécial 1953. Nous avons décidé en principe d’utiliser cette somme pour une allocation unique d’intérêt général. Ceci semble répondre le mieux aux intentions du donateur auquel nous exprimons notre vive gratitude.

Il n’y a rien à signaler sur Ia gestion des autres Fonds dont nous disposons.

Nous avons à procéder à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité.

M. le professeur Pfaeffli, pour raisons de santé, renonce à un nouveau mandat. Après de vaines démarches, nous avons accepté cette décision irrévocable. Membre de notre Comité depuis 1919, il l’a présidé de 1929 à 1931 et en 1938. C’est en grande partie à son action personnelle que la collecte, organisée en 1931 sous les auspices de la Société Académique en faveur de l’Université, a rapporté près de Fr. 750.000, -. En 1938, il a brillamment organisé la célébration du cinquantenaire de notre Société, qui est encore dans la mémoire de chacun.

J’ai eu l’occasion, dans le rapport du Comité sur l’exercice 1952, de relater le rôle primordial que le professeur Pfaeffli a joué pour la mise en chantier du nouvel Institut de physique dont il a présidé avec autorité la Commission de construction durant toute son activité. Afin de lui manifester la reconnaissance de notre Société pour les services particulièrement éminents qu’il lui a rendus, le Comité a décidé de lui décerner la Présidence d’honneur.

Nous lui adressons nos vives félicitations et nous formons les meilleurs vœux pour sa santé ; nous souhaitons qu’elle lui permette d’assister souvent aux séances de notre Comité et de continuer à lui prodiguer ses précieux conseils.

Les membres du Comité dont le mandat arrive à expiration et qui acceptent une réélection sont : Alphonse Bernoud, Marc Borgeaud, Robert Choisy, Jean-Jacques Gautier, Gustave Hentsch, Philibert Lacroix, Olivier Reverdin. En remplacement du professeur Pfaeffli, nous vous proposons la candidature de M. Jean Dutoit dont personne d’entre vous n’ignore les brillantes qualités de juriste. MM. Max Rappard, Albert Turrettini, Raoul Lenz, acceptent leur réélection comme contrôleurs des comptes. Nous les remercions de la peine qu’ils prennent à l’exercice de leur fonction et nous ne doutons pas que vous leur renouvelez votre confiance.

Il y a trois ans, votre Comité m’a fait l’honneur de me nommer à sa présidence. C’est une charge que j’ai remplie avec un intérêt grandissant. Je considère comme un très grand privilège celui d’avoir été mêlé de plus près à de multiples problèmes concernant l’Université. Je remercie en tout premier lieu mes collègues du Comité dont j’ai infiniment apprécié l’amicale collaboration. Leur aide précieuse m’a rendu la tâche aisée. Mes remerciements s’adressent tout particulièrement à notre vice-président M. Marc Borgeaud, à notre trésorier, M. J.-J. Gautier et à notre secrétaire, M. Philibert Lacroix.

J’ai eu de nombreux contacts avec MM. les recteurs Eugène Bujard et Antony Babel. Leur accueil a été en toute occasion extrêmement cordial et compréhensif. Ils l’ont accordé à mes prédécesseurs et ils l’accorderont, j’en suis sûr, aux futurs présidents de notre Société. Je leur exprime ma sincère gratitude.

Je m’excuse auprès de M. Hermann Blanc, l’infatigable secrétaire de l’Université, de tous les dérangements que je lui ai occasionnés. Son aide m’a été précieuse et je l’en remercie.

« Last but not least », MM. les conseillers d’Etat Albert Picot et Louis Casaï m’ont reçu avec la plus grande amabilité, chaque fois que j’ai eu à les solliciter. Ils ont toujours examiné avec attention les problèmes que j’avais à leur soumettre. Ce fut chaque fois pour moi l’occasion de constater le prestige dont jouit votre Société auprès du Gouvernement cantonal.

Notre Université vit une époque d’intense développement. Elle est probablement l’école la plus cosmopolite du monde, N’est- elle pas le reflet de l renommée intellectuelle et internationale de Genève ?

Elle y a certainement grandement participé. Mais toute gloire exige des sacrifices c’est une lourde charge pour une ville de 150’000 habitants d’entretenir et de développer une Université qui compte plus de 2000 étudiants. Tous ceux d’entre vous qui ont eu le loisir de visiter les nouveaux locaux universitaires, ont réalisé les considérables améliorations qui ont été accomplies. C’est aux efforts constants des autorités universitaires, aux recteurs et aux doyens, à tous les professeurs, que nous devons cette magnifique réalisation. Il est curieux de constater que, malgré son développement, l’Université absorbe une part du budget cantonal plus faible qu’il y a 50 ans. Il reste encore beaucoup à faire : Récupération de l’aile du Musée d’histoire naturelle, nouvel Institut d’hygiène, nouveau bâtiment pour le sciences naturelles, nouvelle Ecole de Chimie, tous nécessaires et même indispensables à plus ou moins brève échéance pour maintenir notre Alma mater à la hauteur de ses tâches modernes. Le récent rejet des grands travaux illustre la différence de conception entre le gouvernement et le peuple sur les moyens de financement et sur l’ordre d’urgence. Il n’a pas de réelle opposition à la réalisation des travaux eux-mêmes. La plus belle tâche pour la Société Académique est d’aider l’Université, en dehors de toutes politique, à obtenir les transformations et les agrandissements qui lui sont indispensables. C’est à cette mission que votre Comité ‘attache avec le plus grand enthousiasme.

Roger FIRMENICH, président

8 décembre 1953