Rapport annuel de la présidence 1953-1954

Marc-Auguste BORGEAUD, président
15 novembre 1954

 

Mesdames, Messieurs,

 

En ouvrant la 66e assemblée de la Société Académique, je suis heureux de dire à M. Jacques de Beaumont, professeur à l’Université de Lausanne, combien nous lui sommes reconnaissants d’avoir bien voulu nous réserver cette soirée pour venir nous parler d’un sujet passionnant, la vie des insectes en société. Depuis longtemps, il s’y intéresse. N’a-t-il pas, il y a déjà 20 ans, consacré sa leçon inaugurale à « L’instinct et l’intelligence chez les insectes » ? Nul n’était plus qualifié pour nous exposer les récentes découvertes de la science dans un domaine où, il y a plus d’un siècle, sous la plume des Huber, Genève a inscrit son nom. Je remercie très vivement le Président de la Société helvétique des sciences naturelles d’avoir si aimablement répondu à notre invitation malgré ses absorbantes occupations et d’être ainsi notre hôte de ce soir.

Avant de lui donner la parole, vous me permettrez de vous rendre compte, suivant l’usage, de l’activité de notre Comité au cours de l’exercice écoulé. Je le ferai brièvement pour ne pas nous priver trop longtemps du plaisir d’entendre le professeur de Beaumont, mais j’espère toutefois vous faire réaliser tout l’intérêt de l’œuvre à laquelle nous travaillons, grâce à votre généreux appui.

Mais auparavant, nous devons rappeler la mémoire de nos membres décédés depuis notre dernière assemblée. Notre Société a eu le chagrin de perdre cette année 16 des siens, Ce sont MM. Walter Denzler, Martin Naef, John Jeanprêtre, Pierre Revillod, Francis Guyot, Dr Henri Chassot, Dr Francis Pache, Charles Lüthy, Prof. Henri agotala, Prof. Henri Fehr, Dr Max Winkler. Mmes Guillaume Pictet, Noëlle Roger, Charles Demierre, Alphonse Bernoud et Robert Chodat.

Martin Naef, membre bienfaiteur, avait été un des principaux souscripteurs de la grande collecte de 1930 pour l’Université. Nous rendons hommage à la mémoire de ces disparus et exprimons à leurs familles nos sentiments de vive sympathie.

Il y a dix ans, l’industrie genevoise, dans un bel élan, répondait à l’appel de la Société Académique et créait le Fonds 1944 pour l’Institut de physique destiné à acquérir des instruments qui viendraient prendre place dans le nouveau bâtiment de l’Institut.

Cette année, c’est la mémoire de deux grands chefs d’industrie que leurs familles viennent de rappeler en instituant des fonds importants qui seront gérés par notre Société. En janvier dernier, en effet, Mme Frédéric Firmenich lui faisait, en souvenir de son mari, un don de Fr 100.000,- destiné à la création d’un Fonds Frédéric Firmenich pour accorder des bourses d’études ou de recherches à l’Ecole de chimie. Les conditions de cette libéralité sont très larges, permettant même l’achat de matériel et d’instruments nécessaires. Ce n’est pas la première fois que la famille de notre ancien président marque tout l’intérêt qu’elle porte à l’Université. En faisant cette fois bénéficier plus particulièrement l’Ecole de chimie de sa générosité, elle associe plus étroitement encore le nom de Frédéric Firmenich au développement de la chimie à Genève.

Le 2 juillet dernier, les représentants du Conseil d’Etat, de la famille Birkigt, de l’Université et de la Société Académique signaient dans Ia salle du Conseil d’Etat, le règlement du Fonds Marc Birkigt, rédigé par M. Louis Birkigt. Conformément au désir exprimé par son père, M. Louis Birkigt a remis à l’Etat de Genève une somme de Fr. 500.000,- en vue de la constitution d’un Fonds géré par la Société Académique et destiné à fournir des prix à de jeunes savants et ingénieurs de valeur de la Faculté des sciences. Les conditions du règlement sont également très larges et des professeurs pourront aussi bénéficier de l’octroi de subside pour leurs recherches. Le nom du grand ingénieur que fut Marc Birkigt est aussi désormais inscrit au rang des bienfaiteurs de la Faculté des sciences.

Après le Recteur au Dies academicus, la Société Académique est heureuse d’exprimer publiquement aujourd’hui à Mme Frédéric Firmenich et à M. Louis Birkigt ses sentiments de profonde reconnaissance pour la marque de confiance qu’ils lui ont témoignée et l’appui qu’ils ont apporté à l’Université par leur geste généreux.

Bien qu’il nous soit parvenu après la date de clôture du présent exercice, je m’en voudrais de ne pas vous annoncer dès maintenant le beau don de Fr. 15.000,- que Mlles Emma, Mathilde, Bertha Burkhardt viennent de faire au Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique et universitaire en souvenir de leur père M. Robert Burkhardt, libraire. Cette somme servira à acquérir des ouvrages d’histoire et de littérature. Je présente à Mlles Burkhardt les vifs remerciements de notre Société, ainsi que ceux de la Bibliothèque qui va pouvoir enrichir dans une notable proportion les collections de sa section de sciences morales.

Vous connaissez maintenant, Mesdames, Messieurs les nouveaux moyens d’action qui ont été mis à disposition de notre Société pour mieux encore accomplir sa tâche: aider de tout son pouvoir au développement du haut enseignement. Il nous reste à vous exposer comment elle s’est acquittée de cette belle mission pendant l’année écoulée. La brève énumération de son action ne vous montrera qu’aucun des besoins si divers de l’Université ne lui est étranger.

A ce sujet, permettez-moi de vous rappeler que la Société Académique n’oublie pas la question du nouvel Institut d’Hygiène. Il est urgent d’en entreprendre la construction sur les terrains du Vieux-Champel. Comme par le passé, notre Comité se préoccupe de ce problème, car il en va du bon renom de Genève.

Au cours du 66e exercice, les revenus de notre Fonds ordinaire ont permis les allocations suivantes :

A la Faculté des sciences, aux professeurs Posternak et Cherbuliez pour l’achat d’un tour outilleur de précision au Laboratoire de chimie organique et pharmaceutique, une somme de Fr. 2.5oo,- ;

aux professeurs Gysin et Lombard, Fr. 1’000,- pour permettre au guide Lambert de rapporter de son expédition à l’Himalaya des échantillons de roches de la région du Cho-You destinés au Laboratoire de géologie;

au professeur Piaget, Fr. 891,-, solde d’allocation votée antérieurement en faveur de la bibliothèque Claparède, pour compléter des périodiques à la bibliothèque de l’Institut des sciences de l’éducation.

Avant de quitter la Faculté des sciences, mentionnons encore un prêt de Fr. 4.500, consenti au professeur Pons pour l’achat d’un spectrophotomètre Unicam à l’Institut de zoologie, prêt remboursable en deux annuités dont la première a déjà été versée.

A la Faculté de médecine, au professeur Montandon, une somme de Fr. 500.- pour réorganiser la bibliothèque de la Clinique d’oto-rhino-laryngologie en s’assurant le concours temporaire d’une bibliothécaire ;

aux professeurs de l’Ecole de médecine, Fr. 2.405,- pour participer à l’achat d’une machine à calculer Madas.

A la Faculté des sciences économiques et sociales, au professeur Folliet, une somme de Fr. 2230.- pour contribuer à l’acquisition d’une machine comptable, Ie solde des frais, soit Fr. 6.700,- ayant été assumé par la maison Charles Endrich S.A. qui a fourni l’appareil.

A la Faculté de droit, au doyen Liebeskind, Fr. 1.000.- pour permettre de faire relier les nouvelles acquisitions de la bibliothèque de la Faculté.

A l’Ecole d’interprètes au professeur Stelling-Michaud, une somme de Fr. 2.275,- pour enrichir la collection des dictionnaires tectrniques; un crédit de Fr. 1.000,- avait déjà été octroyé l’an passé dans ce but.

Vous vous rappelez que dans son dernier rapport, M. Firmenich vous annonçait un don anonyme de Fr. 5.000,-. Cette somme et ses intérêts ont été employés pour répondre à une demande du Recteur Babel. Il était indispensable d’équiper deux des nouvelles salles de cours d’appareils de projection modernes. Le solde de la dépense, soit Fr.425,- a été prélevé sur les revenus du Fonds Ernest Pronier, destiné à la Faculté des lettres.

Le Fonds ordinaire a en outre permis d’allouer à l’Université une somme de Fr. 1.000,- constituant notre participation à la bourse Gallatin qui a pour but de faciliter l’échange d’étudiants entre la Suisse et les Etats-Unis. Cette bourse est d’un montant annuel de Fr.3.500,- dont le solde est assuré par le Fonds général. Le Canton, de son côté, met à disposition deux autres bourses semblables. En contrepartie, les Etats-Unis fournissent 4 à 6 bourses de même valeur.

A côté du Fonds ordinaire, notre Société administre divers Fonds à destination spéciale. Nous mentionnerons ceux dont les revenus ont été mis à contribution durant l’exercice écoulé.

L’an passé, aucune demande ne nous était parvenue pour le Fonds Moriaud. Mon prédécesseur le regrettait ici-même. Cette année, nous avons été heureux de pouvoir décerner trois prix.

Nous avons alloué au professeur Charles Maystre un prix de Fr. 1.000,- pour lui permettre de profiter d’un séjour à Londres en travaillant au British Museum dans la section d’égyptologie et d’y compléter la documentation dont il a besoin pour illustrer son enseignement d’histoire et d’archéologie égyptiennes ;

au professeur Arnold Hoechel nous avons remis un prix de Fr. 2.000, pour mettre au point ses études sur la normalisation des symboles d’urbanisme, en vue du Congrès international de l’habitation et de l’urbanisme à Edimbourg ;

Enfin, nous avons pu donner un prix de Fr. 1.000,- au professeur André Burger pour entreprendre des recherches topographiques à Roncevaux, Tudela, Cortès et Saragosse et d’y prendre des relevés photographiques en vue de l’étude qu’il prépare sur la Chanson de Roland.

Le Fonds Gillet ordinaire à la requête du professeur P.-E. Martin, a alloué une somme de Fr. 3.500,- à la Faculté autonome de théologie comme contribution à l’enseignement de l’histoire des religions ;

en outre, à la demande des professeurs de Ziegler et Nagel, il a remis une subvention de Fr. 2.000,- au Centre d’études orientales, pour assurer ses besoins de trésorerie, ces prochaines années, et lui permettre de faire appel à des conférenciers étrangers.

Le Fonds Gillet Voyages a attribué, en juin dernier trois bourses de Fr. 1.000,- à chacun des lauréats suivants qui sont sortis premiers aux examens de maturité: en section classique, M. Pierre Foex, latine, M. Ramon Nyffeler, scientifique, M. Michel Pouchon.

Le Fonds auxiliaire de la BPU a acquis, avec une somme de Fr. 1.368,- les ouvrages suivants: les Zonghi’s Watermarks, le Traité préparatoire à l’Apologie d’Hérodote d’Henri Estienne, de 1566, un exemplaire très rare de cette œuvre célèbre, la Théorie du monde et des êtres organisés suivant les principes de Mesmer, par Bergasse, ouvrage entièrement gravé en 1784 et tiré à 100 exemplaires.

Les revenus du Fonds Gustave Moynier ont permis d’allouer une somme de Fr. 54o,- à la Bibliothèque pour des abonnements de périodiques.

Désireux de pouvoir apporter sa collaboration à l’Université pour commémorer le Jubilé de 1959, qui sera le 400e anniversaire de la fondation l’Académie de Calvin, notre Comité a décidé de créer le Fonds du Jubilé auquel il a attribué une somme de Fr. 6.000,- représentant le solde de deux exercices. Il espère pouvoir l’augmenter au cours des prochaines années.

Enfin, le Fonds Turrettini décernera cette année le prix Théodore Turrettini 1954. Le jury, composé de MM. Alphonse Bernoud, Richard Extermann et Jacques Turrettini, a proposé à l’unanimité à notre Comité de remettre ce prix de Fr. 1.000, à M. Raphaël Boolsky, ingénieur, pour son travail : « Optique instrumentale axiomatique ». Je félicite M. Boolsky de cette distinction et je le prie de bien vouloir venir en prendre possession.

Lors du Dies academicus, le recteur Babel vous a exposé les circonstances dans lesquelles s’est constituée la Fondation de la Cité universitaire. Nous n’y reviendrons pas, si ce n’est pour vous dire que la Société académique y a apporté sa collaboration, en souscrivant une part de Fr. 5.000,- au capital de fondation. Cette somme a été prélevée sur le Fonds pour l‘Université. Votre Comité s’est demandé si sa participation correspondait au but de la Société tel qu’il figure dans ses statuts. Il a répondu par l’affirmative. De nos jours, les « progrès du haut enseignement » et le « développement de l’université »

sont, plus intimément peut-être que dans le passé, liés aux préoccupations d’ordre social des étudiants. Il est incontestable que nous sommes en retard à Genève en face des réalisations de l’étranger. La Cité universitaire constitue maintenant une personne morale. L’Etat lui a réservé un terrain au Vieux-Champel, son capital de fondation au montant de Fr. 26.500,- a été souscrit, un appel va prochainement être lancé pour recueillir les fonds nécessaires aux constructions envisagées. La Société Académique a tenu à marquer tout l’intérêt qu’elle porte à cette œuvre d’entraide universitaire. Ses deux délégués au Conseil de fondation sont MM. Bernard Naef et André Fatio. M. Naef, en outre, vient d’être appelé à le présider. Nous le remercions d’avoir accepté cette lourde tâche ; c’est par un acte personnel qu’il a ainsi doublé notre geste symbolique.

Nous avons à procéder à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité dont le mandat arrive à expiration, et qui veulent bien accepter une réélection. Ce sont : MM. Louis Blondel, Paul Collart, Marc D’Espine, André Fatio, Roger Firmenich, Frédéric Gardy et Bernard Naef.

Raoul Lenz et Albert Turrettini acceptent d’être réélus comme contrôleurs des comptes. Nous les remercions de la peine qu’ils prennent à l’exercice de leur fonction et nous ne doutons pas que vous leur renouvellerez votre confiance. M. Max Rappard, notre troisième contrôleur des comptes, a demandé à être libéré de cette activité. Nous lui exprimons notre reconnaissance pour sa collaboration et son dévouement et nous vous proposons pour le remplacer d’élire M. Guillaume Bordier.

En terminant ce rapport, je voudrais dire à mes collègues du Comité combien leur collaboration m’a été précieuse. Je voudrais particulièrement exprimer à mon prédécesseur M. Roger Firmenich ma reconnaissance et celle de notre Société, pour la très belle activité qu’il a déployée à sa tête pendant 3 ans. Son dynamisme, son expérience des hommes, ses connaissances scientifiques, son esprit d’organisation ont donné une grande impulsion à la Société Académique qui lui doit beaucoup. Je voudrais également répéter à M. le professeur Babel, ancien Recteur, combien nous avons apprécié sa collaboration et remercier une fois de plus M. Hermann Blanc, secrétaire de l’Université, de toute l’aide qu’il nous apporte avec une inlassable complaisance. Enfin, ce m’est un plaisir particulier de saluer la personne du nouveau Recteur, M. le professeur de Ziegler, un ancien membre de notre Comité. Pendant longtemps, M. le Recteur, vous en avez fait partie et il y a juste 20 ans, vous accédiez à présidence de la Société Académique. C’est dire qu’elle n’a pas de secrets pour vous et je suis heureux de penser que vous saurez ainsi en utiliser toutes les ressources !

Lorsque fut créé, il y a quelques années, le Fonds général de l’Université, on aurait pu se demander si la Société Académique conservait encore sa raison d’être. Elle aurait pu songer à verser ses avoirs à nouvelle fondation, si elle n’avait représenté qu’une société de capitaux. Mais elle est autre chose. Elle n’a pas hésité à participer largement à la constitution du Fonds général, sachant bien qu’aucune concurrence ne pourrait s’établir entre deux institutions dont les buts financiers sont identiques. Elle est autre chose, parce qu’elle groupe tous ceux qui veulent apporter leur appui à notre Alma Mater.

Grâce à ses 8oo membres, elle représente une force morale dont l’utilité est encore plus grande peut-être que les revenus de ses capitaux, En confiant à la Société Académique la gestion des fonds qu’ils destinent à la recherche scientifique, les mécènes du passé et ceux d’aujourd’hui ont du même coup contribué à augmenter le pouvoir d’action de notre Société dans la vie intellectuelle de la Cité et l’appui moral qu’elle peut apporter à l’Université. Dans la forme ciselée qu’il se plaisait à donner à ses rapports présidentiels, M. de Ziegler ne disait-il pas déjà : «Cet appui moral est en proportion de notre aide effective et en découle tout naturellement ».

Consciente de ses responsabilités accrues par les apports magnifiques qu’elle vient de recevoir, la Société Académique ne manquera pas de le mettre toujours mieux au service de l’Université.