Rapport annuel de la présidence 1954-1955

Marc-Auguste Borgeaud, président
29 novembre 1955

 

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi en ouvrant la 67è assemblée de la Société Académique, de dire à M. le professeur Beaudouin, architecte en chef du Gouvernement français et directeur de notre Ecole d’architecture, combien nous lui sommes reconnaissants d’avoir bien voulu accepter, malgré ses multiples occupations et ses incessants voyages, de venir ce soir nous parler d’un sujet qui est à l’ordre du jour des  préoccupations de notre maison et qu’il a particulièrement étudié à Paris, à Ia résidence universitaire d’Antony-Sceaux. Strasbourg re vient-elle pas également de poser la première pierre de sa future cité universitaire qui coûtera 420 millions ?

Genève est en retard dans ce domaine et l’expérience de M. Beaudouin nous sera précieuse. Son geste très amical est un témoignage d’attachement à notre Société dont il est membre depuis de nombreuses années. Sous sa haute direction, l’Ecole d’architecture a pris un bel essor et puisqu’il m’est donné de le recevoir aujourd’hui, je voudrais lui exprimer, au nom de la Société Académique, nos sentiments d’admiration pour son activité et nos remerciements d’avoir bien voulu répondre à notre appel.

Avant d’avoir le plaisir de l’entendre, j’ai à vous rendre compte brièvement de l’activité de notre Société pendant l’année écoulée. Et puisque nous nous tournons vers ce récent passé, je dois, hélas, vous dire tout d’abord qu’elle a été le chagrin de perdre vingt et un de ses membres. Ce sont Mmes Albert Gampert, Edouard Claparède, Mlle Hélène Sautter, MM. Albert Lullin, Théodore Strasse, René Mozer, Adolphe Des Gouttes, Dr Alec Cramer, Alfred Vernet, Albert Roussy, professeur André Chaix, Emile Brunschwig, Paul Lachenal, Edmond Vernet, Dr Théodor Walter, Dr Henri Flournoy, Alexandre Moriaud, professeur Eugène Borel, professeur Liebmann Hersch, Edouard Chapuisat, professeur Georges Tiercy. M. Edouard Chapuisat était membre de notre Société depuis plus d’un demi-siècle. II avait fait partie de son Comité pendant de nombreuses années et l’avait présidé en 1912/13. Depuis lors et jusqu’à sa mort, il n’avait cessé d’apporter à la Commission du Fonds auxiliaire de la BPII les conseils de sa vaste érudition. Le mois dernier, la nouvelle du brusque décès du professeur Georges Tiercy jetait la consternation dans les milieux universitaires. Lors de la séance de rentrée, il y a quelques semaines, le Recteur a rappelé les mérites du défunt ct a dit l’immense perte que vient de faire notre Alma Mater. Nous ajouterons simplement que le professeur Tiercy fut un ami fidèle de la Société Académique comme membre de la Commission du Fonds Plantamour et de celle du Fonds Birkigt. Nous rendons hommage à la mémoire de ces disparus et exprimons à leurs familles nos sentiments de vive sympathie. C’est encore avec un profond regret que nous avons appris, Ia semaine dernière, le décès de M. Louis Casaï, ancien président du Conseil d’Etat. En maintes occasions, il avait fait preuve de beaucoup de compréhension envers la Société Académique, et avait toujours favorisé ses initiatives, en particulier lors de la construction de l’lnstitut dn physique.

L’an dernier, nous vous faisions part des préoccupations du Comité au sujet de l’Institut d’hygiène. Nous sommes heureux de vous en donner aujourd’hui de meilleures nouvelles. Dès son entrée en fonctions le Conseil d’Etat, conformément au désir de l’Université, a réservé au nouvel Institut un emplacement au Vieux-Champel, dans le cadre du Centre médical universitaire, ce qui permettra de regrouper dans le bâtiment actuel les instituts de la Faculté de sciences. Les études sur le programme de construction sont sur le point d’être achevées. Elles ont permis de constater qu’en raison du développement important des services universitaires et technique et de la création de nouveaux départements, le crédit de 3 millions voté par le Grand Conseil en 1948 était insuffisant. Le Conseil d’Etat se propose donc de demander au Grand Conseil, lors de la présentation du prochain programme de grands travaux, Ie crédit complémentaire indispensable.

Moins réjouissante reste la situation du Museum d’histoire naturelle. Un Recteur ne disait-il pas, non sans quelque amertume, mais avec beaucoup d’esprit : « Si l’on m’ouvrait le cœur, ou y trouverait gravé le mot Museum ? , L’Université a en effet un besoin urgent de pouvoir disposer du bâtiment actuel, on ne le répétera jamais assez. De nouvelles propositions ont été faites par l’Etat à la Ville mais tant qu’un accord ne sera pas intervenu sur l’échange des terrains de construction et sur le prix de rachat de l’immeuble, aucun progrès sérieux ne pourra être réalisé. Et pourtant la question ne date pas d’hier, puisque les pouvoirs publics discutaient des projets de la place Sturm en 1914 déjà, il y plus de quarante ans I Ne quittons pas les Bastions sans rappeler que le Conseil administratif, poursuivant les initiatives de la Société Académique, fait actuellement procéder à d’importants travaux d’agrandissement dans la Bibliothèque universitaire.

La voilà à l’abri de soucis pour loger ses collections pendant un quart de siècle.

L’heureuse décision intervenue en faveur de l’Institut d’hygiène a eu cependant une incidence défavorable sur les projets de la future cité universitaire.

En effet, le terrain qui lui avait été concédé au Vieux-Champel n’était ainsi plus disponible. Le Conseil d’Etat a alors proposé au Conseil de fondation que préside notre collègue, M. Bernard Naef, une parcelle à l’extrémité de l’avenue de Miremont.

De nouveaux plans sont actuellement à l’étude, mais l’action financière envisagée a été ainsi retardée et l’Aumônerie protestante a repris sa liberté pour Ia création de son propre foyer. Nous formons des vœux pour que, sous l’active direction du pasteur Gilliéron, le Centre protestant de la cité devienne une réalité de demain.

Vous savez, Mesdames et Messieurs, que notre Société est propriétaire de Ia station alpine de Ia Linnaea à Bourg-Saint-Pierre et contribue pour un tiers aux frais d’exploitation. Cet été, nous dit le professeur Chodat dans son rapport, dix étudiants de la Faculté des sciences ont participé à une excursion de quatre jours sous sa direction. Le chalet et les laboratoires en ont été le centre. En collaboration avec l’Institut de géobotanique Rübel de Zurich, le professeur Chodat a également reçu vingt botanistes d’Allemagne, d’Autriche, des Etats-Unis, de Suède et de Suisse qui firent, sous sa conduite, des excursions dans la région du Grand Saint Bernard et séjournèrent trois jours à la Linnaea. Favorisée par un temps splendide, cette réunion fut une pleine réussite et les savants étrangers voulurent bien adresser des compliments sur la valeur de notre station et sans doute – M. Chodat est trop modeste pour le mentionner – sur l’accueil qu’ils y reçurent.

Abordons maintenant l’aide que notre Société a apportée à l’Université au cours du 67e exercice. Les revenus du Fonds ordinaire ont permis les allocations suivantes :

A la Faculté des sciences, au professeur Wenger pour acquérir un potentiomètre Universal en faveur du Laboratoire de chimie minérale et analytique une somme de Fr. 3312,-; aux professeurs Gysin, Held et Baumann, Fr. 3400,- pour l’achat d’un microphotomètre de Lange, complément indispensable du défractographe à rayons X, qui servira aux Instituts de minéralogie, médecine dentaire et anatomie ;

A la Faculté de médecine, au professeur Frommel une somme de Fr. 2087,- pour lui permettre de procurer un autoclave à l’Institut de thérapeutique afin d’y exécuter des synthèses sous pression au professeur Pierre Gautier, Fr.1000.- pour couvrir les frais d’un film pris à la Clinique de pédiatrie montrant la technique de rééducation des enfants atteints de paralysie infantile et destiné à la formation des étudiants, des infirmières ainsi qu’à la présentation aux milieux intéressés ;

A la Faculté des lettres, au professeur Tappolet une somme de Fr. 2558,- afin de doter son enseignement d’un appareil enregistreur sur bande Revox Ela pour l’étude des phénomènes musicaux. Rappelons à ce propos que la Société Académique a contribué, il y a quelques années, à la création de cette nouvelle chaire ;

À la Faculté de droit, au doyen Yung, Fr. 1000.- en faveur des acquisitions nouvelles de la bibliothèque de cette Faculté ;

A l’Institut des sciences de l’éducation, aux professeurs Piaget et Dottrens, Fr. 1000,- également pour compléter les collections de périodiques de la bibliothèque.

Le Fonds ordinaire a en outre alloué à l’Université une somme de Fr. 1000,- pour participer à la Bourse Gallatin.

A côté du Fonds ordinaire, notre Société administre divers Fonds à destination spéciale. Nous mentionnerons ceux dont les revenus ont été mis à contribution durant l’exercice écoulé.

Le Fonds Moriaud a décerné un prix de Fr. 1000,- à M. François Lasserre pour lui permettre de compléter à Paros ses recherches épigraphiques en vue de l’édition des Fragments de l’œuvre d’Archiloque qu’il prépare.

A la demande du professeur P.-E. Martin, le Fonds Gillet ordinaire a pu accorder deux subventions de Fr.3500,- chacune à la Faculté autonome de théologie pour ses enseignements d’histoire des religions.

Le Fonds Gillet Voyages a attribué, en juin dernier, trois bourses de Fr. 1000,- à chacun des lauréats suivants qui sont sortis premiers aux examens de maturité: en section classique, M. Daniel Paunnier ; latine, M. John Gôhring ; scientifique, M. Gérard Emch.

Le Fonds auxiliaire de la B.P.U. a acquis, pour une somme de Fr. 2696,-, les ouvrages suivants : une édition des Œuvres complètes de Rousseau parue à Amsterdam chez Rey dont le tome 12 est en suppléments des œuvres de 1784, inconnu jusqu’ici ; une suite de lithographies en couleur, Costumes of Paris, de l’artiste genevois J.-J. Chalons, parue à Londres en 1822 ; Les Nuits d’hiver au bord du Rhône, un splendide recueil de gravures sur bois de Robert Hainard ; La Bibbia di Borso d.’Este, reproduction d’un des plus fameux manuscrits à peinture d’Italie.

En outre, grâce au don de Fr. 15.000,- de Mlles Burkhardt dont nous vous parlions l’an passé, 143 ouvrages d’histoire et de littérature ont été achetés pour la somme de Fr. 3303,-.

Enfin, les revenus du Fonds Moynier ont permis d’allouer une somme de Fr. 537,- à la B.P.U. pour des abonnements de périodiques.

Nous vous avons exposé la part que notre Société a prise à l’activité de l’Université et l’aide qu’elle lui a apportée. Elle n’aurait pu le faire sans l’intérêt bienveillant que nous ont toujours témoigné les autorités universitaires, en particulier M. le Recteur de Ziegler et M.  Blanc, secrétaire général, à qui j’exprime notre vive reconnaissance. Je voudrai également dire à mes collègues du Comité combien leur collaboration m’a été précieuse et leur présenter mes remerciements.

Nous avons à procéder à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité, dont le mandat arrive à expiration, et qui veulent bien accepter une réélection. Ce sont : MM. Gustave Hentsch, Robert Choisy, Marc Borgeaud, Jean Dutoit, Jean-Jacques Gautier, Olivier Reverdin, Philibert Lacroix. Guillaume Bordier, Raoul Lenz et Turrettini acceptent d’être réélus comme contrôleurs des comptes, Nous les remercions de la peine qu’ils prennent à l’exercice de leur fonction, et nous ne doutons pas que vous leur accordiez à nouveau votre confiance.

Vous aurez sans doute remarqué, Mesdames, Messieurs, que notre Société a répondu aux demandes en utilisant surtout les revenus de son Fonds ordinaire et que ceux des Fonds spéciaux ont été peu ou pas utilisés. Nous voudrions, en terminant ce rapport, attirer votre attention sur ce point.

Les besoins les plus urgents de l’Université consistent en l’acquisition d’instruments pour servir à l’enseignement, que ce soit des appareils de laboratoire ou des livres. Ce sont donc les professeurs qui se tournent vers la Société Académique lorsque les crédits mis à leur disposition par les pouvoirs publics sont insuffisants. Et sa première tâche, dirais même son devoir, est de répondre favorablement dans la mesure de ses moyens, puisqu’elle été fondée « pour contribuer de tout son pouvoir au progrès du haut enseignement ». Mais peu à peu sont venus se grouper autour du Fonds ordinaire toute une série de Fonds spéciaux auxquels leurs créateurs ont assigné des buts déterminés, désirant que leurs largesses bénéficient surtout à des chercheurs, à des étudiants. Il ne s’agissait plus dans leur pensée de voir notre Société soutenir l’Université, mais bien aider des particuliers à parfaire leurs études par des travaux personnels. Les Fonds Moriaud, Firmenich et Birkigt, pour ne citer que les plus importants, ont été fondés dans cette intention. Or vous avez appris que, malgré leurs règlements très libéraux, ils n’ont presque pas eu à intervenir cette année.

Le Comité s’est préoccupé de cette question et il a constaté que seuls les professeurs peuvent dépister les chercheurs dignes d’intérêt, les conseiller, leur faire connaître les ressources mises à leur disposition et les engager à y recourir, Cette collaboration du corps professoral, la Société Académique en a besoin pour accomplir sa mission, celle que lui ont confiée les amis généreux de l’Université et son Comité est certain que les professeurs comprendront dans quel esprit il leur adresse son appel. La recherche personnelle est le complément indispensable de l’enseignement et en l’assurant de son appui, la Société Académique a le sentiment de contribuer également au développement de l’Université auquel elle voue ses efforts.