Rapport annuel de la présidence 1955-1956

Marc-Aug. BORGEAUD, président
27 novembre 1956

 

Mesdames et Messieurs,

 

C’est un honneur pour moi, en ouvrant la 68e Assemblée générale de la Société Académique, de saluer la présence de M. Aymon de Senarclens, Président du Conseil d’Etat, et celle de M. le Conseiller d’Etat Jean Treina, qui veulent bien témoigner ainsi l’intérêt qu’ils portent à l’action de notre Société, et je tiens à leur dire combien nous y sommes sensibles. Je salue également M. le Vice-Recteur Jaques Courvoisier, et les représentants des autorités universitaires et secondaires. Ce n’est pas à l’Aula qu’il est nécessaire de vous présenter notre conférencier de ce soir, M. le professeur René Schaerer. La large audience qu’il a su rapidement acquérir dans notre cité par son enseignement, ses études sur Platon, ses chroniques dans la presse, m’en dispensent pleinement. M. Schaerer groupe autour de lui un cercle étendu d’auditeurs et de lecteurs, car il a le don de mettre à la portée du profane des sujets réservés en général aux seuls initiés des mystères de la philosophie. Qu’il me permette cependant de lui dire combien nous lui sommes reconnaissants d’avoir accepté si spontanément de nous consacrer cette soirée en venant nous parler de « Servitude et grandeur de l’amour humain ».

Voilà un titre prometteur qui vient adoucir les préoccupations quelque peu austères de la Société Académique. Je remercie d’avance M. Schaerer de l’exposé qu’il va nous présenter et que nous nous réjouissons d’entendre.

Avant d’avoir ce plaisir, j’ai à vous rendre compte brièvement de l’activité de notre Société pendant l’année écoulée. Mais, en jetant un regard en arrière, j’ai le regret de vous dire tout d’abord qu’elle a perdu vingt-six de ses membres. Ce sont Mmes François Barrelet, Jean Chauvet, John Roux et Jean Rey, Mlle Marguerite Odier, MM. Robert Fazy, John Rochaix, Henri Borgeaud, Dr Léon Weber-Bauler, Dr Nicolas Betchov, Jean-Paul Krähenbuhl, Louis Vaucher, Dr Henri Revilliod, Dr Charles Waegeli, Otto Weissel, Général d’Osnobichine, Lucien Naville, Gino Vuagnat, Dr. François Doret, Dr Jacques Mégevand, François Perroux, Paul Veillon, Jaques Le Fort, Marc D’Espine, et hier encore, les professeurs Georges Nagel et Jean Lacour. Nous rendons hommage à la mémoire de ces disparus, et assurons leurs familles de nos sentiments de vive sympathie. Le décès de M. Marc d’Espine nous atteint tout particulièrement, car il était membre de notre Comité depuis 1948.

Très vite, il avait pris une part importante à l’activité de la Société Académique. Sa formation d’ingénieur, sa grande expérience des affaires, le désignaient pour continuer la tâche du regretté Georges Lemaître en faveur de l’Institut de physique. Il n’avait pas craint, malgré ses multiples occupations, de consacrer beaucoup de temps à l’organisation et à la mise en action du Fonds 1944, créé par l’industrie genevoise. Tout ce qui concernait l’Institut rencontrait sa sollicitude particulière. Il en suivait le développement avec un intérêt constant, et sa grande compétence a rendu ainsi de précieux services à la Faculté des sciences. Au cours de nos séances, ses avis étaient toujours fortement pensés.

Avec une conscience et un sérieux qui en imposaient d’emblée, il savait placer les problèmes clans leur véritable lumière, et chaque fois qu’il avait donné son opinion, les solutions se dessinaient avec plus de netteté. Ses collègues eussent souhaité le voir prochainement présider aux destinées de la Société Académique. II avait décliné cet appel unanime mais avait pourtant accepté, il y a six mois à peine de siéger, en remplacement du professeur Pfaeffli démissionnaire, au sein de la Commission administrative de l’Université comme représentant de notre Société. Son départ prématuré laisse ses collègues dans une profonde affliction. La loyauté de son caractère, son sens du devoir, sa parfaite courtoisie lui avaient attiré l’affection de chacun d’eux. Ils savent ce que la Société Académique doit à Marc d’Espine et ils garderont de lui un vivant souvenir.

Vous n’ignorez pas, Mesdames et Messieurs, que notre Société suit avec attention la question des nouvelles constructions universitaires. Nous sommes heureux de vous rappeler que le premier coup de pioche a été donné au début de septembre sur l’emplacement de Ia future Clinique infantile, et que les terrassements sont actuellement terminés. Les projets du nouvel Institut d’hygiène n’ont guère progressé depuis l’an dernier, parce que le supplément de crédit à la construction ne pouvait être accordé qu’après le vote sur les grands travaux. C’est maintenant chose faite, et l’on est en droit d’espérer qu’un concours architectural sera ouvert sous peu, auquel s’intéressera notre Société. Le problème de transfert du Museum d’histoire naturelle, posé depuis plus de quarante ans, était, hélas, le sujet des nouvelles doléances du Recteur à la séance de rentrée le mois dernier. Mais pourtant l’opinion publique commence à être alertée, le regroupement des musées est à l’ordre du jour du Conseil municipal. On ne dira jamais assez l’urgent besoin de place de l’Université. Cela devient indécent, et nous sommes en train de nous faire une piètre réputation à l’étranger.

Ce n’est qu’un mouvement au sein de la population qui obligera les pouvoirs publics à passer enfin aux réalisations. Et la presse en particulier peut apporter un précieux concours à l’Université.

Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, la Société Académique est propriétaire du Jardin alpin de la Linnaea à Bourg-Saint-Pierre. Elle participe également aux frais d’entretien de la station. Cette année, le professeur Chodat s’y est rendu avec quatorze étudiants au mois de juillet pour organiser  des excursions et des démonstrations dans la vallée de la Dranse et la région du Grand-Saint-Bernard.

Le chalet et le laboratoire ont rendu service, comme centre de ce cours de botanique. Il a pu être donné, remarque M. Chodat dans son rapport, « dans une atmosphère de communauté académique dont le souvenir demeure fortement fixé au cœur des participants ». D’autre part, les possibilités de coordination des recherches de plaine avec celles réalisées à la montagne ont été étudiées et seront poursuivies en 1957.

Si nous abordons l’aide financière que notre Société a apportée à l’Université au cours de ce 68e exercice, nous constatons que les revenus du Fonds ordinaire ont permis les allocations suivantes :

A la Faculté des sciences, au professeur Chodat, Fr. 5000,- pour acquérir un microscope Ortholux de Leitz dont avait besoin l’Institut de botanique générale ; au professeur Sauter, en faveur de la bibliothèque de l’Institut d’anthropologie, une somme de Fr. 1500,- ; au professeur Mirimanoff, Fr. 1500,- également pour acquérir un potentiomètre de précision avec compensateur pour le Laboratoire de pharmacognosie et pharmacie galénique ; au professeur Cortesi, Fr. 1526,- pour doter le Laboratoire de phytotechnologie d’un lanamètre Reichert destiné à mesurer les fibres végétales ;

A la Faculté de droit, au doyen Yung, Fr. 1200,- en faveur des acquisitions nouvelles de la bibliothèque de cette faculté ;

A la Faculté des lettres, à M. Edouard Junod pour équiper le Séminaire de français moderne d’un oscillographe électro-dynamique, une somme de Fr. 5000,-;

A l’Institut des sciences de l’éducation, aux professeurs Piaget et Dottrens, Fr. 1000,- pour compléter les collections de périodiques de leur bibliothèque et parfaire ainsi une première subvention de Fr. 1000,- également, accordée l’an passé pour le même objet.

A côté du Fonds ordinaire, notre Société administre divers fonds à destination spéciale. Nous mentionnerons ceux dont les revenus ont été mis à contribution durant l’exercice écoulé.

Le Fonds du Jubilé s’est augmenté d’un versement de Fr. 6000,-. Le Comité a décidé, à la demande du Bureau du Sénat unanime, de s’intéresser aux ouvrages que l’Université compte publier en 1959 en particulier au « Livre du Recteur », dont Ia documentation de base a été préparée par M. Léon Matthey. Il s’agit de la liste chronologique de tous les étudiants qui ont été inscrits à l’Académie depuis sa fondation. Cette liste sera accompagnée de notices bio-bibliographiques et sera un témoin du rayonnement de l’Ecole de Genève dans le monde. Sous la direction du professeur Stelling-Michaud, une équipe de collaborateurs travaille actuellement à Ia mise au point du manuscrit. Le Fonds Rapin a versé une somme de Fr. 12.000,- dans ce but. Le Comité, de son côté, a alloué une indemnité de Fr. 300,- à M. Paul Chaix pour l’expertise qu’il a faite en vue de la publication.

Le Fonds auxiliaire de la B.P.U. a acquis, pour une somme de Fr. 1234,- les ouvrages suivants :

les Comédies de Shakespeare, dans la traduction de Copeau, une édition de bibliophile qui comprendra 7 volumes ; les miniatures de l’Illiade (Illias Ambrosiana) présentées par Bianchi Bandinelli ; le grand ouvrage de Spinazzola sur les fouilles de Pompéi en 3 volumes ; enfin, Fr. 1693,- ont été prélevés sur le don de Mlle Burkhardt pour l’achat de 65 volumes de littérature et d’histoire.

Les revenus du Fonds Moynier ont permis d’allouer une somme de Fr. 537,- à la B.P.U. pour des abonnements de périodiques.

Le Fonds Plantamour a mis à disposition du professeur Golay, Directeur de l’Observatoire, une première subvention de Fr. 23oo,- pour contribuer à l’acquisition d’un densitomètre à iris.

Le Fonds Gillet ordinaire a versé, à la demande du professeur P.-E. Martin, Fr. 3000,- à la Faculté autonome de théologie pour le cours d’histoire des religions, et Fr. 6000,- pour assurer le remplacement d’un professeur malade. A la demande du Recteur Wenger, il a en outre accordé un subside de Fr. 2000,- au Centre d’études orientales pour couvrir les frais des conférences qu’il organise.

Le Fonds Gillet Voyages a attribué, en juin dernier, trois bourses de Fr. 1000,- à chacun des lauréats suivants qui sont sortis premiers aux examens de maturité : en section classique, M. Charles Bonvin ; latine, M. Jean-Claude Stotzer ; scientifique, M. Claude Weber.

Le Fonds Paul Moriaud a décidé les allocations suivantes : Fr. 3200,- à M. André Gun pour poursuivre ses travaux relatifs à l’histoire des événements du 6 février 1932 à Paris ; Fr. 1500,- au professeur

Kaden pour ses recherches en France sur Jean des Fossés et Germain Colladon, le juriste de Calvin, et

pour l’établissement de microfilms des documents qu’il a découverts dans les archives départementales ; Fr. 1500,- au professeur Raymond pour lui permettre de charger Mlle Janine Buenzod de mettre au point le manuscrit du professeur François sur l’Histoire de la langue française cultivée, qui doit paraître prochainement.

Le Fonds Frédéric Firmenich a octroyé cette année deux bourses d’études, soit : Fr. 5000,- à M. Pierre Chalendon pour étudier le trifluore de bore, et de Fr. 600,- à M. Joseph Rabinowitz pour ses recherches sur les esters phosphoriques.

Enfin la Commission du Fonds Marc Birkigt a accordé quatre bourses d’études : Fr. 4200,- à M. I. Kapetanidis pour ses travaux de chimie analytique sur le thorium ; Fr. 4500,- à M. Pierre Gagnaux pour ses expériences sur le mode de liaison des composés formés à partir de dérivés nitrés aromatiques et d’acides de Lewis ; Fr. 5600,- à M. Luc Thélin pour ses recherches sur les radiations ionisantes sur le patrimoine héréditaire des animaux ; Fr. 500,- à M. Dominique Roux pour participer à une conférence sur la spectroscopie des radio-fréquences.

Comme vous pouvez le remarquer, Mesdames et Messieurs, l’appel que nous adressions ici-même l’an passé au corps enseignant a été entendu, et nous remercions les professeurs qui nous ont adressé de nombreuses demandes. La Société Académique est heureuse de constater que les revenus de ses fonds spéciaux ont été largement mis à contribution en faveur de la recherche scientifique, et qu’elle a pu accomplir ainsi la volonté de leurs généreux promoteurs.

Enfin, la Société Académique s’associera par un versement de Fr. 5000,- à l’action d’entraide entreprise par nos étudiants en faveur de leurs camarades hongrois réfugiés à Genève, afin de témoigner ainsi sa profonde sympathie à leur héroïque patrie. Cette somme sera prélevée sur les revenus du Fonds pour l’Université.

Nous avons à procéder maintenant à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité dont le mandat arrive à expiration, et qui veulent bien accepter une réélection. Ce sont : MM. Alphonse Bernoud, Louis Blondel, Paul Collart, André Fatio, Roger Firmenich, Frédéric Gardy, Bernard Naef. Trop absorbé par les devoirs de sa charge, M. le Conseiller d’Etat Jean Dutoit décline une réélection. Nous regrettons sa décision, tout en la comprenant fort bien, et nous lui exprimons notre reconnaissance pour sa précieuse collaboration.

Comme membres nouveaux, nous vous proposons : MM. André Mottu et Georges Perreard. MM. Guillaume Bordier, Raoul Lenz et Albert Turrettini, acceptent d’être réélus comme contrôleurs des comptes. Nous les remercions de la peine qu’ils prennent à l’exercice de leurs fonctions, et ne doutons pas que vous leur accordiez à nouveau votre confiance.

Arrivé au terme de mon mandat, je voudrais exprimer à mes collègues du Comité mes remerciements pour leur appui et leur collaboration. Je tiens particulièrement à dire à MM. André Fatio, vice-président, Jean-Jacques Gautier, trésorier, Philibert Lacroix, secrétaire, Robert Choisy, vice-secrétaire, et Alphonse Bernoud, archiviste, combien j’ai apprécié toute l’aide qu’ils m’ont apportée au cours de ces trois dernières années. Je voudrais également assurer M. le Recteur Wenger, M. le professeur de Ziegler, ancien Recteur, et M. Hermann Blanc, Secrétaire général de l’Université, de notre reconnaissance pour l’intérêt qu’ils nous ont toujours accordé avec la plus grande bienveillance.

Je m’excuse, Mesdames et Messieurs, de la longueur de ce rapport. L’énumération des chiffres que vous venez d’entendre vous aura pourtant montré l’effort de la Société Académique pour aider financièrement professeurs et étudiants. Mais son devoir ne s’arrête pas là ; il est de s’engager chaque fois que notre Alma Mater a besoin de son intervention. Elle participe à la préparation de son Jubilé, elle suit l’activité de ses Instituts et se préoccupe de leur modernisation ou de leur reconstruction, elle est soucieuse en un mot de tout ce qui touche à l’Université, car elle a été fondée pour « contribuer de tout son pouvoir au progrès du haut enseignement ». En groupant tous les amis des études supérieures à Genève, elle se consacre à cette tâche depuis bientôt soixante-dix ans. Elle souhaite les voir toujours plus nombreux autour d’elle, pour le plus grand bien de l’Université.