Rapport annuel de la présidence 1957-1958

André FATIO, président
18 novembre 1958

 

Mesdames et Messieurs,

J’ai l’honneur d’ouvrir la 70me assemblée générale de la Société Académique.

Il s’agit d’un anniversaire que nous serions tentés de célébrer, ou tout au moins d’évoquer solennellement, s’il ne se trouvait à proximité immédiate d’un autre événement beaucoup plus important, le IVème Centenaire de notre Université.

Je salue les représentants des autorités cantonales et municipales qui nous honorent de leur présence, Jaques Courvoisier, recteur de l’Université, M. Eric Martin, vice-recteur, M. Paul Wenger, ancien recteur, MM. les doyens ainsi que les représentants des enseignements universitaire et secondaire.

Je note avec plaisir que nous avons parmi nous plusieurs dirigeants du CERN, de l’Institut Battelle et du Centre d’études industrielles, qui témoignent par leur présence de la considération qu’ils ont pour notre conférencier, le professeur Alexandre de Muralt, et de l’intérêt qu’ils portent au sujet de son exposé : « Le problème de l’avancement de la science. »

Les milieux touchant à l’industrie, au commerce et à la banque sont largement représentés à cette séance, et M. Charles Aubert, directeur de Ia Chambre de Commerce, nous fait l’amitié d’assister à cette assemblée.

Je remercie les représentants de la presse de suivre avec fidélité l’activité de la Société Académique et de nous aider par leurs articles et comptes rendus à intéresser le public genevois à la vie de l’Université.

Avant de vous rendre compte, suivant l’usage, de l’activité de notre comité au cours de l’exercice écoulé, je tiens à rappeler le souvenir des membres de notre société – ils sont malheureusement nombreux  qui sont décédés depuis notre dernière assemblée générale. Ce sont; Mmes Aymon Pictet, Maurice Bedot, MM. les professeurs Alexis François, Edmond Grasset, MM. Henri Barbier, Jean Olivier, Rud. Heberlein, Oscar Schulthess, Edmond Floershein, Emile Schaer, Auguste Roehrich, Jenri Jacob, Guillaume Fatio, Eugène Burnat, Manuel Altamiras, Louis Maystre, Edouard Junod.

Nous rendons un hommage ému à la mémoire de ces disparus et exprimons à leur famille nos sentiments de vive et respectueuse sympathie.

Mesdames et Messieurs,

En apprenant que l’Institut de Physique a été doté, ii y a quelques semaines, d’un réacteur de recherche d’une valeur considérable, grâce à une allocation de la Commission de la science atomique du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique, nous nous sommes demandé si les exigences de la science n’étaient pas en train d’apporter une modification profonde aux méthodes de financement de notre Université.

Jusqu’ici, en dehors des subsides généreux que le Fonds National destinait à tel ou tel professeur, la situation était la suivante: le canton faisait vivre l’Université en couvrant le budget ordinaire des facultés et la Société Académique apportait une aide marginale aux professeurs pour leur permettre d’intensifier leurs recherches et de perfectionner leur enseignement.

Or, les besoins d’équipement, surtout dans le domaine nucléaire, sont devenus tels que la Confédération s’est trouvée dans l’obligation d’intervenir, soit directement, soit par l’intermédiaire du Fonds National, en lui fournissant de nouvelles ressources.

L’importance de cette aide supplémentaire, justifiée d’ailleurs par les avantages qui doivent en découler à Ia longue pour l’ensemble du pays souligne cependant la disproportion qui existe entre les allocations modestes que la Société Académique est en mesure de donner, quelques dizaines de milliers de francs par année, et les millions qu’il devient nécessaire d’affecter aux progrès de la science.

Dans ces conditions, Ia Société Académique peut-elle encore intervenir dans le dialogue qui s’est établi entre les deux grands bailleurs de fonds, la Confédération et le Canton ?

Je pense que oui. En effet, si le langage des chiffre semble ne pas rendre pleinement justice à l’action de la Société Académique, d’autres considérations de caractère psychologique tendent en revanche à en rehausser l’importance.

Sans demander à M. de Muralt de modifier le plan de sa conférence, je fais appel à sa grande expérience dans le domaine du mécénat pour qu’il nous dise si le seul fait de s’intéresser au travail d’un savant par l’octroi d’une subvention, même de faible importance, ne constitue pas, dans bien des cas un réel stimulant à la recherche scientifique. Le savant, comme l’artiste, a besoin qu’on l’entoure tout en respectant son indépendance de chercheur.

Il est sensible au fait que l’aide émane d’un groupe désintéressé qui jouit d’une complète liberté de choix.

N’est-ce pas cette absence d’automatisme dans la répartition des fonds qui constitue la force de la Société Académique, et, à une beaucoup plus grande échelle, celle du Fonds National de la Recherche ?

Autre avantage : les subsides de la Société Académique s’obtiennent sans démarches compliquées. Pas de volumineux dossiers, ni d’attente prolongée. Une simple lettre motivée suffit à assurer l’intervention rapide de notre comité. Grâce à cette procédure simplifiée, les chercheurs suroccupés ou de nature réservée n’hésitent pas à faire appel à nous.

Enfin, si, malgré la modicité de ses moyens, la Société Académique a sa place dans la famille universitaire, c’est parce qu’elle constitue un trait d’union, un moyen de communication avec l’extérieur. Les dirigeants de notre Université se sentent souvent isolés en présence des problèmes si vastes qui les confrontent journellement, et face à l’évolution très rapide de la science.

Par la diversité de sa composition, le comité de la Société Académique constitue un interlocuteur valable, un conseiller désintéressé, et c’est pourquoi des contacts étroits se sont établis avec le chef du département de l’Instruction publique, le recteur et ses collègues du bureau du Sénat, ainsi qu’avec beaucoup d’autres professeurs.

C’est donc sur le plan des relations humaines, presque autant que par l’importance de ses interventions financières, que la Société Académique peut se rendre toujours plus utile.

Mais ces quelques considérations ne nous dispensent pas d’informer nos membres de l’utilisation des fonds qui nous ont été confiés. J’ai le plaisir de vous informer que, durant ce 70me exercice, la gestion financière d’un important nouveau fonds a été confiée à la Société Académique.

Il s’agit du Fonds du IVè Centenaire de l’Université créé par l’Industrie métallurgique et chimique de Genève, d’un montant de Fr. 226.880, -. Il est prévu que cette somme sera employée dans un laps de temps assez court, pour que son effet stimulant coïncide avec le bel anniversaire qui se prépare. Nous vous ferons rapport, à notre prochaine assemblée générale, sur l’affectation partielle ou totale qui aura été donnée à ce fonds en accord avec les représentants des groupes donateurs.

Les revenus du Fonds ordinaire ont été employés comme suit :

A la Faculté ile Médecine, au professeur Franceschetti, Fr. 5.000,- pour parfaire la somme nécessaire à l’achat d’un appareil à lampe Xénon pour photocoagulation circonscrite de la rétine; Mlle Uehlinger, Fr. 1.000,- pour des travaux sur les recherches en statistiques limnologiques.

La somme de Fr. 1.800,- a été remise au professeur Graven pour l’achat de livres nécessaires à la Faculté de Droit.

Le Fonds ordinaire a versé en outre Fr. 3.000, – au Fonds du jubilé qui a alloué, à son tour, Fr. 1.000,- à M. Alexandre Matthey, en souvenir de son père dont les travaux ont servi à la publication du Livre du Recteur.

Le Fonds Gillet ordinaire a été mis à contribution par une allocation de Fr. 4.000,- à la Faculté autonome de théologie pour l’enseignement de l’histoire des religions.

Il a été décidé en outre de participer à la création d’un enseignement sur la civilisation du moyen âge confié à M. Paul Rousset, chargé de cours. Notre engagement se monte à Fr. 7.00,- par année, pour une durée de trois ans.

Les revenus du Fonds Gillet voyages ont permis d’attribuer trois bourses de Fr. 1.000,- chacune aux lauréats suivants, en tête du classement des examens de maturité : M. Jean-Claude Favez, en section classique, M. Albert Franceschetti, en section latine et M. Jean-Pierre Morhardt, en section scientifique.

Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque Publique a alloué une subvention de Fr. 3.ooo,- à la Compagnie des Pasteurs pour le dépôt et la libre utilisation de ses livres dans le bâtiment des Bastions. Il a en outre dépensé une somme de Fr. 1.247,- pour acquérir différents ouvrages, dont la dernière édition de la « Chambers’s Encyclopaedia » en 15 volumes et deux suppléments.

Sur le don de Mlles Burkhardt, Fr. 749,- ont été prélevés pour des livres d’histoire.

Les revenus du Fonds Moynier ont permis d’allouer une somme de Fr. 559,- à la Bibliothèque Publique et Universitaire pour des abonnements de périodiques.

Le Fonds Paul Moriaud a fait les allocations suivantes : Fr. 2.500,- à M. François Fernex pour un voyage d’étude en Espagne ; Fr. 4.000,- au professeur Jean Rudhardt pour ses travaux sur « La religion dans la conduite et dans la vie affective des citoyens athéniens au IVe siècle» ; Fr. 1.000,- au pasteur André Biéler pour contribuer à la parution, sous l’égide de la Faculté des Sciences économiques et sociales, d’un ouvrage sur « La pensée économique et sociale de Calvin ».

Le Fonds Schwitzguebel a alloué Fr. 2.295,- à la Faculté des lettres pour l’acquisition d’un appareil destiné à la lecture de microfilms.

La Direction de l’Observatoire de Genève a reçu Fr. 5.875,- du Fonds Emile Plantamour pour l’achat de machines à calculer Madas et Addo.

Le Fonds Frédéric Firmenich a octroyé une subvention de Fr. 5.000,- à Mlle Marianne Béguin pour lui permettre d’effectuer des recherches au Laboratoire de chimie thérapeutique de l’Istituto Super de Sanità de Rome.

Enfin, la Commission du Fonds Marc Birkigt accordé les bourses suivantes : Fr. 2.000,- à M. Werner Arber qui a obtenu poste de Research Associate au Département microbiologie médicale de l’Université de Californie du Sud; Fr. 3.000,- à M. Michel Pfau comme contribution à la thèse qu’il prépare à Paris sur les radiaux libres ; Fr. 2.400,- à M. Jean-François Schopfer pour sa thèse sur la photosynthèse des algues et la conservation de la chlorophylle par les sulfamidés ; Fr. 6.800,- à M. Gilbert Hochstrasser qui prépare un doctorat sur la résonance magnétique nucléaire à l’Institut de physique ; Fr. 3.600,- à M. Ilias Kapétanidis pour la poursuite de ses travaux sur le thorium ; Fr. 2.000,- à M. Tibérius Toia pour ses travaux sur les alcaloïdes du Whitania.

Ainsi que vous le savez, notre société est propriétaire de la station de biologie alpine de La Linnaea à Bourg-St-Pierre et contribue pour un tiers à ses frais d’exploitation. Le professeur Chodat s’y est rendu avec seize étudiants et anciens étudiants début de juillet. En outre, plusieurs élèves avancés du professeur Paréjas ont utilisé ces installations du début d’août à la fin de septembre pour établir des levées géologiques sur la base des cartes topographiques des Forces Motrices du Grand-Saint-Bernard.

Pendant l’exercice écoulé, le comité a entretenu des rapports étroits et amicaux avec les autorités cantonales et les dirigeants de l’Université. Nos remerciements s’adressent en particulier à M. Alfred Borel, conseiller d’Etat, chef du département de l’Instruction publique, à M. le recteur Courvoisier, à M. le professeur Wenger, ancien recteur.

Nous tenons à dire également à M. Hermann Blanc, secrétaire de l’Université, combien nous apprécions les multiples services qu’il nous rend toujours avec Ia même bonne grâce et complaisance.

En terminant ce rapport, je désire remercier mes collègues du comité de leur précieuse et amicale collaboration. L’attachement profond que nous avons les uns et les autres pour l’Université nous aide à remplir la tâche que vous nous avez confiée.

Nous avons à procéder à l’élection statutaire de la moitié des membres du comité dont le mandat vient à expiration et qui acceptent leur réélection. Ce sont : MM. Alphonse Bernoud, Louis Blondel, Paul Collart, Roger Firmenich, André Mottu, Bernard Naef et André Fatio.

D’autre part, en remplacement de notre regretté collègue, M. Frédéric Gardy, décédé en mai 1957, nous vous proposons la nomination de M. le professeur Augustin Lombard. M. Lombard avait déjà fait partie de notre comité de 1939 à 1948, et seul l’appel flatteur dont il avait été l’objet de la part de l’Université de Bruxelles avait motivé sa démission.

Nommé récemment professeur de géologie spéciale à notre université, M. Lombard est le successeur tout désigné de M. Gardy à notre comité où il ne compte que des amis.

Comme contrôleurs des comptes, nous vous proposons de réélir MM. Guillaume Bordier, Albert Turrettini et Edouard Maeder.

Nous les remercions du soin qu’ils apportent à l’exercice de leur fonction et nous ne doutons que vous leur accordiez à nouveau votre confiance.

La partie administrative étant terminée, l’agréable devoir d’introduire notre éminent conférencier, le professeur Alexandre de Muralt, qui a bien voulu accepter de nous entretenir du « problème de l’avancement de la science ».

M. de Muralt est particulièrement qualifié pour traiter cette question, car il en a étudié les multiples aspects au Fonds National Suisse de la Recherche scientifique dont il a été l’initiateur en 1952 et a dirigé depuis lors comme président du Conseil national de la Recherche.

Professeur de physiologie et directeur de l’Institut de Physiologie de l’Université de Berne, M. de Muralt a puisé sa science et sa connaissance des hommes à diverses sources en Suisse et à l’étranger, soit comme étudiant, soit comme professeur aux universités de Zurich, Munich, Heidelberg, Harvard, ainsi qu’en Angleterre.

Dans l’armée, M. de Muralt est colonel, chef de l’artillerie du premier corps d’armée. Sa double formation de physicien et de médecin ne l’a pas empêché de veiller à ce que les sciences morales aient une large part dans les subsides à disposition par le Fonds National.

Pour que la Suisse reste fidèle à ses traditions, il ne faut pas que l’esprit de finesse soit sacrifié à l’esprit de géométrie. C’est ce que M. de Muralt a compris en soutenant le travail des historiens, des philologues, des philosophes et des hommes de lettres. Cette aide généreuse et éclairée a été appréciée par les professeurs de notre université.

Comme il est admis qu’il y a plus de plaisir à donner qu’à recevoir, nous formons le vœu que M. de Muralt trouve le bonheur dans l’accomplissement de sa noble tâche.