Rapport annuel de la présidence 1969-1970

Georges Perreard, président
24 novembre 1970

 

Mesdames, Messieurs,

En ouvrant la 82è assemblée générale de votre Société, je ne voudrais pas manquer tout d’abord de rappeler la mémoire de ceux de nos membres que Ia mort a frappés dans le courant dc cette dernière année.

Parmi eux, il m’importe tout d’abord de rendre un juste hommage à la personne de M. Henri de Ziegler qui fut membre du Comité de notre Société pendant plus de 33 ans et dont il assura la présidence de 1934 à 1937.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que c’est durant la période de sa présidence que la Société Académique assura le financement des travaux de transformation de la Bibliothèque publique et l’installation dans ce bâtiment des facultés de sciences morales.

Hélas le Professeur Henri de Ziegler n’est pas le seul de nos membres qui soit décédé cette année ; Nous avons également eu le regret de perdre le professeur Auguste Lemaître, M. Aymon de Senarclens, ancien conseiller d’Etat, Max Stoll, le Dr Jean Baumgartner, le Dr Emile Mégevand, M. William Herren, M. Moise Berenstein, M. Max Odier et Mme Hélène Pfaendler. Tous à un titre ou à un autre ont œuvré au profit de l’Université et nous espérons par ces quelques paroles avoir rendu un juste hommage à leur activité.

Dans le courant de l’exercice 1969-1970, la Société Académique, conformément à ses statuts et à ceux des fonds dont elle assure la gestion, a versé des allocations s’élevant à 106’64.20 Fr. dont 62’894 Fr. 20 pour les sciences humaines, 8120 Francs pour la médecine et 35’650 francs pour les sciences physiques er naturelles.

Au-delà des tâches statutaires de notre Société, votre intérêt va, cela va de soi, à notre Université elle-même et à son avenir.
Notre propos n’est pas ici, dans le temps qui nous est alloué, de dire ce que nous pensons de l’organisation de notre plus haute école d’enseignement.
Cependant, beaucoup plus modestement, nous estimons utile dans le cadre de cette assemblée de manifester certains vœux quant à l’avent de notre Alma Mater.
S’il est juste dans une certaine mesure de séparer l’enseignement académique de l’enseignement professionnel, l’on ne doit pas perdre de vue à long terme que e premier doit servir le second.

L’augmentation considérable du nombre des étudiants en fait un devoir, car il n’est pas tout de vouloir multiplier les licences et les diplômes sans procurer aux jeunes des places qui correspondent au travail qu’ils ont effectué et aux notions qu’ils ont acquises; or la multiplication du nombre des licenciés conduit immanquablement à les voir occuper dans le cadre de l’économie ou de l’industrie des situations subalternes bien inférieures en tout cas à celles auxquelles ils avaient rêvé en entrant à l’Université.

Si celle-ci doit rester un instrument de culture générale, il serait vain d’oublier que l’évolution de l’Université ne peut que suivre celui du monde qui nous entoure, un monde technique auquel il importe de préparer nos étudiants.

Vouloir éluder le problème serait contraire à tout bon sens et à toute logique. En veut-on pour exemple Ia Faculté de droit dont les licenciés étaient autrefois presque exclusivement destinés à devenir avocats ou notaires ou à occuper parfois des fonctions importantes dans l’administration et qui aujourd’hui, dans le monde économique qui est le nôtre, remplissent des fonctions beaucoup plus diversifiées pour lesquelles, en définitive, ils ne sont pas spécialement préparés.

Certes, il existera toujours une certaine antinomie entre le monde dont nous rêvons et La réalité quotidienne, mais n’est-ce pas précisément la tâche des responsables de notre enseignement supérieur d’aménager et de perfectionner

sans cesse l’enseignement dans les différentes facultés qui compose notre Université ? Mais veiller à l’avenir c’est aussi prévoir une formation des jeunes en fonction des places disponibles dans l’industrie et l’économie en général.

Autant serait-il faux de recourir au système du numerus clausus pour l’accès de l’Université à des jeunes gens normalement doués, autant serait-il faux que de leur laisser préparer des carrières dans lesquelles ils ne trouveront aucun débouché.

C’est à l’Université de faire preuve de l’imagination nécessaire pour varier la formation de ceux qui viennent à elle pour acquérir un savoir qui doit en définitive profiter à l’ensemble de notre collectivité, tout on les empêchant de poursuivre des études, qui une fois terminées ne les conduiront qu’à l’aigreur et à la désillusion.

Alors que l’Etat, Cantons et Confédération, est actuellement le plus grand employeur de Suisse, il est paradoxal de constater qu’il n’existe aucun enseignement dans le domaine des sciences administratives. Ne serait-il pas judicieux de créer un tel institut auquel pourraient s’inscrire, dans le cadre d’une quatrième année, ceux qui entendent consacrer leurs efforts à l’administration de l’Etat ? Autre domaine ou me paraît exister une lacune sérieuse est celui de la notion de la gestion d’entreprise. Ne serait-il pas judicieux de créer à Genève un institut similaire à la Harvard Busincss School qui permettrait de préparer les cadres futurs de l’économie suisse par des notions plus développées que celles qu’ils ont pu acquérir uniquement au bout de trois ans d’étude dans les facultés de droit et de sciences économiques ?

Ces quelques réflexions nous amènent à penser qu’une réorganisation de l’Université devrait intervenir où serait clairement divisée la notion d’étude supérieure proprement dite de celle de l’acquisition des connaissances nécessaires à la vie pratique. L’on aurait ainsi l’Université proprement dite et gravitant autour d’elle et très  spécialisés alors différents instituts auxquels pourraient s’inscrire les étudiants en fonction de la carrière qu’ils auront définitivement choisie.
Dans le domaine des études techniques, ces instituts pourraient grouper à la fois le perfectionnement final des étudiants, mais également la recherche.
Il est un truisme de dire aujourd’hui que l’évolution du monde moderne est dominée par les problèmes économiques et techniques ; c’est à l’Université non seulement de prévoir cette évolution, mais encore dans un sens de la précéder pour pouvoir mieux la dominer.

Je ne voudrais pas terminer ce rapport sans dire à M, Bernard Naef, qui a manifesté le désir de ne pas voir renouveler son mandat, toute l’estime des membres de notre Société et leur sincère reconnaissance pour l’assiduité qu’il a manifestée à nos séances et la tâche qu’il a accomplie ; qu’il en soit remercié ici en votre nom à tous.