Rapport annuel de la présidence 2007-2008

Pierre Buri, président
26 novembre 2008

 

120 ans ! Un peu d’histoire…

« Mesdames et Messieurs,

…Ce n’est pas sans une certaine émotion et un sentiment d’humilité que nous venons à vous aujourd’hui. La dernière fois que nous étions réunis, c’était en effet à notre séance solennelle d’installation. Nous étions alors tout entiers à la poésie des grandes espérances, à l’enthousiasme que nous inspirait la pensée de ce que sera notre Société, dans un avenir peut-être pas trop éloigné, à la noble ambition de servir puissamment la cause de l’enseignement supérieur chez nous, de travailler à la prospérité intellectuelle de notre chère Genève. D’un seul bond, notre imagination à tous, celle surtout des jeunes gens à qui appartenait l’initiative de notre création, surexcitée par le rapport si éloquent de notre président fondateur, avait alors franchi l’avenir et entrevu clairement, comme s’ils s’étaient réalisés déjà, les importants résultats que poursuit notre Société et la grande tâche qu’elle s’est donnée. Dans ces jours d’enthousiasme, et il en faut, on se prend à oublier que Rome ne se peut construire en un jour, il y a plus, elle vous apparaît en imagination comme déjà entièrement bâtie d’un seul coup. Il semble qu’on n’aura qu’à moissonner ce qu’on a si abondamment semé. Malheureusement, après la poésie, la prose vient bien vite reprendre son empire et c’est ce qui nous est arrivé à nous, ouvriers très modestes, choisis par vous pour mettre à exécution de si vastes et brillants projets, quand nous nous sommes trouvés à l’œuvre avec notre inexpérience comme guide et nos ressources financières forcément encore très limitées comme moyen.

Aussi devez-vous vous armer d’indulgence en ce jour où vous venez contrôler nos actes, et faut-il pour nous juger sainement que vous descendiez un instant des hautes sphères où vous avaient entraînés le premier jour la beauté de l’idéal à poursuivre et la grandeur du but final à atteindre. De cette façon seulement vous pourrez n’être pas déçus en contemplant les premiers et très modestes fruits que nous avons pu cueillir jusqu’ici sur l’arbre que nous avons planté ensemble l’an dernier… »

Ainsi s’exprimait, il y a 120 ans, avec ce style élégant et richement imagé, Edouard Sarrasin, premier Président de la Société académique de Genève. Il succédait à un autre membre fondateur, Charles Borgeaud, lui-même Président du Comité d’initiative aux côtés de Gaspard Valette, trésorier, et d’autres étudiants. Charles Borgeaud, quittant Genève pour Paris où il poursuivra ses études, ne put donc accepter la première présidence de la Société. Ce futur recteur de l’Université, alors Zofingien comme ses amis co-fondateurs, à savoir Eugène Choisy, Barthélemy Bouvier, Edouard Sarrasin et Emile Rivoire, fut probablement le véritable moteur et instigateur de cette Société qui nous réunit aujourd’hui.

Dans une lettre adressée à son collègue Sarrasin, il écrit : « Je suis si partisan de la création à Genève d’une Société académique que j’y songe depuis plusieurs années. C’est une de mes idées « de derrière la tête », comme dirait un Recteur de notre connaissance. J’y crois Zofingue bien placée pour lancer cette idée dans le public ; mais il ne s’agit pas seulement de la lancer, il faut la soutenir par la parole et par la plume, sans désemparer. Il faut y consacrer son temps et sa peine pendant six mois, un an peut-être. »

En réalité, selon nos archives, les premières allusions écrites à une Société académique sont bien antérieures aux textes de Borgeaud et Sarrasin. On peut lire en effet, dans une Chronique radicale du 18 octobre 1873, sous la plume d’un petit cousin éloigné de James Fazy, Georges Fazy, le projet d’une Société qui s’occuperait de la création et de l’administration d’un fonds académique. L’auteur s’inspirait de ce qui se faisait déjà à Bâle. Nous n’avons pas trouvé de liens entre ce premier document et ceux de nos Zofingiens visionnaires.

Terminons ce très bref et partiel survol historique par quelques chiffres. Dans son rapport de 1889, Edouard Sarrasin précise que la Société académique a été fondée avec 300 membres. Elle en comptait 400 à la fin de la première année de son existence (665 aujourd’hui, la croissance ne fut guère spectaculaire!). Avec un capital de départ de 10’000 frs, elle se retrouve une année plus tard avec 17’000 frs et un revenu annuel de 2’500 frs grâce aux cotisations.

Les archives de la Société académique, extraites récemment de leurs cartons poussiéreux, triées et classées au mieux, sont d’une grande richesse : des centaines de lettres manuscrites, des cahiers de comptes et d’adresses, d’abondants rapports, des documents photographiques et de très nombreuses coupures de journaux. Peut-être y aurait-il matière à faire de notre histoire un travail de diplôme ou tout autre type de recherche.

Retour à l’actualité

Mais revenons-en à l’actualité de ce 120e exercice !
Peut-être serez-vous surpris de constater que la 120ème Assemblée générale n’a lieu que neuf mois après la précédente. En effet, afin de rétablir une certaine logique dans l’ordre des événements annuels concernant de près la Société (année académique, clôture des comptes, etc.), le Comité a décidé que l’Assemblée générale se déroulera désormais en automne, comme ce fut le cas pendant de très nombreuses années.

Au cours de ces dernières années, le Comité a soumis la Société académique à une cure de jouvence énergique : transformation complète de la salle de réunion, classification des archives, nouvelle identité graphique, améliorations informatiques ou encore remaniement du site internet pour le compléter et le rendre plus convivial et esthétique. Une nouvelle étape concerne le rajeunissement du graphisme et de la mise en page de ce bulletin, pour en améliorer la lisibilité et moderniser sa présentation ; elle est actuellement à l’étude.

Au début de l’été, notre ami Alain Dufour a fêté son 80e anniversaire. Nous avons eu le plaisir de lui conférer le titre de membre d’honneur de la Société académique, afin de lui témoigner toute notre reconnaissance pour les quarante années passées au Comité et pour le remercier de tout ce qu’il nous a apporté, grâce à ses vastes connaissances, à sa disponibilité, à son humour tout en finesse et à ses qualités d’orateur. Entendre Alain Dufour exposer son avis sur les requêtes dont il avait la charge était un véritable plaisir, soutenant un projet avec chaleur…ou proposant le rejet d’un autre avec beaucoup d’élégance…et peut-être un brin de mépris caché derrière une gentille ironie. La Société académique a participé financièrement à la réalisation d’une fort belle plaquette, Amabilissima Laudatio ad Alain Dufour, qui réunit de nombreux et très émouvants témoignages de ses amis et collaborateurs. La lecture de ces pages est vivement recommandée à tous ceux qui souhaiteraient découvrir nombre de facettes moins connues de la personnalité d’Alain Dufour.

Malgré une année pour le moins difficile sur le plan boursier, la Société a honoré une centaine de requêtes, provenant comme toujours de toutes les facultés. Le président du Fonds Marc Birkigt, Frédéric Naville, soucieux de constater la diminution régulière des étudiants dans les facultés des sciences, tant à Genève que dans les autres universités, a réuni un groupe de réflexion pour trouver comment inverser le mouvement et voir si le Fonds qu’il préside pourrait participer à ces mesures. Après de nombreuses discussions très fructueuses et des contacts avec la Section de physique, il fut décidé de participer à deux projets importants du PhysiScope, nouveau lieu original de promotion de la physique auprès des jeunes scolarisés dans les cycles d’orientation et les collèges genevois. Cette création est née d’une initiative inédite du Pôle de recherche MaNEP dirigé par le professeur Fischer et de la Section de physique de l’Université de Genève. Cette ouverture montre bien le souci des responsables de la Société académique et de ses différents fonds de continuer à diversifier notre aide et à attribuer des sommes importantes à des projets d’envergure.

L’année 2009 sera marquée par le 450ème anniversaire de l’Université. De très nombreuses manifestations célébreront cette grande date tout au long de l’année. Pour cette commémoration, l’Université de Genève met sur pied une importante série d’événements, auxquels nous avons décidé de participer financièrement. Le Comité de la Société académique a retenu deux projets qui paraissent particulièrement attractifs. Le premier, Promenade au fil des siècles, est une exposition historique dans la cité, qui convie citoyens et touristes à découvrir Genève et ses savants. Une vingtaine de panneaux cylindriques fixés à une structure métallique et dispersés en différents hauts lieux de la ville présentent le portrait de chaque personnalité retenue. Le but de cette exposition est donc de rappeler combien l’histoire de notre Université est intimement liée à celle de la cité.

Le second projet est intitulé Samedis de l’UNIGE. Chaque samedi, l’Université donnera rendez-vous aux Genevois pour des initiations ludiques à la science. Ces rencontres auront lieu dans divers lieux de Genève, dans les bâtiments universitaires et dans des centres commerciaux.

Après moult discussions parfois houleuses, de nombreux échanges de correspondance et plusieurs projets ou contre-projets, une Convention a enfin été signée entre le Département de la culture de la Ville de Genève et la Société académique, réglant les conditions de mise à disposition de notre salle de réunion. Souhaitons qu’elle permette une fructueuse collaboration avec la Bibliothèque de Genève, d’aimables relations avec le Département de la culture de la Ville et assure longtemps un lieu de stockage de nos nombreux documents et archives, tout en offrant un agréable cadre de réunion.

Fonds Foremane

Rappelons que la Société académique, grâce au Fonds Foremane, a commandé l’automne dernier un système IRM destiné à la recherche en neurosciences. D’importants travaux au CMU, nécessités par la mise en place de cet appareil, sont actuellement terminés et l’arrivée de cette énorme machine (plus de 12 tonnes) est prévue la veille de notre Assemblée générale. Joli cadeau d’anniversaire pour ces 120 années d’existence !

Forum

La dernière année du troisième Forum de l’Université vient de s’écouler ; elle s’est terminée à fin septembre. Ce sera pour le moment le dernier Forum de cette série. Le Comité a en effet décidé un moratoire, permettant à la fois de dresser un bilan définitif de cette entreprise et de réfléchir sur la suite éventuelle à donner. Pour l’année à venir, la somme habituellement consacrée à l’organisation du Forum sera attribuée aux projets du 450ème.

Parmi les événements marquants de cette dernière période, citons principalement un cycle de six conférences intitulé Geneva lectures, ainsi qu’un cours propre au Forum assuré par le professeur Andrea Bianchi et son collaborateur Fouad Zarbiev. Ce cours avait pour titre « Droit international et terrorisme ». Ces mêmes enseignants rédigent actuellement un volumineux livre « tout public » sur le même thème. Enfin, différents ouvrages en cours de rédaction viendront concrétiser les travaux de ces trois années.

Nous remercions les responsables et animateurs de ce Forum, les professeurs Alexis Keller et Andrea Bianchi, ainsi que tous leurs collaborateurs, qui ont assuré la bonne marche et le succès de cet important événement universitaire.

La Linnaea

Dans son rapport annuel, que nous résumons brièvement ici, Jaques Naef, président de la Commission de La Linnaea, relève la bonne fréquentation du chalet, avec 729 nuitées, pour des loisirs et des séjours scientifiques. Les jardiniers ont contribué à rendre les lieux très attractifs, grâce à un travail fort efficace lors de leurs sept passages. Ils sont chaleureusement remerciés pour leur engagement. Les parrains de La Linnaea, hélas ! en nombre décroissant, ont été conviés le 14 juin à une visite du jardin, suivie de la raclette traditionnelle. Enfin, précisons que l’ensemble des bâtiments est en bon état, suite à quelques travaux d’entretien, et que les finances sont saines grâce aux dons et au produit des nuitées. Toute notre gratitude à Jaques Naef pour le très gros travail accompli, fort discrètement, pour assurer le bon fonctionnement de ce jardin alpin.

Comité

Lors de la dernière Assemblée générale, trois nouveaux membres vous ont été présentés, tous furent élus à l’unanimité. Rappelons très brièvement leur parcours. Klaus Scherer poursuit des études en sciences économiques et sociales à Cologne et à Londres, puis il obtient un PhD à l’Université de Harvard. Il fréquente ensuite les Universités de Pennsylvanie, de Philadelphie, de Kiel et de Giessen, avant de rejoindre notre Université où il est, depuis 1985, professeur ordinaire à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. En 2005, il prend la tête du gigantesque Pôle de recherche national en émotions. Dédié à l’étude interdisciplinaire des émotions et de leurs effets sur le comportement humain et la société, cet ambitieux projet constitue le premier centre national de recherche en émotions au monde. François Mach fait ses études de médecine et sa thèse à Genève, où il obtient le titre de privat-docent et celui de professeur associé en 2004. Il complète sa formation à Boston où il séjourne quatre ans, puis il est nommé professeur ordinaire à la Faculté de médecine et chef de la division de cardiologie. Le professeur François Mach a été récompensé par plusieurs prix prestigieux. Parallèlement à son activité clinique, il dirige un laboratoire de recherche principalement axée sur les mécanismes inflammatoires de l’athérosclérose. Enfin Roger Mayou, historien d’art, obtient une licence en lettre à l’Université de Genève (histoire de l’art, allemand et linguistique) puis travaille comme conservateur au Musée d’art et d’histoire, à l’Union de Banques Suisses comme conseiller artistique et dirige depuis 1998 le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il connaît très bien le fonctionnement de l’Université, dont il préside le Conseil depuis 2003. Toute notre gratitude à ces trois personnalités, que nous remercions chaleureusement d’avoir accepté de rejoindre le Comité de la Société académique.

Nous soumettons maintenant à votre approbation le nom des membres qui ont accepté un nouveau mandat, chacun étant élu pour deux ans, rappelons-le. Il s’agit d’André Hurst, Bertrand Kiefer, Jaques Naef et Pierre Buri.

Pour terminer ce 120ème rapport, je tiens à remercier chaleureusement tous ceux qui, année après année, permettent à la Société académique de remplir son rôle en participant au développement, au renom et à la bonne marche de la recherche et de l’enseignement au sein de notre Alma Mater. Un grand merci à tous les membres du Comité, à notre précieuse et efficace administratrice, aux membres de la Commission financière, aux contrôleurs aux comptes et à tous ceux qui soutiennent la Société par leur participation et leurs dons.

Souhaitons enfin que les remous qui secouent si sévèrement ces temps le monde financier s’apaisent et que ce nouvel exercice permette de réaliser nos projets et de répondre positivement aux requêtes de haute qualité, l’excellence demeurant plus que jamais le mot clé de nos réflexions et de nos décisions.