Rapport annuel de la présidence 1901-1902

Ernest PICOT, président
14 novembre 1902

 

 Mesdames et Messieurs,

J’ai à vous rendre compte de la situation de la Société Académique depuis le dernier Rapport qui vous a été présenté il y a un an. L’état d’une société comme la nôtre ne saurait, sauf événement imprévu, présenter de très grands changements d’une année à l’autre, et ce que l’on peut espérer de mieux pour elle est un développement régulier et progressif ; je suis heureux de pouvoir constater aujourd’hui que tel est bien le cas de l’année qui vient de se terminer.

Notre actif social, qui était à la fin de l’année 1900-1901 de 84.986Fr. 85 s’élève cette année à 93.927 Fr, 85, en augmentation de 8,491 Fr., nous n’avons pas dû, pour obtenir ce résultat, négliger nos devoirs annuels, qui ne consistent pas seulement à thésauriser pour l’avenir, mais aussi à pourvoir aux besoins du présent. Le rapport spécial de notre trésorier vous expliquera comment nous avons obtenu cette belle augmentation.

A côté de notre capital ordinaire, nous avons vu se créer cette année un nouveau fonds dont la gestion nous est confiée, fonds dû à la générosité d’un de nos concitoyens, dont nous avons été heureux et fiers d’être désignés comme les dépositaires et sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans le cours du présent rapport.

Le but de notre Société est défini à l’art. 3 de ses statuts, il consiste à grouper tous les amis des études supérieures à Genève et à contribuer de tout son pouvoir au progrès du haut enseignement dans tous les domaines et particulièrement au développement de l’Université.

Comme tous les buts qu’on se propose généralement, celui que nous visons constitue un idéal difficile, sinon impossible, à atteindre complètement.

Nous pouvons, dans la mesure que nous donnent nos capacités, nos vues incomplètes de l’avenir et les ressources financières encore modestes dont nous disposons, contribuer au développement de l’Université de Genève, mais nous ne pouvons espérer la réalisation immédiate ou même rapide de nos espérances, qui seraient de faire de cette Université un foyer de lumière égalant ou même dépassant en intensité celui d’autres foyers semblables mieux dotés et mieux outillés que ne peut l’être le nôtre ; mais ce n’est point là un motif de découragement, nous devons poursuivre notre tâche avec d’autant plus de persévérance que le but paraît plus difficile à atteindre.

Nous ne devons ni ne pouvons nous faire d’illusions à cet égard, la concurrence moderne dans le domaine du haut enseignement est une concurrence redoutable, analogue à celle qui existe dans le domaine commercial. Il y entre de nombreux facteurs différents dont l’un, et ce n’est pas le seul, est l’argent, ce nerf de la guerre. De ce côté là, nous nous trouvons dans une situation inférieure, sinon vis-à-vis des universités les plus voisines, du moins vis-à-vis de la plupart des universités étrangères.

L’Etat de Genève a, depuis bien des années, surtout depuis le moment où notre vieille Académie a pris le titre d’Université, fait beaucoup pour mériter ce nouveau titre. Il a été, relativement aux ressources d’un petit Etat comme le nôtre, fait de grands sacrifices pour assurer à notre établissement d’instruction supérieure des ressources suffisantes. Des chaires en grand nombre ont été créées, de somptueux bâtiments élevés, de couteux laboratoires installés. Tout cela n’a pas été sans grever fortement nos budgets cantonaux et comme, dans d’autres domaines, la même largeur a été apportée à tous les besoins qui se laissaient valoir, le moment est venu où une réaction se produit, où le contribuable, homme d’esprit simple et positif , se demande si les résultats obtenus sont en rapport avec les dépenses faites et si l’heure n’est pas venue d’enrayer des dépenses aussi peu productives, et qui font monter sa cote d’impôts à une hauteur qu’il estime volontiers excessive.

Ceux qui croient que l’Etat de Genève pourra, dans ces conditions de l’esprit public et des finances, continuer à élever dans la même proportion où il l’a fait jusqu’ici ses allocations à l’Université, se font des illusions, le budget de notre canton n’est pas assez élastique et les intérêts de toute nature qui sollicitent son appui sont trop nombreux pour qu’on puisse espérer que, pendant la période qui commence, l’Etat augmentera encore la somme qu’il destine chaque année au développement de l’enseignement universitaire, et, cependant, les besoins d’argent augmentent pour soutenir Ia concurrence dont je parlais tout à l’heure ; nos concurrents ne désarment pas, le nombre des étudiants va croissant, dans toutes les facultés les branches vont se spécialisant à mesure que le champ de chaque science va s’élargissant.

Faudra-t-il, dans ces conditions, renoncer à la lutte et se borner à marquer le pas en restant en place, sans chercher à égaler ou à dépasser des universités qui peuvent soutenir cette lutte dans de meilleures conditions ?

Telle n’est point notre pensée : si les ressources que fournissaient jusqu’ici les deniers publics, non seulement n’augmentent pas dans les proportions nécessaires ou vont même diminuant, ce qui revient à peu près au même, c’est à f initiative privée que nous devons nous adresser pour combler le déficit. C’est dans ce but, en particulier, qu’a été créée notre Société et dans ce sens que nous devons travailler. Quelque prospère qu’elle ait été et quelque grand qu’ait été l’appui qu’elle a trouvé jusqu’ici de la part de toute notre population, notre association n’a pu réunir encore qu’une fortune bien insuffisante pour remplir le rôle que je viens d’esquisser, mais nous devons nous dire que le dévouement et l’esprit de sacrifice chez ses membres se développera avec les besoins et que, si cet esprit de sacrifice ne s’est pas montré plus grand jusqu’à présent, c’est que la nécessité ne l’avait point encore stimulé.

Vous m’excuserez donc, Mesdames et Messieurs, si je vous ai décrit l’avenir de notre Université sous un jour qui vous paraîtra peut-être un peu sombre, mais qui n’est, je le crains, que la stricte expression de la vérité.

Lors de la fondation de la Société Académique, il y a quatorze ans, un journal de notre ville, tout en lui souhaitant la bienvenue dans ce monde, disait : « Il faut que la nouvelle société accepte des devoirs sans revendiquer aucun droit dans la direction de notre enseignement supérieur, sans empiéter d’un cheveu sur les attributions de l’Etat et de l’autorité universitaire, dans ces conditions tout ira bien. »

Depuis lors, notre Société a rendu de nombreux et modestes services à l’enseignement supérieur, sans pour cela empiéter, « même d’un cheveu » sur les attributions de l’Etat ; peut-être le moment viendra-t-il, où les services que nous serons en mesure de rendre à l’Université pourront devenir plus importants et plus utiles; nous continuerons à ne pas demander, en échange, de pouvoir empiéter sur les compétences des autorités universitaires, nos services resteront entièrement désintéressés, comme ils l’ont été jusqu’à présent, mais, le fait même de notre existence, les garanties de bonne gestion que présente notre Société, le fait qu’elle est indépendante de l’Etat et des influences de toute nature que celui-ci peut être appelé à subir par suite des circonstances politiques et économiques, encourageront les amis de notre enseignement supérieur à s’adresser à elle lorsqu’ils éprouveront le désir d’assurer ses progrès et son avenir.

Le superbe don que nous a fait cette année notre concitoyen et collègue, M. Gustave Moynier, associé étranger de l’Institut de France et Président du Comité international de la Croix-Rouge, nous montre que le rôle de la Société Académique comme dépositaire et gérant de fonds spéciaux destinés à l’Université a été compris et répond à un besoin.

M. Moynier nous a fait don d’une somme de 20,000 Fr. qui, aux termes d’un acte Rivoire notaire, du 24 avril 1902, constitue sous le nom de Fonds Moynier, un capital qui nous appartient et dont les revenus doivent être consacrés à l’abonnement à des publications périodiques de sciences sociales. Les publications périodiques de droit, philosophie ou histoire rentrent sous cette rubrique, pour autant qu’elles intéressent spécialement les sciences sociales.

Une commission, composée du directeur de Ia bibliothèque publique et de six personnes désignées pour trois ans, trois par les Facultés des lettres et sciences sociales, une par la Faculté de droit et deux par la Société Académique, est chargée du choix des publications, de leur achat et de leur utilisation.

Les publications seront remises à la Bibliothèque publique et deviendront sa propriété, à la condition qu’elles soient déposées par elle dans une salle des périodiques ouverte aux professeurs, privat-docent et étudiants de l’Université. Il est donné un délai de trois ans à Ia Bibliothèque pour ouvrir cette salle et faute par elle de le faire dans ce délai, la commission pourrit faire bénéficier des revenus de la fondation une autre bibliothèque.

Ainsi que vous le voyez par ces extraits de l’acte constitution du fonds Moynier, son généreux créateur a entendu, dans ce domaine si nouveau et si intéressant des sciences sociales, assurer à nos professeurs et étudiants la fourniture régulière des publications périodiques destinées à les maintenir toujours au courant des idées nouvelles émises sur ce terrain si mouvant. La définition de ce qui peut être considéré comme rentrant dans les sciences sociales a été donnée de la manière la plus large, puisqu’on y pourra faire rentrer bien des publications de droit, de philosophie ou d’histoire. Dans ces conditions, plusieurs branches de notre enseignement universitaire seront à même de profiter de cette belle offrande. C’est en leur nom, aussi bien qu’en celui de la Société Académique, que je renouvelle ici à M. Moynier l’expression de notre reconnaissance.

Nous avons reçu cette année plusieurs dons extraordinaires : De la famille de M. Adolphe Reverdin, 1000 Fr ; de M. Edmond Flournoy, 1000 Fr ; de Mme Edmond de la Rive, 500 Fr. en souvenir de M. le colonel Edmond de la Rive ; legs de Mme Emile Plantamour, 1000 Fr. ; don de M. Barthélémy Bouvier, 50 Fr. ; don de M. Edmond Chenevière, 50 Fr. ; don de M. Edouard Claparède, 50 Fr. ; don de Mme Diodati-Plantamour, 20 Fr. ; de la famille de M. Charles Hentsch, une somme de 5000 Fr., cette somme ne figurera pas sur les comptes qui vous sont soumis, car elle a été reçue après la clôture du dernier exercice, mais nous ne voulons pas tarder plus longtemps à exprimer ici nos remerciements pour ce don comme pour les autres, en rappelant que M. Charles Hentsch a été, durant sa vie, l’un des plus fidèles et généreux soutiens de la Société Académique. Nous avons enfin reçu aujourd’hui même un don de 1000 Fr. de Mme Charles Rigaud, en souvenir de son mari et de l’intérêt qu’il portait à la Société Académique. La famille de Mme Rigaud, née Plantamour, est une de celles aussi dont le nom figure le plus souvent sur les listes de nos donateurs.

Mentionnons parmi les libéralités dont nous avons été l’objet l’année écoulée, l’encaissement d’une somme de 771 Fr., produit d’une conférence de notre collègue M. le professeur Alfred Gautier. M. Gautier avait, sous le titre : le Crime dans la littérature, donné une série de conférences à l’Athénée, ses auditeurs lui ayant demandé de donner une séance supplémentaire, notre collègue eut l’heureuse idée de faire profiter ta Société Académique du produit de la quête faite à l’issue de cette séance ; le beau chiffre atteint par cette quête vous montre le succès du conférencier et nous fait présager l’intérêt et le plaisir que nous aurons, dans quelques instants, à entendre le même conférencier parler d’un sujet analogue à celui qui a fait le succès de ses conférences à l’Athénée.

La Société de Belles-Lettres, la Société de Zofingue et la Société des étudiants français ont, comme les années précédentes, fait bénéficier notre caisse d’une part du produit des séances musicales et littéraires qu’elles ont données l’hiver dernier. Ce concours de la jeunesse universitaire est tout particulièrement le bienvenu. C’est la jeunesse, en effet, que nous voudrions surtout intéresser au succès de notre œuvre et recruter parmi nos membres, c’est elle qui est appelée à profiter de ce que nous pouvons faire et c’est à elle qu’appartient cet avenir que nous voudrions si brillant pour l’idéal que nous poursuivons.

Nous avons fait cet hiver un effort sérieux pour augmenter le nombre de nos sociétaires, qui commençait à décroître ; pour atteindre ce résultat nous avons fait imprimer avec un soin tout particulier le brillant rapport sorti de la plume de mon prédécesseur et l’avons fait distribuer aussi largement que possible à toutes les personnes qui nous paraissaient susceptibles de pouvoir s’intéresser à notre association. Sans réussir aussi bien que nous l’aurions désiré, nous avons cependant réussi à faire quelques recrues, le chiffre de nos sociétaires, qui était il y a un an de 265, s’est élevé cette année à 293.

Mentionnons, parmi les nouveaux membres à vie, M. Bunge, avec un versement de 1000 Fr., et M. Alphonse Pictet avec 200 Fr. La société des Vieux-Bellettriens s’est inscrite également parmi nos membres avec une cotisation annuelle de 25 Fr.

Dans un ordre d’idées analogues, mais non plus dans l’intérêt restreint de notre Société, nous avons accordé, sur sa demande, à M. le recteur de l’Université, un subside de 800 Fr. pour aider à la confection et à la distribution d’une affiche illustrée destinée à être expédiée en Amérique dans les établissements d’instruction supérieure afin d’y attirer l’attention sur notre Université.

M. le recteur, en nous adressant sa demande, nous faisait observer que le moment paraissait opportun pour tenter un effort du côté des Etats-Unis, afin d’y recruter une clientèle d’une valeur toute particulière. Cet essai de réclame, car ii faut appeler les choses par leur nom, a-t-il produit le résultat désiré ? Il n’est pas possible de le savoir encore.

La Faculté de droit a demandé notre appui pour soutenir l’enseignement du nouveau code civil allemand, enseignement inauguré par deux privat-docents et réunissant déjà un certain nombre d’étudiants de langue allemande, nous avons avec plaisir accordé un subside de 1500 Fr., mais sans engagement pour l’avenir ; si la clientèle américaine doit être recherchée pour l’Université, nous estimons que la clientèle allemande doit, elle aussi, être cultivée et retenue chez nous. Beaucoup d’étudiants en droit allemands sont disposés à venir à Genève pour se perfectionner dans notre langue s’ils y trouvent en même temps un enseignement juridique portant sur les branches spécialement enseignées dans leur pays. Il est donc à désirer que l’enseignement inauguré par MM. Meumann et H. de Claparède soit maintenu et encouragé à notre faculté de droit.

La faculté de médecine, qui n’avait guère ; jusqu’à présent recouru aux subsides de la Société Académique, nous a demandé cette année une somme de 1000 Fr. pour l’acquisition de modèles dermatologiques vivement désirés par M. le prof. H. Oltramare et destinés à compléter la collection déjà existante, collection d’un genre spécial, œuvre de M. le prof. Havrez, à Lyon. Après renseignements pris dans cette ville, qui nous ont confirmé l’utilité qu’il pouvait y avoir pour nos étudiants à disposer de semblables modèles, nous avons accordé la subvention demandée.

La Faculté des sciences est celle dont les besoins extra-budgétaires sont les plus grands et celle qui fait le plus souvent appel à notre caisse, nous n’avons pu malheureusement satisfaire à tous ses désirs. Sur la demande de M. le prof. Yung, nous avons accordé une somme de 700 Fr. pour l’achat d’un appareil de projection de diapositifs, destiné à son laboratoire de zoologie ; disons à ce propos qu’un appareil analogue de projection fourni l’an dernier pour l’enseignement de M. le prof. Edouard Naville a, au dire de celui-ci, rendu les plus grands services.

M. Eugène Pittard, privat-docent d’anthropologie et d’ethnographie, a reçu un nouveau subside de 400 Fr. pour lui faciliter son voyage en Dobrudja où, comme vous le savez, il s’est déjà rendu une fois pour se livrer, avec l’appui du gouvernement roumain, à des recherches anthropologiques. Après avoir fait un crochet sur Serajewo, où il avait une mission spéciale à remplir pour l’étude de squelettes lacustres récemment découverts, M. Pittard a séjourné pendant trois mois en Dobrudja, dont il rapporte des collections et, surtout, c’était là le but de ses recherches, un nombre considérable d’observations faites sur le vivant. Mme Pittard accompagnait son mari et lui a prêté une active collaboration dans ses travaux. M. Pittard nous a fort aimablement offert de donner une ou deux conférences avec projections au profit de la Société Académique, sur son voyage en Bosnie et Herzégovine. Nous ne doutons pas de l’intérêt et du succès qu’auront ces conférences.

M. le prof. P.-A. Guye s’est adressé à nous pour obtenir un subside pour l’achat et f installation d’appareils électro-chimiques. Nous avons dû, pour ménager l’état de la bourse commune un peu amaigrie par de trop nombreuses saignées, retarder la solution à donner à sa requête et ce n’est que sur le budget de l’année courante que nous avons pu, avec l’aide de la Société auxiliaire, lui allouer un subside de 1500 Fr. Nous espérons que l’Etat trouvera les ressources nécessaires pour permettre à M. le prof. Guye de faire l’installation qu’il voudrait pouvoir mettre à Ia disposition de ses étudiants.

La somme que nous avions accordée à M. Arthur de Claparède pour l’achat de cartes destinées à illustrer des cours qu’il donne comme privat-docent sur la géographie économique et sociale, n’a pas encore été entièrement dépensée ; M. de Claparède se loue beaucoup des services que lui rendent pour son enseignement les cartes de Grèce et des Balkans dont il a déjà fait l’acquisition et qui sont placées dans l’un des auditoires de la faculté des lettres.

Le Fonds Naville a été entièrement liquidé, le solde s’élevant à 733 Fr. 75, a été remis à la Bibliothèque publique pour l’achat de divers ouvrages.

Les revenus du fonds Schwitzguebel ont été remis à la Faculté des lettres qui les a consacrés à l’achat d’ouvrages et de plans relatifs à l’antiquité grecque, du grand ouvrage de Fustel de Coulanges sur les institutions politiques de la France et de quelques volumes de sciences sociales.

Nous avons eu, cette année, le grand chagrin de perdre un membre de notre Comité, M. Marc Micheli, enlevé à l’affection des siens par une cruelle maladie courageusement supportée. Micheli faisait partie de notre Comité presque depuis la fondation de la Société Académique, soit depuis 1890 ; il l’a présidée en 1891-1892 et était resté un membre assidu du Comité, ne manquant que bien rarement une séance, s’intéressant à toutes les branches de notre activité avec la conscience et le zèle qu’il apportait à tout ce qu’il faisait. Marc Micheli n’était pas seulement un homme dont le dévouement à la chose publique s’est manifesté dans bien des domaines différents, c’était aussi un savant distingué ; il faudrait une plume plus compétente que la mienne pour résumer son activité comme botaniste ; qu’il nous suffise de dire que ses travaux ont contribué à maintenir la vieille réputation scientifique de Genève dans cette science de la botanique qui a illustré tant de nos compatriotes.

Vous aurez, Mesdames et Messieurs, à pourvoir dans cette séance au remplacement non seulement de ce membre si regretté, mais encore à celui de huit membres du Comité dont les fonctions expirent aujourd’hui et d’un membre en remplacement de M. W. Spiess, qui décline une réélection à cause de ses études. Les membres actuels du Comité sont rééligibles aux termes de nos statuts.

Nous ne voulons pas terminer ce rapport sans formuler encore nos yeux pour l’avenir de l’Université de Genève, à la prospérité et au succès de laquelle nous portons un si grand intérêt. Elle doit marcher résolument dans la voie du progrès, avec son époque et suivant les idées du temps présent, le développement et la diffusion de la science doivent être sa première et principale occupation. Son avenir paraît devoir être brillant sous la conduite des maîtres distingués qui la dirigent, mais elle doit, à mon humble avis, se garder de certaines illusions qui sont de nature à lui faire plus de tort que de bien. La prospérité et la réputation d’une Université ne se mesurent pas seulement au nombre de ses chaires et de ses étudiants ; il faut, dans ce domaine comme en matière militaire, éviter la folie du nombre qui conduit à préférer la quantité à la qualité. Dans une réunion comme celle-ci, formée d’amis de la science, il n’est pas nécessaire d’insister sur la portée d’une semblable recommandation.

On peut, en atteignant ou dépassant certains records, faire, pendant quelque temps, illusion, mais la logique des choses a bien vite fait de remettre chacun à sa place et si la valeur du personnel d’une université n’est pas en rapport avec son nombre, l’opinion publique, celle qui compte en matière d’enseignement supérieur, a bien vite fait de donner à cette université la cote de valeur à laquelle elle a réellement droit.

Nous savons que nos autorités universitaires ont déjà, et depuis longtemps, réagi contre cette tendance, qui s’est manifestée aussi dans d’autres universités dont la situation est analogue à celle de la nôtre et qui n’ont pas su s’en garer. Nous ne saurions trop engager les représentants de l’Université de Genève à persister résolument dans la voie suivie jusqu’ici et à ne pas se laisser entraîner à imiter ce qui a pu se faire ailleurs.

Si je me permets de toucher aujourd’hui à ce point, c’est qu’il a été abordé tout récemment dans notre Grand Conseil par un député bien connu pour sa clairvoyance et son franc-parler, ce qu’il a dit d’une de nos facultés pourrait bien s’appliquer aussi à d’autres, dans lesquelles les conditions d’admission ne sont peut-être pas toujours assez sévères.

Vous m’excuserez, Mesdames et Messieurs, d’avoir terminé ce rapport par une note légèrement critique, mais vous m’accorderez votre pardon en raison des motifs désintéressés qui m’ont dicté ces courtes observations, inspirées uniquement par l’intérêt que je porte à une université dont je souhaite non seulement la prospérité extérieure et matérielle, mais que je voudrais voir devenir toujours plus un foyer puissant de science et de vie intellectuelle, digne de son glorieux passé et du pays dont elle est une des créations préférées.