Rapport annuel de la présidence 1925-1926

Louis BLONDEL, président
27 novembre 1926

 

 

Mesdames, Messieurs,

Plus que jamais notre Société devient indispensable au développement de notre Université. Le régime des économies, nécessaire pour équilibrer le budget de l’Etat, nécessite partout des réductions ou des suppressions, le développement de nos institutions scientifiques est lui aussi entravé ou compromis par ces mesures. L’initiative privée, représentée par une société telle que Ia nôtre, doit tout mettre en œuvre pour que le niveau intellectuel des études supérieures non seulement se maintienne à Genève, mais puisse progresser. Certes, nos moyens sont limités et votre comité n’a pu accéder à toutes les demandes, mais il s’est efforcé de tenir compte avec justice des nécessités les plus urgentes.

Nous vous donnons ici, Mesdames et Messieurs, les résultats de l’activité de votre comité.

Nous avons alloué une somme de Fr. 2.500 au professeur Duparc pour son laboratoire de métallographie. Il est, en effet, tout à fait nécessaire actuellement d’avoir des installations suffisantes pour les chimistes qui désirent entrer dans l’industrie métallurgique. M. Duparc a installé, dans un des locaux de l’Ecole de chimie, une chambre noire pour la photographie, un appareil optique pour l’examen des métaux, un système de meules pour préparer ces métaux, une collection d’échantillons pour les séries de modèles. Ces perfectionnements permettront l’étude de la composition des alliages.

Le professeur Guyenot nous a demandé de lui venir en aide pour son laboratoire de zoologie, en faisant les frais d’une table d’étude, à la station maritime de Wimereux, pour étudiants genevois. Grâce à une somme de Fr. 500 et à l’obligeance du directeur de la station, le professeur Cau1lery, 17 étudiants ont pu, pendant dix jours, récolter et étudier sur place un grand nombre d’espèces marines qu’ils ont pu ensuite disséquer et examiner au microscope. De plus, six autres personnes ont, pendant le courant de l’été, utilisé les ressources de la station et rapporté du matériel à Genève.

Le cabinet d’orientation professionnelle, qui dépend de l’Institut J.-J. Rousseau, a reçu une somme de Fr. 2.500 pour lui permettre de continuer son activité.

Non seulement cette institution réunit et classe toute la documentation sur les diverses professions, les étudie au point de vue psychologique, mais elle examine en grand nombre 1es adolescents et même les adultes pour leur fournir, sur la base d’un examen approfondi, des conseils pour le choix c1e leur profession ou leurs aptitudes. A une époque où le choix d’une carrière décide de tout l’avenir d’un jeune homme ou d’une jeune fille, il est indispensable, avant de s’engager, de pouvoir s’entourer de tous les renseignements nécessaires.

Le professeur Claparède a reçu Fr. 1.000 comme participation au loyer du laboratoire de psychologie, ce crédit de location ayant été supprimé par l’Etat.

Une somme de Fr. 1.000 allouée au professeur Pittard lui a permis de se rendre cet été avec ses étudiants, pour continuer des recherches paléolithiques, près de Brantôme en Dordogne. Ces stations s’échelonnent comme période du Moustérien au Magdalénien. Les étudiants, pendant ces recherches, peuvent s’initier et se perfectionner dans les méthodes de fouilles stratigraphiques, indispensables pour un travail vraiment scientifique. Nous savons trop, hélas ! combien d’abris sous roches, dans notre région, ont été bouleversés sans profit pour la science. Le vallon des Rébières, exploré à diverses reprises par M. Pittard, a déjà offert la matière de 21 publications, dont plusieurs sont dues aux élèves du laboratoire d’anthropologie.

Notre bateau l’ « Edouard-Claparède » a continué à être utilisé cet été. Malheureusement, son état de vétusté a nécessité des réparations qui risquent d’être encore plus importantes à l’avenir. Nous avons mis à la disposition du professeur Collet une somme de Fr. 500, pour lui permettre de continuer ses sondages et l’étude des sédiments lacustres. 54 récoltes d’échantillons de vase du grand lac ont été effectuées cet été. Elies permettront, avec les récoltes de cet automne, d’établir la carte des sédiments du lac de Genève. Ces études ont non seulement permis des travaux importants des collaborateurs de M. Collet à notre Université, mais elles ont attiré l’attention de savants étrangers, tels que M. Cayeux, professeur au Collège de France, la plus importante autorité en matière de sédimentation.

Comme les années précédentes, nous avons, par notre allocation, rendu possible la marche du jardin alpin « La Linnæa ». De plus en plus, grâce à l’activité inlassable du professeur Chodat, ce jardin devient un centre de recherches, aussi de nombreux étudiants, savants et professeurs étrangers, viennent-ils, pendant la bonne saison, visiter le laboratoire de Bourg-St-Pierre.
Une somme de Fr. 1.500 a été remise au professeur Chodat pour lui permettre de se rendre en Amérique, à Ithaca, afin de présider la section de morphologie, d’histologie et de phytopaléontologie du Congrès international de botanique. En outre, M. Chodat a fait là-bas toute une série de conférences qui ont certainement beaucoup contribué à faire connaître notre Université. 11 a aussi visité à Tucson et Baltmore les installations et f instrumentation géo-botanique, en vue du développement des cours de vacances de « La Linnæa ».

Nous avons donné à Ia Faculté des Sciences économiques et sociales une somme de Fr. 1.000, pour lui permettre l’acquisition de livres et de revues nécessaires à l’accroissement de sa bibliothèque. Le manque de crédits paralyse l’effort de nos bibliothèques, qui cependant ne peuvent supprimer ou arrêter des séries d’ouvrages indispensables aux étudiants.

La Faculté de théologie a reçu Fr. 1.100 pour les cours de M. Georges Berguer, sur l’histoire des religions et de Psychologie religieuse. D’autre part, notre comité a été heureux de prévoir une somme de Fr. 500 pour le cours du professeur Auguste Gampert sur l’histoire d’IsraëI.

A la Faculté de Médecine, nous avons accordé Fr. 500 au professeur de Seigneux pour des pièces gynécologiques artificielles destinées à l’enseignement.
D’autre part, nous avons permis au professeur Beuttner, par l’allocation de Fr. 284, l’achat de deux appareils indispensables à la marche de son service et à l’enseignement. Le premier est un dispositif pour projeter des coupes microscopiques et le second un appareil condensateur à fond noir pour permettre la recherche de l’agent de la syphilis au microscope.

M. le professeur Malche, à la Faculté des Lettres, a demandé l’aide de notre société pour le cours de pédagogie qu’il doit donner, en particulier sur l’enseignement de l’histoire dans ses rapports avec l’éducation morale. Nous lui avons accordé Fr. 1.000 pour lui faciliter l’achat d’ouvrages nécessaires qui ne se trouvent pas à Genève.

L’administration des Cours de vacances, par l’entremise du professeur Bernard Bouvier, nous a demandé notre appui pour l’édition d’un recueil de morceaux choisis français, destiné aux étudiants des Cours de vacances, rédigé par MM. Portier et Ruchon.

Nous avons accordé, à titre de prêt, une somme de Fr. 1.500 ; nous espérons que ce recueil pourra rendre de réels services aux participants des Cours de vacances et contribuer à leur développement.

Comme vous le savez, notre société gère un fonds auxiliaire des Archives qui, pour le moment, est encore insuffisamment doté ; il serait bien désirable que son capital s’accrût pour pouvoir rendre des services. Grâce à l’obligeance de M. de Hahn, au Bureau international du Travail, toute une série de documents des Archives de Vienne ont été déposés à titre de prêt temporaire aux Archives d’Etat de Genève. Une chance inespérée est offerte à nos historiens de pouvoir consulter ces pièces, concernant principalement l’époque de la Restauration. Notre comité a alloué à M. P.-E. Martin, archiviste d’Etat, Fr. 500 pour permettre la copie des documents les plus importants se rapportant à notre histoire nationale.

Nous avons ainsi terminé l’énumération rapide des allocations faites pendant cet exercice.

Comme nous l’avons dit au début de ce rapport, la crise économique se fait douloureusement sentir dans notre enseignement supérieur ; ce n’est qu’avec peine que plusieurs chaires peuvent être maintenues, beaucoup de postes d’assistants ont été supprimés ; d’autre part, les instruments nécessaires, les perfectionnements font souvent défaut. Grâce aux efforts de tous, la crise sera certainement surmontée, mais nous regrettons seulement que nos moyens financiers trop limités ne nous permettent pas de faire plus.

Nous devons reconnaître avec quelle abnégation les professeurs de notre Université cherchent à maintenir le niveau des études, malgré les vents contraires et la nécessité du gain immédiat qui porte préjudice aux recherches désintéressées des hautes études. L’effort doit donc être entrepris, dans tous les milieux que nous pouvons atteindre, pour grossir nos rangs et fournir des moyens toujours plus importants aux différentes disciplines qui composent notre Université.

Nous avons eu le regret de perdre dans le courant de cet exercice plusieurs de nos membres les plus distingués : MM. Paul Seippel, Auguste Cramer, Guillaume Pictet, Edouard Naville, Alfred Chenevière, Louis Wuarin, Léon Fulpius. Que leur famille reçoive ici l’expression de notre sincère sympathie.

Nous avons reçu avec reconnaissance un don de Fr. 500, legs de M. Eugène Richard et Fr. 1.000 en souvenir de M. Guillaume Pictet ; nous n’oublierons pas ces citoyens qui ont grandement honoré notre cité.

Les lauréats du prix Gillet, remis aux élèves sortis premiers du Collège, ont été MM. Blaise Junod, Raymond Vernet, Erwin Haymann et Georges Bôlsterli. L’état favorable du fonds Gillet nous a permis d’élever la somme du prix qui, au lieu de Fr. 500, a été portée à Fr. 750. Grâce aux facilités dues au change, ces jeunes gens peuvent ainsi entreprendre d’assez longs voyages dont ils retirent, nous l’espérons, un profit véritable. Ils sont à l’âge où, avant de se spécialiser dans une branche, il est utile de faire provision de connaissances générales, d’apprendre à voir. Les récits qu’ils doivent nous remettre prouvent que la plupart d’entre eux font un effort pour juger personnellement, sans trop se soucier des impressions d’autrui.

Votre comité a été invité à diverses solennités ; il s’est fait un devoir d’y assister.

Nous ne voulons pas terminer ce rapport sans remercier tous les membres du comité qui, par leur amabilité et leur dévouement, facilitent la tâche du président. Nous remercions tout particulièrement notre précieux secrétaire, M. Arnold Pictet, et notre trésorier, M. Aymon Pictet, qui gère et surveille avec grand soin notre fortune. Merci aussi à nos vérificateurs des comptes. M. Henry Deonna, membre de notre comité depuis plusieurs années, a exprimé le désir de se retirer ; nous regrettons vivement sa décision et nous lui sommes reconnaissants de tout le temps qu’il a consacré à notre société.

A vous tous, membres et amis de notre société, je fais appel pour étendre toujours plus sa sphère d’influence; si notre tâche s’impose comme indispensable pour le développement de notre Université, efforcez-vous de mieux faire connaître notre programme en agissant personnellement auprès de tous ceux qui pourraient nous aider et nous encourager.