Rapport annuel de la présidence 1927-1928

Louis BLONDEL, président
11 décembre 1928

 

 

Mesdames, Messieurs,

Une fois de plus nous venons exposer devant vous la marche de notre société pendant l’exercice qui vient de s’écouler. Nous pouvons, avec satisfaction, affirmer qu’en prenant de l’âge, la Société académique voit ses moyens augmenter et les résultats de son action s’étendre davantage. Quarante années d’efforts constants, dus au dévouement des nombreux membres qui se sont succédé à notre comité depuis sa fondation, ont contribué à la rendre plus prospère et toujours plus efficace. Ceux de nos membres fondateurs qui se trouvent encore parmi nous peuvent avec un sentiment de légitime fierté constater que 1e but qu’ils se proposaient, celui de créer un auxiliaire indispensable à notre Université, a été atteint. Sans doute nous voudrions mieux encore. Devant les demandes toujours plus impérieuses, toujours plus nécessaires, pour maintenir les enseignements de notre haute école genevoise à un niveau digne de sa réputation et des exigences modernes, ii faudrait des contributions plus considérables encore. Cependant, jetant un coup d’œil rapide en arrière, nous pouvons dire que certains chiffres sont éloquents. Plus de Fr. 467.000 ont été distribués pour des allocations à nos diverses facultés. D’autre part, notre société a la gestion de douze fonds différents.

Nous devons ces résultats non seulement à l’appui de nos membres, mais principalement aux généreux donateurs qui ont voulu soutenir une institution qu’ils jugeaient indispensable pour le maintien des valeurs intellectuelles et spirituelles de leur pays. La Société académique est la preuve de f intérêt que tous les Genevois et leurs amis portent au développement et à la grandeur morale de leur patrie.

Quarante années sont encore l’adolescence pour une société, et nous avons le ferme espoir, notre but étant mieux connu du public, de trouver des ressources nouvelles pour le plus grand bien de notre Alma Mater.

Il me reste à vous entretenir des allocations qui ont été faites au cours de ce dernier exercice.

Faculté de médecine. – M. le professeur Du Bois nous a demandé notre appui pour compléter l’impression de fiches et participer à des frais de reliure pour Ia clinique dermatologique. Nous avons aussi pour la même clinique acquis un ouvrage indispensable, celui d’Oscar Gans, Histologie der Hautkrankheiten, en trois volumes.

Au professeur Beuttner nous avons alloué une somme qui lui a permis d’acquérir un modèle destiné à l’enseignement, relatif à la démonstration de la circulation du sang chez le fœtus.

La clinique psychiatrique de Bel-Air se trouve aussi assez dépourvue d’instruments ; nous avons accordé Fr. 2.000 pour l’achat d’un microtome pour les coupes du cerveau entier et pour la microphotographie au professeur Ladame. C’est encore pour des travaux de microtomie et plus spécialement des travaux concernant l’étude du cancer que nous sommes venus en aide au directeur de l’Institut pathologique, le professeur Askanazy. De plus en plus l’enseignement doit se faire par l’image exacte, mais f image en mouvement, semblable à la vie; c’est dans ce but que nous avons participé à l’achat d’un appareil cinématographique destiné à la clinique chirurgicale, au professeur Kummer. Cet instrument sera très utile pour l’étude de certains désordres fonctionnels, les anomalies de la motricité, les désordres suites de malformations ou de lésions traumatiques ou pathologiques de l’appareil neuromoteur. Il sera mis à la disposition des autres professeurs à l’hôpital cantonal.

Enfin, dans la même faculté, nous avons facilité au professeur de Seigneux l’achat d’un appareil de diathermie indispensable pour sa clinique.

Nous passons à Ia Faculté des Sciences. Comme par le passé nous avons pourvu à l’entretien du bateau « Edouard Claparède » ; il a fallu faire plusieurs réparations. M. le professeur André l’a utilisé pour des démonstrations d’appareils limnologiques et pour des travaux sur 1a densité du peuplement de la région profonde.

Quant au laboratoire de botanique alpine du Jardin de la Linnaea à Bourg-St-Pierre, il a bénéficié comme les autres années de notre aide. Je ne puis ici donner tous les détails si intéressants sur l’activité de ce centre de travail, contenus dans le rapport de M. le professeur Chodat. Grâce à sa direction et à l’activité de son fils M. Fernand Chodat, assistant, le jardin de la Linnaea prend une place très importante dans 1es études de biologie alpine en Suisse. Une annexe construite au début de l’année a permis d’installer toute une série de nouveaux instruments, entre autres un clinostat mû par un moteur, un appareil pour mesurer l’effet de la température sur les mouvements diurnes et nocturnes des organes floraux, une plaque chauffante, un petit autoclave électrique en vue de recherches de microbiologie alpine. Les expériences d’acclimatation des céréales ont continué à être faites. Grâce à l’obligeance des moines du Grand-St-Bernard on a pu créer une annexe du jardin à haute altitude. En plus du directeur et de son assistant, 18 botanistes, suisses, anglais, irlandais, allemands, américains et italiens, ont fait d’importants travaux. 14 excursions ont pu avoir lieu avec succès, 550 visiteurs sont venus voir le jardin. Nous sommes heureux de constater le grand succès du laboratoire dû à l’activité inlassable de M. Chodat et de ses assistants.

Les installations de la station de zoologie expérimentale, pour lesquelles notre société a déjà souvent contribué, restent encore imparfaites, aussi sommes-nous venus en aide au professeur Guyénot pour la construction d’un pavillon-annexe des bâtiments d’élevage. Dans la même station, M. Arnold Pictet a eu recours à nous pour la confection de cages d’élevages, les anciennes devenant hors d’usage à la suite d’une épidémie qui a malheureusement atteint la plupart de ses cobayes.

Sur le fonds Gillet nous avons remis au professeur Chaix Fr. 1.200 pour sa chaire de géographie physique et plus spécialement son enseignement de topographie expéditive. Cette somme a permis d’acheter un théodolite Kern et une alidade à stadia Kern, avec tous leurs accessoires.

Grâce au généreux legs de Madame Diodati-Plantamour nous avons pu constituer un fonds nouveau, le Fonds Emile Plantamour, spécialement destiné à l’observatoire et au développement de la science astronomique et météorologique. Après l’établissement d’un règlement particulier pour l’emploi des revenus de ce fonds, qui figure au bilan pour Fr. 161.000, nous avons nommé une commission spéciale chargée de l’examen de tout ce qui concernait les demandes d’allocation. L’observatoire est digne de tout notre intérêt ; par manque de ressources, bien des améliorations indispensables ont dû être renvoyées indéfiniment. Grâce à Madame Diodati des progrès certains pourront être marqués, aussi notre profonde gratitude va à la mémoire de cette bienfaitrice de notre société.

Sur ce fonds M. le professeur Raoul Gautier nous a demandé une allocation pour acheter un chronomètre de marine Nardin. Le nouveau et actif directeur de l’observatoire, M. Tiercy, a établi une première série d’acquisitions nécessaires. Ce sont un pendule à pression constante, un spectrocomparateur, une allocation aux publications de l’observatoire et au service du Jungfraujoch où l’observatoire possède un télescope.

La Faculté des Sciences économiques et sociales voit sa bibliothèque déjà importante s’accroître sans cesse, mais ses ressources restent modestes ; une somme mise à sa disposition sur le fonds Gillet lui a permis un achat de livres et la constitution d’une série de clichés pour le cours de géographie humaine.

Comme je vous le disais l’année dernière, la Faculté de droit, avec notre concours, a établi des salles de travail et sa bibliothèque, la salle Eugène Richard, au rez-de-chaussée de Ia Bibliothèque publique. Ces locaux très bien compris par le doyen de la faculté, M. le professeur Albert Richard, rendent de grands services aussi bien aux professeurs qu’aux étudiants.

La Faculté des lettres, à la suite de la démission de M. le professeur De Crue, de qui nous avons maintenant à déplorer la perte, a réorganisé son enseignement de l’histoire ; mais, comme les sommes prévues au budget étaient insuffisantes pour une chaire nouvelle ordinaire, nous avons accordé au nouveau titulaire de la chaire d’histoire médiévale et moderne, M. Paul-E. Martin, une allocation pour trois ans. Cette somme a été prise sur le fonds Gillet. Nous sommes heureux d’avoir ainsi permis la création d’une chaire ordinaire d’histoire et de saluer ici un professeur aussi érudit que M. le professeur Martin.

Nous avons mis de nouveau à la disposition des cours de vacances et du séminaire de français moderne une avance de Fr. 5.000.

A la Faculté de théologie nous avons, comme les années précédentes, prévu des allocations pour le cours sur l’histoire des religions et sur l’histoire d’IsraëI.

Il convient de remarquer que MM. Georges Berguer et Auguste Gampert viennent d’être nommés, le premier, professeur extraordinaire, le second professeur ordinaire de ces chaires ; nous félicitons très particulièrement la Faculté de s’être agrégé des personnalités aussi remarquables qui offriront un concours précieux à notre Université. Nous sommes heureux d’avoir, pendant plusieurs années, soutenu leur enseignement à la Faculté.

Nous passons maintenant à l’énumération des allocations générales.

Depuis des années on se plaignait de l’insuffisance de la lanterne à projections de la salle de l’Aula. Sur l’initiative de M. le professeur Chodat nous avons étudié cette question et après maints pourparlers nous nous sommes décidés pour l’achat d’un grand épidiascope Leitz, que nous avons offert à l’Université.
Celle-ci pourra en disposer comme elle l’entend, et vous avez déjà eu l’occasion de constater les mérites de cet appareil de premier ordre. Avec les installations électriques l’épidiascope a coûté Fr. 5.799, somme prise sur le fonds Gillet.

M. Fréderic Gardy a reçu pour la Bibliothèque publique un subside qui lui permettra de poursuivre le catalogue collectif des bibliothèques genevoises. Ce travail, très important, groupe les fiches des multiples bibliothèques des facultés, instituts et laboratoires, de notre Université. Par manque de fonds ce catalogue avait subi un grand retard.

L’association des femmes diplômées de notre université a reçu une aide pour lui faciliter une monographie sur l’historique des études féminines à notre haute école.

Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque publique a fait des achats pour Fr. 3.836. Sur ce chiffre il faut comprendre la seconde annuité du Philosophical Magazine. Mentionnons les acquisitions les plus importantes : Hyperius, Religion chrétienne, Genève 1568 ; plusieurs

ouvrages sur Rousseau, éditions anglaises et allemandes ; les Monuments des Croisés de C. Enlart ; une collection d’affiches et de placards genevois des XVIIIe et XIXe siècles, formée par Charles Bastard; enfin une série de volumes achetés à la vente Naly.

Le Fonds Moynier a permis de continuer l’abonnement de 60 revues et publications.
Votre comité a estimé qu’il était du devoir de la Société académique de venir en aide au Conservatoire et Jardin botanique dirigé par M. John Briquet. Un appel a été lancé par des personnalités scientifiques éminentes du monde entier pour attirer l’attention du public sur l’importance de cette institution, afin de compléter une somme fournie par la Fondation Rockefeller. Nous avons alloué Fr. 5.000 à la Fondation auxiliaire du conservatoire botanique, désirant ainsi encourager tout ce qui peut améliorer les hautes études à Genève.

Nous avons eu le grand regret de perdre plusieurs de nos membres pendant le dernier exercice : MM. Gustave Ador, Lucien Cellérier, Robert Odier, Mme Charles Rigaud et, tout récemment, M. Francis De Crue, la doctoresse Champendal, M. Aymon Pictet. Cette simple énumération montre à elle seule l’importance de ces pertes, soit pour notre société, soit pour le pays tout entier.

C’est avec une grande reconnaissance que nous avons reçu des dons en souvenir de M. Gaston de Ia Rive Fr. 1.000, Gustave Ador Fr. 2.000 et le beau legs Mme Rigaud-Plantamour Fr. 30.000. Nous mettons ici en parallèle les deux sœurs Mme Diodati-Plantamour et Mme Rigaud-Plantamour qui toutes deux ont largement et généreusement doté notre société. Grâce à elles nous pourrons mieux qu’auparavant poursuivre le but qui nous est assigné. Nous garderons un souvenir ému de ces deux bienfaitrices de notre Université.

Les lauréats du prix Gillet, remis aux élèves sortis premiers du collège, ont été MM. Jean Dutoit, Eric Sandoz, Louis Sandoz et Louis Weber. La somme prévue pour leur permettre de faire un voyage aussi attrayant qu’instructif a été portée à Fr. 1.000 pour chacun d’eux. Les récits de voyage, la plupart bien illustrés, étaient jusqu’à présent restés dans nos archives ; nous avons estimé qu’ils seraient plus utiles au Collège, aussi les avons-nous mis en dépôt, à titre de prêt, aux archives du Collège où ils peuvent être facilement consultés par les candidats au prix.

Notre comité a entretenu d’étroites relations avec l’Université ; nous avons été invités soit au Dies academicus, soit à la séance d’ouverture du semestre.
Nous croyons très nécessaire d’associer nos membres à la vie de l’Université et nous nous félicitons des excellents rapports que nous avons entretenus, soit avec l’ancien recteur M. W. Rappard, soit avec le nouveau recteur M. Charles Werner auquel nous apportons nos vœux de sincère collaboration.

Au terme de ce rapport il me reste le douloureux devoir de rappeler la perte toute récente de notre trésorier, M. Aymon Pictet. Voilà 14 ans que votre société a fait appel à son dévouement et qu’avec une haute conscience et avec un intérêt soutenu il n’a cessé de s’occuper de la gestion de nos fonds et de notre caisse.
Nous ne savons que trop, malheureusement, tout ce que nous perdons avec lui, car il n’est point facile de se retrouver au milieu des fonds si divers qui sont confiés à la Société académique. Il avait encore soigneusement préparé les comptes du dernier exercice ainsi que le budget. Emport dans la force de l’âge, au moment où il pouvait rendre encore de si grands services, nous lui adressons un souvenir ému et reconnaissant ; notre profonde sympathie va à sa famille si durement éprouvée.

Nos remerciements vont aux membres de notre comité qui ont participé très régulièrement aux séances, aux membres de la commission du fonds Gillet, à nos vérificateurs des comptes. Un merci tout particulier à notre fidèle secrétaire M. Arnold Pictet, qui facilite grandement la tâche du président et maintient en parfait ordre nos archives.

Mesdames, Messieurs, je fais appel à vous tous, pour nous attirer de nouveaux membres ; les départs récents doivent être remplacés, et au-delà, par des forces nouvelles, amies de notre Université. Le nombre de nos sociétaires est certainement insuffisant, il faut à tout prix l’augmenter. Après quarante années d’efforts la Société académique a conquis sa place, elle a prouvé sa vitalité, ses regards sont dirigés avec confiance vers l’avenir. Nous savons qu’il y aura encore bien des difficultés pour tout ce qui concerne le domaine des hautes études, mais ces difficultés doivent être vaincues : elles le seront, nous en avons le ferme espoir, grâce à la collaboration de tous nos sociétaires, à leur esprit de sacrifice qui n’a jamais fait défaut dans notre petite patrie genevoise.