Rapport annuel de la présidence 1951-1952
Roger Firmenich, président
28 novembre 1952
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Il y a un mois, l’Etat de Genève remettait à l’Université le nouvel Institut de Physique. Beaucoup d’entre vous ont assisté à la cérémonie d’inauguration et la presse a relaté les paroles qui ont été prononcées à cette occasion. Je m’excuse de vous en reparler ce soir, mais notre Société a été si liée à cet événement que je ne saurais l’ignorer.
Ce sera tout d’abord pour vous présenter notre illustre conférencier dc ce soir, le professeur Paul Scherrer. J’ai eu l’insigne privilège, il y a bien des années, de compter au nombre de ses étudiants.
Il serait difficile de vous décrire la popularité du professeur Scherrer parmi nous. Il était à peine notre aîné, mais déjà un grand physicien, connu dans le monde des savants. Ses leçons étaient si éblouissantes que nous « gâtions » volontiers l’heure précédente pour être sûrs de trouver une place dans son amphithéâtre.
En 1943, quand il s’est agi d’établir les plans de construction du nouvel Institut de Physique, le professeur Scherrer voulut bien accepter de fonctionner comme expert en collaboration avec le professeur Jaquerod de Neuchâtel. Ses conseils et ses suggestions ont été infiniment appréciés.
Au Conseil Européen de Recherches Nucléaires, son prestige parmi ses collègues le fit appeler à occuper le fauteuil de la présidence. C’est à ce poste qu’animé d’un magnifique esprit de solidarité confédérale, il a considérablement aidé au choix de Genève comme siège du futur Laboratoire. La Société Académique, consciente de l’importance de cette décision pour la vie scientifique de notre Cité, vous est profondément reconnaissante, Monsieur le professeur.
L’Université a choisi l’occasion de l’inauguration de l’Institut de Physique pour vous décerner le titre de docteur ès sciences honoris causa de l’Université de Genève.
Au nom de notre Société et dc toutes les personnes présentes, je vous remercie infiniment d’avoir soustrait des heures précieuses à vos absorbantes occupations, afin de venir nous parler ce soir des « récents progrès de la physique nucléaire ».
Il nous faut encore retracer rapidement le rôle de la Société Académique dans la construction de l’Institut de Physique. En contact incessant avec les autorités universitaires, notre Comité connut dès 1943 le besoin impérieux de donner à la section de physique de la Faculté des Sciences des locaux lui permettant de suivre normalement le prodigieux développement de la physique moderne. Il fit appel à l’industrie genevoise et confédérée pour créer un Fonds destiné à l’équipement du nouvel Institut et recueillit ainsi près de Fr. 300.000,-. Il offrit, en outre, Ia somme nécessaire à un concours d’architectes.
Ces moyens étaient relativement modestes par rapport à la somme qu’il fallait engager, mais ils eurent une influence capitale sur les décisions ultérieures des pouvoirs publics.
Il m’est agréable de redire une fois encore que deux membres de notre Comité tout particulièrement ont dépensé une énergie considérable à cette œuvre.
Ce fut tout d’abord le professeur François Pfaeffli qui sut fixer l’attention du Comité sur ce problème et qui, pendant toutes ces dernières années, présida inlassablement la Commission de construction de l’Institut.
Ce fut aussi M. Georges Lemaître, trop tôt disparu, qui sut éveiller l’intérêt de l’industrie et qui fut le véritable animateur du Fonds 1944 pour l’Institut de Physique et l’Université. Nous adressons à Mme Lemaître nos pensées très émues.
La Société Académique a ainsi activement participé à une très belle réalisation. Cet Institut permettra, non seulement un nouvel essor des travaux de nos physiciens genevois, mais il a été un atout important dans Ia main de nos négociateurs pour le choix de Genève comme centre du Laboratoire européen.
Le professeur Extermann a eu la très grande amabilité d’organiser des visites avec démonstrations du nouvel Institut de Physique, destinées aux membres de la Société Académique. La première a eu lieu hier et a eu le plus grand succès. La deuxième aura lieu demain. Nous remercions très vivement le professeur Extermann de toute sa peine.
Au cours de cet exercice, nous avons eu le plaisir d’accueillir comme nouveaux membres de notre Société, un groupe d’ingénieurs diplômés de l’Ecole Polytechnique fédérale, habitant Genève et qui montrent ainsi leur intérêt à notre Université. Le recrutement est cependant intéressant. M. le recteur Bujard a eu l’amabilité de dire lui-même dans son allocution du Dies Academicus l’importance de notre Société et de l’Association des Etudiants dans la vie universitaire et a encouragé tous les amis de l’Université à se joindre à nos rangs. Son appel et les nôtres ne reçoivent malheureusement que trop peu d’écho. Nous nous permettrons donc de distribuer des bulletins d’adhésion ce soir à la sortie à ceux d’entre vous qui ne sont pas membres de ta Société Académique et qui désirent le devenir.
Nous les remercions à l’avance et souhaitons qu’ils soient nombreux.
Nous avons à nouveau à déplorer cette année plusieurs décès parmi nos sociétaires : Edmond Boissier, Michel Grodensky, Frédéric Leclerc, Albert Meyer, le professeur Kurt Hans Meyer, Frédéric Rilliet, Henri Schütz,, Mmes K. D. Boissevain, Ph. Monnier, Jean Morin, L. de Toledo.
Nous exprimons à leurs familles notre très profonde sympathie.
Comme de coutume, notre Comité s’est penché avec beaucoup d’intérêt sur les demandes de subsides qui lui ont été adressées. Nous n’avons pu y répondre que dans la mesure de nos moyens, malheureusement toujours limités. Le coût des appareils augmente sans cesse et la science exige un équipement de plus en plus perfectionné. Nous sommes certains, cependant, que les sommes que nous pouvons distribuer grâce à votre générosité, sont extrêmement utiles. Il nous arrive souvent de visiter un laboratoire où un appareil acquis par un subside de la Société Académique est en travail, et nous nous réjouissons, dans ces occasions, de constater le développement des recherches ou de l’enseignement que ledit appareil a permis de réaliser.
Pendant ce 64e exercice, notre Fonds ordinaire nous a permis d’accorder les subsides suivants :
A la Faculté de médecine, au professeur Edouard Frommel, Fr. 1650,- pour un appareil de mesure de Ph. ; au professeur BUJÀRD, Fr. 2262,75 pour l’équipement d’un microscope Ortholux de la maison Leitz, permettant l’examen à contraste de phases et la prise de notes microphotographiques ; au professeur E. Grasset, Fr. 2550,- pour 3 accessoires d’un appareil d’électrophorèse, appareil lui-même acquis avec l’aide de la Fondation Rockefeller.
A la Faculté iles Sciences, au professeur Cortesi, une deuxième allocation de Fr. 1250, pour l’achat d’un appareil d’atomisation, une partie du coût total étant couvert par une entreprise privée; au professeur Paréjas, Fr. 2820, – pour une débiteuse de précision destinée à la préparation de coupes infiniment minces de roches pour leur étude microscopique ; au professeur Guyénot, Fr. 1516,70 pour une loupe binoculaire Reichert, nécessaire aux travaux d’anatomie comparée.
Au Doyen de la Faculté de Droit, professeur Liebeskind, une nouvelle allocation de Fr. 1000,- pour les travaux de reliure.
A la Faculté des Lettres, au professeur Stelling-Michaud, Fr. 500, pour un appareil enregistreur, destiné à compléter l’équipement de l’enseignement d’interprétation simultanée à l’Ecole d’interprètes ; au professeur Victor Martin, Fr. 500, pour l’exécution de photographies infrarouges de papyrus pratiquement indéchiffrables par la lecture directe ; au professeur Hausermann, Fr. 500,- pour l’achat d’ouvrages anglais, indispensables à l’enseignement.
Les crédits dont dispose la Bibliothèque publique et universitaire sont actuellement totalement insuffisants et nous souhaitons que le Département de l’Instruction publique examine avec attention les propositions qui lui seront présentées pour l’amélioration de cet état de fait.
Au Doyen de la Faculté des Sciences économiques et Sociales, professeur Terrier, Fr. 500,- pour travaux de reliure.
En dehors de ces subsides directs aux Facultés, le Fonds ordinaire a encore été utilisé pour un versement de Fr. 1000.-, à la Bourse Gallatin qui, comme vous le savez, permet l’échange d’étudiants suisses et américains.
La gérance des divers Fonds que nous administrons appellent les remarques suivantes :
Le Fonds Gillet « Ordinaire », dont les revenus sont importants et qui, selon les désirs de Ia testatrice,
doivent être utilisés pour l’enseignement de l’histoire, de la géographie ou de l’économie politique, a permis deux subventions : l’une de Fr. 3500,- à la Faculté autonome de Théologie pour l’enseignement de l’histoire des religions ; et l’autre de Fr. 2500,- à la Faculté des Lettres pour un cours sur « le peuplement de la Grèce antique « , par M. W. Borgeaud.
Les candidats du. Fonds Gillet Voyage ont été cette année : MM. Claude-Louis BERAN, en section classique, Jean-Luc Meylan, en section latine, Jean-Claude Holy, en section scientifique. Ils ont chacun reçu une bourse de Fr. 700,-.
Le Fonds Paul Moriaud a rempli à nouveau son but en nous permettant d’octroyer une subvention de Fr. 2000,- à M. Luc Boissonnas pour l’aider à la rédaction et à la publication de sa thèse sur le séjour du peintre De La Rive à Rome, et une subvention de Fr. 500, à M. Ad. Ferrière pour l’édition de son ouvrage intitulé « L’essentiel, Introduction au Symbolism » universel des religions.
Nous vous signalions l’année dernière qu’il deviendrait nécessaire d’acquérir du mobilier pour le chalet de La Linnaea. C’est maintenant chose faite : 12 lits ont été achetés pour la somme de Fr. 500, – qui a été prélevée sur le Fonds ordinaire.
Mme Lucie CHODAT a fait don à la Société Académique d’une partie de l’ancien mobilier du chalet ; nous lui exprimons nos très vifs remerciements.
Le revenu du Fonds de La Linnaea étant insuffisant, il a également fallu prélever sur le Fonds ordinaire la somme de Fr. 240, pour compléter les Fr. 600,-, soit la part des frais d’entretien du chalet incombant à la Société académique.
Le Fonds auxiliaire de la Bibliothèque Publique et universitaire a fait trois achats : 1) une lettre autographe de Jean-Jacques Rousseau au marquis de Mirabeau ; 2) l’ouvrage de Leonardo da Vinci, «Manoscritti e disegni », 14 volumes et 7 portefeuilles, publiés de 1923 à 1952 ; 3) et un complément au « Dictionnaire des fiIigranes » de Moise Briquet : « The Briquet Album », paru dans les « Monumenta chartae papyraceae », t. II.
Le Fonds Moynier a payé l’abonnement à 24 revues de sciences économiques et sociales.
La Commission du Fonds Théodore Turrettini a décidé que le concours n’aurait lieu que tous les quatre ans, ceci pour permettre l’attribution d’un prix plus substantiel. L’échéance du prochain concours est fixée au 30 juin 1954.
Nous avons marqué notre intérêt à l’expédition scientifique à l’Himalaya, par un versement symbolique de Fr. 1000,-, voté au cours de l’exercice 1949-1950. Nous félicitons vivement les savants genevois, le professeur Augustin Lombard, ancien membre de notre Comité, Mme Lobsiger-Dellen-Bach et M. Zimmermann pour les belles collections qu’ils ont constituées dans des conditions souvent bien dures.
Cette longue et peut-être fastidieuse énumération des subventions que nous avons accordées, est ainsi terminée.
Nous avons procédé à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité. Auparavant, je rappelle que M. Marc Borgeaud a renoncé cette année à la fonction de secrétaire de notre Comité, fonction qu’il a occupée pendant 8 ans. Au nom de notre Société, je tiens à le remercier très vivement de l immense travail qu’il a fourni et à le féliciter de toute la compétence avec laquelle il a mené notre secrétariat. M. Philibert Lacroix a bien voulu accepter de lui succéder dans cette lourde tâche.
Nous vous demandons donc d’accorder à nouveau votre confiance et vos suffrages à MM. Louis Blondel, Paul Collard, Marc d’Espine, André Fatio, Roger Firmenich, Bernard Naef, membres sortant du Comité, qui tous acceptent une réélection.
Comme contrôleurs des comptes, nous vous proposons de réélire : MM Max Rappard, Albert Turrettini, et de remplacer M. Walter Haccius, démissionnaire, que nous remercions très sincèrement de sa précieuse collaboration, par M. Raoul Lenz.
Comme chaque année, nous nous sommes associés aux principales manifestations universitaires et saisissons l’occasion de ce rapport pour exprimer tout particulièrement au professeur BUJARD notre profonde reconnaissance pour les sentiments si bienveillants qu’il a toujours manifestés à l’égard de notre Société au cours de ses deux années de rectorat.
Nous avons déjà trouvé chez son successeur, le professeur Babel, le même cordial accueil et nous l’en remercions vivement. Nous associons à ces remerciements M. Hermann Blanc dont l’aide nous ait toujours si précieuse.
Le Président du Conseil d’Etat, M. Louis Casaï, et le Président du Département de l’instruction publique, M. Albert Picot, ont toujours écouté nos multiples requêtes avec intérêt. Nous nous excusons d’avoir trop souvent accaparé leur temps si précieux et nous les remercions de toute l’attention qu’ils portent aux problèmes que nous leur soumettons.
Nous vous parlions, l’année dernière, de la nécessité de la construction du nouvel Institut d’Hygiène.
On nous a promis qu’un concours d’architectes serait ouvert très prochainement. La question nous parait d’une extrême urgence. Nous savons que le professeur Grasset est inquiet de l insuffisance des moyens dont il dispose.
1952 restera marqué d’une pierre blanche dans l’histoire de l’évolution de la science en Suisse. Le 1er août, le Fonds national, de la recherche a » définitivement vu le jour. Les fortes sommes qu’il sera en mesure de distribuer seront une aide considérable aux savants suisses. Son organisation fort bien étudiée et le caractère de fondation privée qui lui a été concédé, permettra sans doute d’éviter les dangers inhérents à un organisme de cette importance. Il sera nécessaire de coordonner l’action du Fonds national de la recherche avec celle des groupements déjà existants, telle que notre Société. Quoi qu’il en soit, nous sommes heureux de constater que les Chambres fédérales ont compris 1a nécessité de fournir à nos savants les moyens nécessaires pour travailler sur un pied d’égalité avec ceux des nations déjà mieux organisées dans ce domaine.
La tâche de Ia Société Académique n’en sera en rien diminuée, bien au contraire. Il n’est pas téméraire de prévoir que le Fonds national, de Ia recherche se montrera certainement plus généreux envers les Universités et les chercheurs qui auront su obtenir à d’autres sources une partie des sommes nécessaires à leurs travaux. Nous pourrons ainsi continuer, comme par le passé, à contribuer à la prospérité de notre Université, de toutes ses Facultés et de tous ses Laboratoires.