Rapport annuel de la présidence 1956-1957

André FATIO, président

5 novembre 1957

 

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, en ouvrant la 69″ assemblée générale de la Société Académique, de saluer la présence de M. Alfred Borel, président du Conseil d’Etat. Je salue également M. Paul Wenger, recteur de l’Université, M. le vice-recteur Jaques Courvoisier, Messieurs les doyens ainsi que les représentants des enseignements universitaire et secondaire qui nous honorent de leur présence.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à notre conférencier, M. Paul-Emile Victor, directeur des Expéditions Polaires Françaises, qui nous entretiendra dans quelques instants du sujet suivant : Les régions polaires et l’année géophysique internationale

Issu d’une famille française du Jura, M. P. Victor est né à Genève ; pour être tout à fait précis, il est venu y naître et il en est reparti aussitôt, ce qui est bien dans la ligne d’un futur voyageur.

Sa carrière d’explorateur a commencé en 1934, il y a 23 ans, à bord du Pourquoi Pas du Dr Charcot où il se trouvait d’ailleurs avec M. Michel Perez bien connu à Genève.

Depuis lors, M. Victor a passé au total onze années dans les régions polaires : Groënland, Alaska et Antarctique.

Les années de guerre ont été marquées par un état de service exceptionnel, tout d’abord comme adjoint de l’Attaché naval de France en pays scandinave, ensuite comme officier à l’école d’entraînement arctique de l’aviation américaine où il a guidé de son expérience les parachutistes au Groënland, au Labrador et en Alaska. En considération de ses éminents services, il a été promu au grade de « Group Captain ». Depuis sa démobilisation, en juillet 1946, les expéditions qu’il dirige ont poursuivi leur activité simultanément dans les régions polaires nord et sud.

M. Paul-Emile Victor, qui est Président du Comité antarctique français de l’année géophysique, nous dira probablement comment ses travaux scientifiques polaires s’intègrent dans le vaste programme de l’année géophysique. Il nous expliquera peut-être aussi pourquoi l’année géophysique qui a commencé le 3o juin de cette année aura 18 mois et non pas 12 mois comme l’année de tout le monde. Est-ce pour que les savants que l’on dit être «dans la lune» aient le temps de s’y rendre effectivement. La plupart d’entre nous ne connaissent pas grand chose aux questions polaires. Nous ne savons pas ce qui distingue un pôle de l’autre, si ce n’est qu’au nord il y a un océan et, au sud, un continent, tous deux couverts d’une épaisse couche de glace, et pourtant le Dr Charcot disait : «Si vous vous trouvez dans une région polaire sans savoir laquelle, rien de plus simple: si vous rencontrez un ours blanc, c’est que vous êtes au Pôle Nord; si, au contraire, vous découvrez des manchots c’est que vous êtes au Pôle Sud. » Nous sommes des sédentaires et vos récits seront pour nous l’air vivifiant du large.

Avant de donner la parole à M. Victor, nous devons vous rendre compte, selon l’usage, de l’activité de la Société Académique pendant l’exercice se terminant le 30 septembre 1957.

Nous désirons au préalable rappeler la mémoire de l’un des plus anciens et des plus fidèles membres de notre Comité, M. Frédéric Gardy, Directeur honoraire de la Bibliothèque Publique et Universitaire, décédé en mai de cette année. Entré au Comité de la Société Académique il y a 45 ans, M. Gardy en assuma la présidence en 1914 et 1915. Il présida en outre pendant de longues années la Commission du Fonds Auxiliaire de la Bibliothèque publique et la commission du Fonds Moynier.  Au moment de son décès il faisait encore partie de ce fonds ainsi que de la Commission du fonds des Archives d’Etat.

Les services que M. Gardy a rendu à la Société Académique sont à l’échelle de son attachement à

notre Université qui est la marque distinctive de sa belle carrière. Par la loyauté de son caractère, sa grande culture et sa bienveillance naturelle, il s’était acquis la vénération de tous les membres de notre Comité. Nous Madame Gardy et Mademoiselle Gardy notre profonde sympathie.

Nous désirons rappeler également le souvenir des membres de notre société qui sont décédés depuis la dernière assemblée générale. Ce sont : MM. Jean Th. Lacour, Albert Choisy, Charles Spierer, Alfred Georg, Jean Lombard, Fernand Aubert, Ferdinand Morel, Dr René Koenig, Edouard Bordier, Louis Ramseyer, Professeur Georges Nagel, Dr Charles Patru, Dr Victor de Senarclens, Henri Jacob, Professeur Léon W. Collet, Mme Aymon Pictet, Professeur Edmond Grasset et Henri Barbier.

Le professeur Collet avait fait partie jusqu’à son décès de la Commission du Fonds Edouard Claparède Et de la Commission du Fonds Emile Plantamour.

Nous rendons hommage à la mémoire de ces disparus et exprimons à leur famille nos sentiments de vive sympathie.

Durant ce 69e exercice, les revenus de notre Fonds ordinaire nous ont permis d’accorder les subventions suivantes :

A la Faculté des sciences économiques et sociales, au professeur Terrier, Fr. 2000,- pour l’achat d’un

appareil de projection du type Vu-Graph.

À la Faculté des Sciences, au professeur Sauter, Fr. 3000,- pour compléter le matériel de fouille de l’Institut d’anthropologie.

La Faculté des sciences et la Faculté de médecine ont doté conjointement le laboratoire de diffraction des rayons X d’une caméra spéciale à l’aide d’une subvention de Fr. 3750,- mise à la disposition des professeurs Baumann, Gysin et Held et du Dr Baud.

En outre, la Faculté de médecine a reçu Fr 2577.- pour l’achat, par Ie professeur Posternak, d’une installation de mesure avec micro-électrode capillaire.

A la demande du professeur Collart, nous avons alloué Fr. 4000,- à la Faculté des lettres pour l’acquisition d’un électrophone et la constitution d’une discothèque, afin de faciliter l’enseignement du français et des langues étrangères.

La somme de Fr. 937,- a été remise au professeur Leenhardt pour l’achat d’ouvrages nécessaires à la Faculté autonome de théologie.

Le Fonds ordinaire a versé Fr. 5000,- au Fonds du Jubilé, portant celui-ci à Fr. 18.685, -.

Tenant compte de versements ultérieurs à ce fonds, il a été décidé de fixer à Fr. 25.000, – la participation financière de la Société Académique au IVe Centenaire de l’Université.

Notre société administre en outre divers fonds à destination spéciale provenant de dons ou de legs confiés à sa gestion.

Le Fonds Gillet ordinaire a été mis à contribution par une allocation de Fr. 4000,- à la Faculté autonome de théologie pour l’enseignement de l’histoire des religions.

Les revenus du Fonds Gillet Voyages ont permis d’attribuer trois bourses de Fr. 1000,- chacune aux lauréats suivants sortis premiers aux examens de maturité : M. André Yung, en section classique : M. Alfred Dufour, en section latine ; M. Pierre Genequand, en section scientifique.

Le Fonds auxiliaire da la Bibliothèque Publique a acquis, pour la somme totale de Fr. 7018,-, les ouvrages suivants :

Recueil de pièces historiques imprimées sous le règne de Louis XI, Ed. par Emile Picot et Henri Stein ;

– une édition de Virgile et d’Horace, imprimée par Henri Estienne en 1583 ;

– le fac-similé des Cahiers de Paul Valéry ;

– L’Encyclopedia Americana, en 31 volumes ;

– la Bibliothèque d’égyptologie, de feu le Professeur Nagel, composée de près d’une centaine de volumes qui viennent compléter la bibliothèque Edouard Naville.

En outre, Fr. 2859,- ont été prélevés sur le don de Mlle Burkhard pour l’achat d’ouvrages de littérature et d’histoire.

Les revenus du Fonds Moynier ont permis d’allouer une somme de Fr. 541,- à la Bibliothèque publique et universitaire pour des abonnements de périodiques.

Grâce à une allocation de Fr. 4000,- du Fonds des Études classiques, M. Claude Wehrli, licencié de notre Université, pourra achever ses travaux de doctorat à I’Institut Suisse de Rome.

Le Fonds Plantamour a mis à la disposition du professeur Golay, Directeur de l’Observatoire une subvention de Fr. 5169,- pour l’achat d’un densitomètre à iris.

Enfin, la Commission du Fonds Marc Birkigt a accordé les bourses suivantes : Fr. 3600,- à M. Luc Thélin pour poursuivre ses études sur l’action des radiations ionisantes sur le patrimoine héréditaire des animaux ; Fr. 4.200,- à M. I. Kapétanidis pour continuer ses recherches sur le thorium ; Fr 1100,- à Albert Carozzi pour l’étude de sédiments prélevés aux Etats-Unis.

Ainsi que vous le savez, notre société est propriétaire de la station de biologie alpine de la Linnaea à Bourg- Saint-Pierre et contribue pour un tiers à ses frais d’exploitation. Le professeur Chodat s’y, est rendu au début de juillet avec un groupe de 27 étudiants et assistants du Cours de botanique générale et y a installé peu après des botanistes anglais venus étudier la flore de cette région.

Le travail du Cormité est rendu facile par les rapports agréables que nous entretenons avec les autorités cantonales et les dirigeants de l’Université.

M. Alfred Borel, président du Conseil d’Etat et chef du Département de l’Instruction publique trouve toujours le temps de nous écouter et de s’intéresser activement aux questions que nous lui soumettons.

M. le recteur Paul Wenger vibre aux mêmes problèmes que nous, il encourage nos initiatives et facilite nos démarches. Aux remerciements que nous lui adressons, nous associons M. Hermann Blanc, Secrétaire de l’Université, pour l’aide qu’il nous apporte avec une inlassable complaisance.

L’article 3 de nos statuts prévoit ce qui suit :

« La Société Académique a pour but de grouper tous les amis des études supérieures à Genève. Elle se propose de contribuer de tout son pouvoir au progrès du haut enseignement dans tous les domaines et particulièrement au développement de l’Université. »

Nous pensons que notre activité est restée fidèle ces directives statutaires.

Les allocations que nous venons d’énumérer sont modestes, mais elles constituent précisément le surplus indispensable que les facultés peuvent difficilement insérer dans leur budget ordinaire. L’Etat fait vivre l’Université ; Ia Société Académique lui apporte une aide marginale permettant aux  Professeurs d’intensifier leurs recherches et de perfectionner leur enseignement.

Des rapports étroits se sont établis depuis bientôt 70 ans entre la Société Académique, l’Etat et l’Université. Cette collaboration a rendu possible, par l’initiative privée, la création du Fonds général de l’Université dont la fortune est proche du million, l’équipement de l’Institut de Physique et bien d’autres réalisations.

Par le canal de la Société Académique, des legs importants ont été mis au service de l’Université. C’est le cas du Fonds Frédéric Firmenich et du Fonds Marc Birkigt, pour ne citer que les plus récents. Aujourd’hui, les industriels en métallurgie et les principaux fabricants de produits chimiques de Genève nous confient les sommes qu’ils destinent à l’Université à l’occasion de son 4me Centenaire.

Les progrès du haut enseignement sont liés plus que jamais aux préoccupations sociales et matérielles des étudiants. La tendance actuelle veut qu’une « Alma Mater » se fasse nourricière au sens propre du terme. Consciente de cette évolution et s’inspirant des expériences faites ailleurs, Genève a décidé de créer une Cité Universitaire. Cette réalisation sera rendue possible par les efforts conjugués de tous : Etat, Ville, entreprises privées et souscriptions individuelles.

A l’adresse des étudiants, et surtout des anciens étudiants, nous dirons ceci : La finance d’inscription au cours ne couvre qu’une minime partie des dépenses de l’Université. L’étudiant est donc un boursier qui s’ignore. II paie peu et reçoit beaucoup. Il contracte une dette de reconnaissance dont il aura envie de s’acquitter dès l’instant où il réalisera combien le succès de sa carrière est dû à l’enseignement qu’il a reçu sur les bancs de l’Université. Pensez à l’appel de la Cité Universitaire. Pensez aussi à la Société Académique.

L’occasion vous est offerte aujourd’hui d’ajouter votre nom à celui des 800 membres de notre société et de vous associer ainsi, par une cotisation modeste, à l’appui matériel et moral que nous apportons à l’Université.

Cet appel s’adresse également à tous ceux qui estiment que notre Académie, avec ses 2600 étudiants, dont 1500 étrangers, participe au rayonnement international de notre ville, l’un des éléments de son développement et de sa prospérité actuelle.

En terminant ce rapport, je tiens à remercier mes collègues du Comité de leur précieuse collaboration.

Je voudrais exprimer particulièrement notre reconnaissance à M. Marc Borgeaud qui a présidé notre

société pendant trois ans avec un dévouement total et une parfaite objectivité. Il est de ces présidents que l’on voudrait conserver bien au-delà de la période statutaire de leur mandat. Mais il est aussi de ceux sur lesquels on peut compter, même quand ils sont rentrés dans le rang. En disant qu’il est un authentique Borgeaud, je lui rends hommage et je rends hommage au souvenir de son père, le professeur Charles Bongeaud » qui, avec le professeur Eugène Choisy, fonda la Société Académique il y a 69 ans.

Nous avons à procéder à l’élection statutaire de la moitié des membres du Comité dont le mandat vient à expiration et qui acceptent leur réélection. Ce sont :

Marc Borgeaud, Jean-Jacques Gautier, Philibert Lecroix, Robert Choisy, Gustave Hentsch, Georges Perréard, Olivier Reverdin.

Comme contrôleur des comptes, nous vous proposons de réélire M. Guillaume Bordier et M. Albert Turrettini, et de nommer M. Edmond Maeder en remplacement de M. Raoul Lenz qui décline une réélection.

Nous le remercions, ainsi que MM. Bordier et Turrettini du soin qu’ils ont apporté à l’exercice de leur mandat.