Rapport annuel de la présidence 1968-1969

Mesdames et Messieurs,

En venant vous faire rapport sur l’activité de la Société Académique durant l’exercice écoulé, j’âi tout d’abord le devoir de rendre un dernier hommage à la mémoire de M. Alphonse Bernoud, membre d’honneur de notre société, membre du comité pendant 45 ans, de 1919 à 1964, archiviste, président de 1930 à 1933- Docteur ès sciences, membre d’un inlassable dévouement, M. Bernoud a fait partie de nombreuses commissions et s’est occupé avec grande compétence de toutes les questions scientifiques dont notre comité avait à traiter.

Il m’importe de rappeler en outre le souvenir de certains membres décédés, dont plusieurs ont joué un rôle éminent dans notre cité.

Ce sont : MM. Albert Pictet, Alfred Masset, Jacques de Saussure, le professeur Paul-Edmond Martin, MM. Georges Ketterer, Ernest Adler, Arnold Rotschi, René Epars, les docteurs Gustave Moppert et Henri Wohler, les professeurs Jean Weigle et Charles Werner, MM. Kurt Schoellhorn, Laurent Zoppino, Albert Rivoire.

Qu’il me soit permis de rappeler plus particulièrement la mémoire des professeurs Jean Weigle et Charles Werner, qui par leur enseignement ont illustré notre Université ainsi que celle du professeur Paul-Edmond Martin, qui fut pour notre société, un membre fidèle et dévoué, puisqu’il collabora à diverses commissions et que son intérêt pour notre activité ne se démentit jamais.

Durant son dernier exercice, la Société Académique dont le patrimoine est celui des 27 fonds dont elle assume la gestion, s’élève à plus de 8’200’000 francs, a consacré 197’778.10 Fr. en exécution des buts qui lui sont assignés par ses statuts ou par ceux des fonds dont elle assure la gérance. Parmi les allocations versées, il y a lieu tout d’abord de rappeler les sommes suivantes prélevées sur les revenus du Fonds ordinaire :

L’exercice écoulé a vu votre société bénéficier d’un don généreux des héritiers de Mme Philippe Chuit-Firmenich : Mme Albert Hagnauer-Firmenich, M. Hugo Firmenich, M. Roger Firmenich, Mme Daniel Pometta-Firmenich ont décidé de verser la somme de Fr. 500’000,- pour la création d’un « Fonds Philippe Chuit « , afin d’honorer la mémoire de M. Philippe Chuit, Dr en chimie, fondateur de l’entreprise Chuit, Naef & Cie, devenue Firmenich & Cie.

Ce don cst destiné à promouvoir et faciliter les études et les recherches universitaires dans le domaine de la chimie. Qu’il me soit permis en votre nom à tous de remercier les héritiers de Mme Philippe Chuit pour ce magnifique don par lequel,

une fois de plus, ils ont témoigné l’intérêt qu’ils portent à l’Université de Genève.

Il m’importe de signaler en outre les versements de la Société des Instruments de Physique et de la famille Turrettini qui vont permettre d’augmenter le montant du Prix Théodore Turrettini. Ce prix sera transformé en Fonds Théodore et Fernand Turrettini; il sera destiné au développement de la science physique à Genève, par l’octroi de bourses, l’achat d’instruments, l’aide à de jeunes physiciens, Que les généreux donateurs en soient remerciés ici.

Vous constaterez ainsi que la Société Académique, grâce à la libéralité de ses membres, mais grâce aussi à la liberté et à l’indépendance qui sont les siennes, a pu continuer à assumer des tâches et prendre des initiatives que l’administration prisonnière souvent de la rigidité des lois et des règlements aurait pu difficilement assumer.

Elle a pu ainsi favoriser la carrière de jeunes chercheurs en leur permettant de se rendre dans des pays étranger, en vue de parfaire leurs connaissances ; elle a enfin permis à quelques-uns parmi nos plus brillants étudiants, de poursuivre des recherches ou de réaliser leur doctorat.

Mais en dehors des tâches matérielles auxquelles les importants moyens dont elle dispose lui a permis de faire face, votre société ne s’est pas désintéressée du problème posé par la réforme de l’Université.

Aussi modestes que soient ses intentions, et aussi discrètes que puissent être ses interventions, le statut futur de notre Alma Mater reste au centre de ses préoccupations.

Dans un précédent rapport, notre ancien président, M. Olivier Reverdin, avait déjà souligné quel avait été le rôle de la Société Académique dans ce qu’il avait appelé à juste titre, la pré-réforme de l’Université et notamment dans la création du poste de secrétaire général.

Il est bon de rappeler aujourd’hui que les événements de mai 1968 dans lesquels certains n’ont voulu voir qu’un tumultueux néant, n’ont fait qu’accélérer un processus dont la nécessité avait été antérieurement démontrée.

Les débats concernant la réforme proprement dite de l’Université se sont cristallisés dans la discussion du projet élaboré par la commission d’étude du statut de l’Université dite par mesure de simplification « Commission Leclerc », projet que le Conseil d’Etat a approuvé le 20 mai dernier pour être soumis prochainement au Grand Conseil.

Il n’entre pas ici en considération d’en discuter les principes, ni même d’en apprécier la motivation.

Qu’il nous soit cependant permis de souligner qu’il engendrerait une organisation inutilement compliquée et diffuse où les responsabilités seraient trop fragmentées pour être clairement définies et que cet instrument lourd et encombrant ne saurait en définitive servir Ia cause de l’enseignement supérieur à Genève.

Sans vouloir y voir, comme l’ont déclaré certains membres de l’Association générale des étudiants, un compromis bâtard ou un réformisme impraticable, nous ne pouvons que nous rallier à l’insatisfaction manifestée par l’Association des professeurs de l’Université de Genève.

Nous pensons que le schéma d’organisation de l’Université doit être simple et que l’armature de cette dernière doit rester le corps des professeurs qui mieux que quiconque est placé pour fixer les enseignements qui doivent y être donnés et en définitive en assurer la gestion.

Que les étudiants et les jeunes chercheurs aient leur place dans les structures de l’Université est devenu un truisme aujourd’hui, mais ils ne sauraient se substituer aux laçons de l’expérience et au savoir et connaissances d’hommes

qui ont consacré une grande part de leur vie à l’étude et à la recherche.

Notre Alma Mater doit bénéficier de méthodes modernes de gestion, qui doivent être assurées par un rectorat fort qui en sera l’autorité exécutive et un Conseil académique dont la majorité doit être assurée par le corps professoral, mais qui doit comprendre aussi des milieux de l’économie ainsi que des étudiants et des jeunes chercheurs.

Les responsabilités des uns et des autres doivent être strictement délimitées pour permettre à l’Université, en liaison avec l’Etat, de poursuivre la tâche qui lui est dévolue.

Mesdames et Messieurs, mon rapport serait incomplet si je ne venais pas dire ici toute notre reconnaissance au professeur Reverdin qui, pendant trois ans, a assumé la présidence de notre société.

En sus des charges très importantes et absorbantes que représente une chaire à l’Université, en sus du temps consacré au Fonds national de Ia recherche scientifique, et cela sans parler de Ia tâche astreignante que représentent les fonctions de conseiller national, M. Olivier Reverdin s’est dévoué à la Société Académique à laquelle il n’a ménagé ni son temps, ni sa peine.

Vos applaudissements, marqueront mieux que je ne puis le faire, la reconnaissance que notre société lui doit pour les services qu’il nous a rendus.

 

Georges Perréard, président

13 novembre 1969